Pour le tout premier jeu de son histoire, Trialforge Studio ne s’est certainement pas aventuré dans le genre le plus simple. Deathbound entend ainsi s’immiscer dans la catégorie popularisée par la trilogie Dark Souls. Les aficionados le savent : nul ne maîtrise mieux ce sujet que le maître FromSoftware, qui est même parvenu à lui donner un nouveau souffle avec Elden Ring. Deathbound s’attaque donc à l’Everest, armé d’idées originales pour se distinguer.
Malheureusement, l’envie d’encourager les studios à faire des pas de côtés probants, tout du moins essayer, ne peut se substituer à ce qui ressort de l’expérience finale pour les joueuses et les joueurs. Dans le cas de Deathbound, on navigue sans cesse entre l’envie d’applaudir des développeurs à l’imagination débordante et celle de maudire une exécution médiocre, voire ratée. On sent que Trialforge Studio a agi davantage avec passion qu’avec raison. À force de vouloir trop innover sans une maîtrise suffisante, Deathbound devient une expérience qui souffre de mille maux.
Points forts
- Il y a des idées
- Le concept des essences fonctionne
- Quelques efforts dans la narration
Points faibles
- C’est vraiment très vilain
- Gameplay bancal sur les fondamentaux
- Indexer l’endurance à la santé est une aberration
Indexer l’endurance à la barre de vie dans un Dark Souls est une mauvaise idée
Une première chose frappe quand on lance Deathbound pour la première fois : où sont nichées les barres de vie et d’endurance, les rares choses à laquelle on peut se raccrocher quand on joue à un soulslike ? C’est là que les ennuis commencent. Deathbound s’appuie sur un concept trop pénalisant. Ainsi, l’endurance est indexée sur la barre de vie, qui se confondent à l’écran (la jauge se trouve en bas à gauche, si jamais). Dès lors, moins vous avez de santé, moins vous pourrez entreprendre des actions — attaquer, esquiver, parer. C’est une fausse bonne idée. On comprend la volonté d’augmenter davantage le défi, un peu moins cette volonté de le rendre moins agréable.
D’autant que les objets de soin ne sont pas en abondance dans le jeu, pour une raison qui nourrit un autre concept audacieux. Dans Deathbound, on peut récupérer les essences de guerriers, essences qu’on peut ensuite « équiper » pour passer de l’une à l’autre. On peut en avoir quatre dans son arsenal (il y en a plus en réalité). Ces guerriers octroient des profils variés, du chevalier classique au mage, en passant par l’assassin ou le moine adepte de la capoeira. Dans les combats, on peut passer rapidement passer de l’un à l’autre, ou preque, avec le twist suivant : celui qu’on joue soigne les autres à chaque attaque portée. D’où la rareté des objets de soin. Oui, c’est un peu compliqué à comprendre.
Les subtilités ne s’arrêtent pas là. Une essence meurt ? C’est tout le groupe qui partage le game over. Il y a d’ailleurs un raccourci pour passer illico à celle qui dispose de la santé la plus élevée. Vous avez rempli la jauge de synergie ? Vous allez pouvoir porter un coup surpuissant en appuyant sur la touche de transformation au moment opportun, avec un timing parfois étrange. Dernier point à garder en tête : certains personnages se détestent, d’autres s’adorent. Il faut donc correctement les placer sur son échiquier pour créer des liens positifs, afin d’obtenir des bonus intéressants. Vous l’aurez compris, Deathbound est un jeu qui multiplie les éléments à assimiler. Contre son propre bien.
À ces distinctions s’ajoute la panoplie habituelle du soulslike. Les points d’expérience doivent être récupérés sur son cadavre. On ne peut gagner un niveau qu’auprès d’un site de repos (très éparpillé). Les environnements, élémentaires dans l’architecture (zéro verticalité), sont construits avec des raccourcis à débloquer pour obtenir des chemins plus simples. Deathbound peut quand même se débarrasser des armes à ramasser, puisqu’elles sont remplacées par les essences qui se battent différemment (épée, hache, dague, bâton…).
La possibilité de pouvoir basculer d’un style à l’autre à l’envi est plutôt alléchante. Sauf que Deathbound est pénalisé par le dynamisme discutable de son gameplay. Tout est un peu lourd et lent, et on ne comprend pas toujours ce qui se passe à l’écran quand la transformation a lieu. On manque de lisibilité par rapport à ce qu’on fait et, par exemple, on aura vite fait de se faire punir par une attaque très mal placée alors qu’elle est censée être efficace. On vous passe aussi les soucis de collision, qui peuvent bloquer dans le décor, ou encore les ralentissements. Deathbound n’a pas l’assise technique de ses ambitions, condition sine qua none dans un genre où le moindre écart de précision est sanctionné.
Deathbound n’est pas aidé non plus par sa direction artistique, qu’on qualifiera, au mieux, d’ignoble. Elle mélange un peu tous les styles — Moyen Âge, SF, contemporain — dans un gloubi-boulga qui donnerait presque la nausée. On a parfois l’impression de passer du coq à l’âne, sans réelle transition logique entre les environnements, tous plus laids les uns que les autres (la qualité graphique n’est pas là, bien sûr). La narration, de son côté, est un tantinet plus soignée, puisque chaque essence est introduite avec sa petite histoire. On doit en revanche se coltiner des dialogues qui finissent par taper sur le système, avec des chamailleries en décalage avec les enjeux s’articulant autour de la vie et de la mort. C’est lugubre, mais terriblement suranné.
Le verdict
Deathbound
Voir la ficheOn a aimé
- Il y a des idées
- Le concept des essences fonctionne
- Quelques efforts dans la narration
On a moins aimé
- C’est vraiment très vilain
- Gameplay bancal sur les fondamentaux
- Indexer l’endurance à la santé est une aberration
Deathbound a beaucoup d’idées. Le problème ? Il en a en réalité beaucoup trop pour son propre bien. En résulte une expérience qui souffre d’un manque de maîtrise dans certains fondamentaux essentiels. En voulant s’aventurer dans un soulslike et, pire, en voulant le rafraîchir, Deathbound se met trop de pression et le résultat s’en ressent.
C’est dommage, mais il est possible d’y voir une sorte de laboratoire pour déceler ce qui marche et ne marche pas. Sauf qu’on n’était pas obligé d’être les cobayes de ces expérimentations. C’est un exercice d’autant plus pénible que l’habillage, tant graphique qu’artistique, de Deathbound fait vraiment peine à voir.
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