Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine le Copyright Madness revient sur des dérives autour des armes à feu, un beau copyfraud du Musée Carnavalet et un sacré patent madness d’Apple. Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Headshot. La dérive qui suit reproduit une fois de plus la bataille de David contre Goliath. Elle concerne le studio de jeux vidéo Activision qui est parvenu à faire supprimer un jeu de la plateforme Steam. Le titre en question a été réalisé par un petit studio indépendant qui s’était fait connaître il y a quelques années pour avoir produit l’un des plus mauvais jeux vidéo de l’histoire. À cette notoriété peu élogieuse s’ajoute une accusation de plagiat. Activision lui reproche d’avoir copié le design de certaines armes à feu de son jeu Call of Duty. Au lieu d’y voir une source d’inspiration, Activision sort la carte de la violation de propriété intellectuelle contre un acteur qui ne joue pas du tout dans la même cour que lui. Sauf que si on pousse le raisonnement d’Activision, on pourrait très certainement trouver des ressemblances entre les armes de Call of Duty et celles qui existent en vrai…

Petit Prince. Toujours prisonnier du droit d’auteur, alors qu’il aurait dû passer dans le domaine public en 2015, Le Petit Prince continue d’apparaître régulièrement dans le Copyright Madness. Cette fois, c’est le visuel d’un ancien billet de 50 francs, avec le portrait de Saint-Exupéry et l’image du personnage, qui est en cause. Le 29 juin, à l’occasion des cent ans de la naissance de St-Ex, La Parisienne de Photographie publie sur son compte Twitter une photo du billet en y ajoutant un copyright « (C) Musée Carnavalet / Roger Viollet ». Comme si un musée et une agence pouvaient avoir un droit d’auteur sur la photographie d’un billet de banque ! C’est encore le grand n’importe quoi du copyfraud…

https://twitter.com/AlainKorkos/status/748079845939224576

Alerte rouge. Plus du tout envie de rire avec la dérive suivante… On vous parle souvent dans cette chronique du « Robocopyright », ce dispositif de filtrage automatique mis en place par les grandes plateformes pour repérer et supprimer les contenus sous droits. Or cette semaine, sous la pression des gouvernements, Facebook et Google ont annoncé qu’ils étaient prêts à utiliser ces dispositifs pour retirer des contenus dits «  extrémistes ». On frémit à cette idée, car le Robocopyright est à l’origine de nombreux retraits abusifs, étant incapable d’apprécier le contexte de publication d’un contenu. On va droit vers une extension de la censure mise en œuvre par les plateformes…

Vie privée. Nous avions évoqué cette dérive il y a quelques semaines. Impliquant la Brein, qui est l’organisation de défense des droits d’auteur aux Pays-Bas, elle exhortait différents opérateurs à fournir les données personnelles de plusieurs internautes suspectés de piratage et dont les comptes ont été supprimés. Or, la loi néerlandaise prévoit qu’une fois que le compte a été désactivé, on ne peut plus accéder aux données personnelles des individus. La Brein a porté cette affaire en justice et vient d’obtenir gain de cause. Les opérateurs devront divulguer les nom, prénom, adresse IP et mail des personnes. Outre le risque que cela peut faire jurisprudence par la suite, cette décision démontre que le droit d’auteur prévaut désormais sur la vie privée.

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CC

Trademark Madness

Dégâts collatéraux. Les armes à feu ne sont pas des jouets et les associations qui défendent la vente d’armes font aussi de sérieux dégâts. C’est le cas notamment de la National Rifle Association (NRA) qui n’a pas apprécié la campagne parodique réalisée par les Yes Men. Avec beaucoup d’ironie, celle-ci se moque de la circulation des armes à feu. Mais tout porte à croire que c’est la NRA elle-même qui l’a réalisée. Cette dernière a invoqué la carte de la violation du droit des marques, alors même qu’il s’agit d’une parodie, pour bloquer l’accès au site. Cela est suffisamment fou pour se retrouver dans le Copyright Madness mais ce n’est pas tout : en demandant le blocage de ce site, il y en a 37 999 autres qui ont été victimes de la folie de la NRA et qui ne sont plus accessibles ! C’est ce qu’on appelle un dommage collatéral…

Gueule de bois. Il fallait s’y attendre et c’est évidemment arrivé. Quelques trolls ont commencé à tenter d’enregistrer la marque Brexit ! L’article rapporte qu’un brasseur a produit un cidre qu’il a appelé Brexit. On comprend également que d’autres ont déposé cette marque dans différentes classes qui vont des vêtements aux compléments alimentaires. A chaque événement majeur, on peut désormais être sûr qu’un troll voudra surfer sur l’occasion pour tenter de faire son beurre… ou sa bière ! ;-)

Patent Madness

Bloqués. Depuis quelques temps, un nombre croissant d’artistes se plaint que les spectateurs les prennent en photo ou les filment avec leur téléphone pendant les concerts, en estimant que cela viole leur droit d’auteur. Mais Apple a trouvé la solution et a obtenu un brevet bien délirant cette semaine. Il s’agit d’un dispositif infrarouge qui enverra un signal aux smartphones et tablettes dans une zone donnée pour bloquer la possibilité de prendre une photo. Quel monde merveilleux où la machine décide à la place de l’utilisateur, sans compter que l’on a tout à fait le droit de photographier ou de filmer un spectacle au titre de la copie privée, à condition de ne pas repartager les images ! Et on imagine déjà les applications suivantes de ce brevet, par exemple placer le bidule infrarouge d’Apple sur chaque policier pour empêcher qu’il soit pris en photo par des manifestants…

Copyright Wisdom

Point Final. On vous a maintes fois parlé de cette affaire dans cette chronique, mais elle est à présent terminée une bonne fois pour toutes : la chanson Happy Birthday est officiellement dans le domaine public et quiconque peut l’utiliser librement, y compris dans un film ou dans un spectacle. Après l’invalidation du copyright que revendiquait la Warner, la justice a avalisé cette semaine un accord financier pour que cette société rembourse les sommes demandées pendant des années sur la base de ce droit d’auteur qui n’existait pas. C’est une grande victoire contre le copyfraud et un retour au domaine public pour cette chanson emblématique !

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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