C’est le grand jour : vous allez enfin voir Lady Raven en concert, l’une de vos chanteuses préférées, qui se produit ce soir à guichets fermés. La pop star arrive, le concert est magistral, vous montez même sur scène pour danser avec elle. Mais à vos côtés, se tient peut-être un tueur en série, Le Boucher, activement recherché par le FBI. Ce spectacle, d’ailleurs, n’est pas pour vous : il est spécialement pour lui.
Bienvenue dans Trap, le dernier thriller psychologique de M. Night Shyamalan, le maître du suspense depuis Sixième Sens, Incassable ou Le Village. Nous vous conseillons vivement de ne voir aucune bande-annonce avant de découvrir ce huis clos étouffant : le film fonctionne encore mieux lorsqu’il se dévoile par surprise, et nous ne révèlerons donc aucun spoiler dans cette critique.
Josh Hartnett (et ses sourcils), la star du film
Commençons par le plus évident : avec Trap, Josh Hartnett signe la plus belle performance de sa carrière. L’acteur phare des années 2000, qui a oscillé entre drames historiques comme Pearl Harbor et comédies romantiques façon 40 jours et 40 nuits, a ensuite opéré un virage inattendu dans des productions plus dramatiques, comme la série Penny Dreadful ou le carton Oppenheimer.
Trap confirme son retour magistral au sommet, dans le rôle d’un père accompagnant sa fille au fameux concert et se retrouvant piégé sur place. Toutes ses expressions faciales, même sa maîtrise impressionnante de ses sourcils, sont parfaitement retranscrites à l’écran, dans des gros plans toujours parfaitement dosés, jusqu’à une image finale remarquable. Certes, Lady Raven rassemble 300 000 fans. Mais la vraie star du film, c’est Josh Hartnett.
Un concert ou un cauchemar ?
Et bonne nouvelle : la malice de son jeu d’acteur est sublimée par un génie de la mise en scène, M. Night Shyamalan. On peut faire de nombreux reproches à ce cinéaste, de son adaptation ratée d’Avatar, le dernier maître de l’air, en passant par sa passion débordante pour les twists plus ou moins réussis, jusqu’à son obsession pour la religion.
Mais une chose est certaine : il mène toujours sa caméra comme personne, orchestrant son style autour du hors-champ, mais aussi de la prédominance du rouge et du vert pour souligner les émotions de ses personnages. Alors qui mieux que ce maître du suspense pour transformer un concert géant en véritable cauchemar ?
Les Swifties mis à l’honneur
À part pour célébrer un artiste en particulier, il faut avouer que les immersions dans ce type d’environnement sont plutôt rares au cinéma. Et franchement, cela fait du bien de voir les communautés de fans représentées à l’écran (même comme personnages ultra-secondaires) et de vivre l’intensité d’un tel spectacle à travers le septième art.
Pour construire son huis clos, M. Night Shyamalan a eu la brillante idée de s’inspirer de la reine musicale qui remplit des stades : Taylor Swift. Les ressemblances avec les concerts de la chanteuse sont troublantes, notamment pour une Swiftie qui a eu la chance d’y assister, comme l’autrice de ces lignes.
Et pour renforcer cette mise en abyme, l’interprète de Lady Raven n’est autre que la fille du réalisateur, Saleka Shyamalan. Pour l’occasion, elle a ainsi composé toute la bande-originale de Trap, dont un feat spécial avec Kid Cudi, qui apparaît également dans le film. Une façon astucieuse de donner vie au prétexte de la narration, même en dehors de l’écran.
Un propos stigmatisant sur la santé mentale
Si la tension ne nous quitte jamais, durant toute la durée du thriller, il faut avouer que l’ensemble souffre de quelques faiblesses, notamment narratives. On ne compte même pas le nombre d’incohérences liées à la capture du tueur en série, qui parvient toujours à s’échapper. On pourrait croire que son intelligence y est pour quelque chose, mais c’est plutôt l’incompétence des autres personnages qu’il faut souligner, tant on a envie de les secouer.
M. Night Shyamalan manque ici l’occasion de mettre en valeur la supériorité d’un coupable, façon Hannibal Lecter et Le Silence des Agneaux. On est malheureusement loin de ces références, même s’il faut avouer que le tueur donne vraiment la chair de poule pendant 1h45.
Mais ce qui pose surtout problème, c’est un thème malheureusement récurrent chez le cinéaste : la représentation des monstres et la psychophobie qui va avec. Depuis Split ou The Visit, M. Night Shyamalan a ainsi une tendance à représenter la santé mentale comme un déclencheur d’actes criminels, voire comme un signe de monstruosité, stigmatisant au passage de nombreuses personnes concernées par des troubles psychiques.
Un parti pris qui participe à masquer la dure réalité : les tueurs et auteurs de violences ne sont pas des anomalies, mais vivent bien parmi nous en tant que pères, frères ou amis. La magie de Lady Raven ou les sourcils de Josh Hartnett ne doivent pas nous le faire oublier.
Le verdict
Trap
Voir la ficheOn a aimé
- Josh Hartnett, exceptionnel
- L’immersion en concert
- Les chansons originales composées pour le film
- La mise en scène de Shyamalan
On a moins aimé
- La psychophobie
- La représentation des monstres
- L’incompétence des personnages secondaires
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