Derrière son apparat de fraîcheur, Geek Girl ne manque pas de profondeur. La nouvelle série ado de Netflix, britannique, présente une héroïne fortement attachante : Harriet, interprétée par Emily Carey (vue dans House of the Dragon). Les dix épisodes de cette première saison racontent comment cette adolescente, considérée comme geek et marginale dans son lycée — jusqu’à en subir du harcèlement scolaire –, découvre un milieu qui n’a rien à voir avec ses passions initiales : la mode.
Nombre d’internautes ont reconnu en Harriet les caractéristiques d’une personne autiste, et s’étonnent que le mot ne soit jamais prononcé dans la série. Serait-ce un personnage « codé autiste » (représentation critiquable qui consiste à s’inspirer de traits prétendus de l’autisme pour construire un personnage à part entière) sans l’être ?
Holly Smale, autrice des romans young adult originaux et impliquée dans cette adaptation Netflix, a répondu à cette question dans un thread : non, Harriet n’est pas codée, et Geek Girl relate son propre vécu autobiographique. Elle détaille son traitement narratif de l’autisme.
« Harriet est autiste. Elle n’est pas ‘codée’ »
Tout est issu de l’expérience d’Holly Smale durant son adolescence. Dans son thread, elle confirme : « Harriet est autiste. Elle n’est pas ‘codée’. Elle n’est pas ‘subtilement présentée comme’ » étant autiste, précise-t-elle d’emblée. Pour une raison simple : Holly Smale est elle-même une personne autiste. Harriet « a été présentée comme autiste, écrite comme autiste, jouée comme autiste. Par une autrice autiste et une actrice autiste », rappelle-t-elle.
À ce sujet, d’ailleurs, l’actrice Emily Carrey a confirmé à plusieurs reprises sa neuroatypie. « Lorsque le casting a été annoncé, les fans du livre — qu’ils me connaissaient déjà ou non — se sont demandés si j’étais en réalité autiste. Je le suis. C’est un casting authentique, ne vous inquiétez pas », a-t-elle déclaré sur TikTok, par exemple. De fait, le langage corporel, notamment, est très important dans son interprétation.
Reste une question : pourquoi l’autisme n’est-il jamais évoqué dans la série Netflix — durant cette saison 1 en tout cas ? Là encore, il s’agit de coller aux livres et, ainsi, à sa dimension autobiographique. « Dans les livres, Harriet n’est JAMAIS décrite comme autiste, parce que je suis Harriet et que je ne savais pas que je l’étais. Cela ne la rend pas moins autiste dans les livres non plus », explique Holly Smale. Ainsi, Harriet n’est pas simplement « codée » de façon autistique, elle n’est tout simplement pas encore diagnostiquée comme telle.
Il était important, pour Holly Smale, de narrer cette expérience d’adolescente autiste ne connaissant pas sa propre neurodivergence. « Geek Girl est basée sur moi et sur ma vie — mon expérience a été de ne pas avoir été diagnostiquée, ce qui est un parcours TRÈS différent et qui est au cœur de l’histoire. Une grande partie de la confusion, de l’égarement et de la haine de soi de Harriet vient du fait qu’elle NE SAIT PAS. L’absence de diagnostic est la clé de l’intrigue », détaille l’autrice.
Non seulement il s’agit d’une clé autobiographique de l’intrigue, mais, selon Holly Smale, cela touche une dimension plus universelle chez les adolescentes autistes : « De plus, 80 % des filles autistes de l’âge d’Harriet ne sont pas non plus diagnostiquées. Il s’agit donc d’une expérience commune. Nous n’avons pas tous l’avantage d’un diagnostic précoce. Il existe de nombreuses histoires fabuleuses mettant en scène des personnages autistes diagnostiqués qui savent qui ils sont — il s’agit d’une HISTOIRE DIFFÉRENTE. »
S’ajoute une problématique de temporalité : l’histoire de la saison 1 se déroule sur une semaine, tout au plus. « Demander à Harriet de s’auto-diagnostiquer, d’être évaluée, d’être diagnostiquée, de traiter cela et de s’en sortir en UNE SEMAINE est… impossible. Même dans le monde de la télévision. La liste d’attente au Royaume-Uni [pour un tel diagnostic] est d’environ trois ans. »
Holly Smale ajoute qu’un autre argument a motivé l’équipe créative à s’en tenir à la lettre à cette approche, qui forgeait les livres : faire « une série sur une adolescente, qui se trouve être autiste », afin que son humanité reste universelle. « Certaines personnes s’identifient à elle, parce qu’elle est anxieuse, peu sûre d’elle ou maladroite. Harriet a le droit d’exister en tant qu’être humain non diagnostiqué. »
Reste la question des adultes de la série. Là encore, Holly Smale renvoie à ce qu’elle désigne comme « la vraie vie » pour les adolescentes autistes : « La réalité, c’est qu’ils ne savent pas toujours, ou ne comprennent pas, ou ne saisissent pas toujours ce qu’il faut faire. Ils ne le voient pas toujours, même lorsque c’est sous leur nez. Je parle d’expérience. »
Une petite variation, avec les ouvrages, se situe toutefois dans un dialogue entre Wilburg (le manager d’Harriet) et le père d’Harriet. Wilburg semble saisir la divergence de la jeune fille et pousser son père à l’aider en ce sens. Le dialogue reste ténu. En cas de saison 2, cela pourrait-il devenir un sujet plus marqué dans la série ? Holly Smale se contente de préciser que le choix d’évacuer le diagnostic ne concerne que la saison 1, donc peut-être cela pourrait-il se développer lors de nouveaux épisodes.
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