Le 27 novembre 1978, Harvey Milk était assassiné par un de ses adversaires politiques à la mairie de San Francisco. Mairie où il fût le premier superviseur, ce qui équivaut à conseiller municipal, ouvertement homosexuel à être élu parmi le conseil de la ville en 1977.
L’élu Milk est un militant homosexuel de longue date. Il a été de multiples fois candidat à la mairie de la ville pour porter la voix des homosexuels dans une ville qui se libère doucement, notamment grâce au Castro, qui est alors un des quartiers gays les plus importants des USA et du monde.
Alors que l’Amérique est divisée par la question du licenciement des fonctionnaires homosexuels, Milk va devenir par son opiniâtreté et son talent oratoire une véritable icône du militantisme LGBT, dans une Amérique encore très conservatrice.
Se sachant menacé, peu avant son assassinat, Milk marquera à jamais l’histoire en laissant à destination de ses proches des cassettes sur lesquelles il avait enregistré des discours à l’intention des LGBT du monde entier si quelqu’un intentait à sa vie. Une phrase dite par Milk traversera l’histoire, tant par son caractère dramatique que par la puissance de ses mots : « Si une balle devait traverser mon cerveau, laissez-la briser aussi toutes les portes de placard » — « If a bullet should enter my brain, let that bullet destroy every closet door » Une phrase qui invite alors tous les homosexuels du monde de faire, à sa manière son coming-out, soit selon la métaphore francisée : sortir du placard.
L’assassinat incroyablement symbolique du militant homosexuel formera ensuite à San Francisco, comme à travers le monde, un mouvement de soutien aux LGBT en général, débutant ainsi un renouveau du combat pour les droits, à peine dix ans après la première gay pride de 1969 de New York. Dans le rassemblement qu’il prend alors place, la jeune chanteuse lesbienne Holly Near compose la chanson Singing For Our Lives. La chanson aux accents folk, prend place dans la tradition de la protest song et s’érige rapidement comme hymne à la paix et la liberté après l’assassinat de Milk.
Ce n’est toutefois qu’en 1983, qu’Holly Near réalisera l’enregistrement et l’édition de sa chanson, qu’elle nommera alors Gentle Angry People. La chanson n’avait à l’origine pas l’ambition d’être enregistrée, Holly Near l’ayant composée sous le coup de l’émotion afin de porter avec ses proches l’espoir que Milk avait lui-même porté pour un monde meilleur. Toutefois, en 1981, les cinq premières victimes homosexuelles du SIDA sont déclarées aux États-Unis. La pandémie prend dans la communauté homosexuelle des proportions effroyables, déchirant ainsi une solidarité encore fragile.
En 1982, parce que les premiers malades sont exclusivement homosexuels, le syndrome est appelé par certains le gay-related immunodeficiency disease (GRID). Dès lors, un mouvement sans précédent de solidarité et de soutien se forme dans la communauté LGBT, mise au ban de la société. Et c’est alors qu’Holly Near décide d’enregistrer son hymne qui rencontrera un nouveau succès.
We are a gentle, angry people
and we are singing, singing for our lives
We are a justice-seeking people
and we are singing, singing for our lives
We are young and old together
and we are singing, singing for our lives
We are a land of many colors
and we are singing, singing for our lives
We are gay and straight together
and we are singing, singing for our lives
We are a gentle, loving people
and we are singing, singing for our lives
Cet hymne à la fois naïf et rêveur aura donc marqué à trois reprises l’histoire de la communauté gay : une première fois à la mort d’Harvey Milk, une deuxième fois lors de la lutte contre le SIDA et désormais, pour réunir et unir les victimes et les Américains après le violent attentat homophobe d’Orlando. La chanson dont la portée symbolique est désormais très forte est ainsi chantée au Castro, et un peu partout à travers l’Amérique.
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