Prétendant immédiat au titre de GOTY 2024 (jeu de l’année), machine à controverses, succès commercial trompeur majoritairement soutenu par ce vaste pays qu’est la Chine, soulslike à la plastique divine… Black Myth: Wukong est un titre aux mille visages, selon les dires des uns et des autres. Depuis sa toute première bande-annonce, il intrigue pour plusieurs raisons. Il est le symbole d’une nouvelle vague de jeux en provenance d’Asie, démontrant que le Japon n’est pas le seul grand pourvoyeur de jeux du continent. Développé en Corée, Stellar Blade a ouvert la voie il y a quelques mois. Le prometteur Phantom Blade Zero l’imitera bientôt.
Disponible depuis le 20 août 2024, Black Myth: Wukong est originaire de Chine et adapte le roman La Pérégrination vers l’Ouest, œuvre majeure de la littérature asiatique (il a, par exemple, inspiré Dragon Ball, ce n’est pas rien). Pour le studio Game Science, dont Black Myth: Wukong est le premier gros projet, l’occasion était trop belle d’imaginer un RPG d’action ambitieux, qui nous lance sur les traces de Sun Wukong — aka le Roi singe. Dans la peau du Prédestiné, on embarque pour six chapitres articulés autour de dizaines et de dizaines de combats de boss. Après plus de 20 heures à pester, s’émerveiller et suer, notre verdict est loin de l’idée selon laquelle Black Myth: Wukong serait un jeu incontournable.
Points forts
- Direction artistique à tomber
- Un gameplay avec une certaine patate
- Contenu généreux
Points faibles
- Équilibrage douteux
- Optimisation PS5 à revoir
- Architecture des environnements infernal
Black Myth: Wukong mise un peu trop sur l’esbroufe
Dès les premières images, Black Myth: Wukong a étalé sa beauté graphique permise par l’utilisation du flamboyant moteur graphique Unreal Engine 5. Que reste-t-il de cet engouement, maintenant que le jeu est disponible ? Le sentiment de s’être fait escroquer, à moins d’avoir un PC à la configuration solide. Car sur PlayStation 5 (la version Xbox est retardée pour des soucis techniques), Black Myth: Wukong n’est pas la claque visuelle promise. La faute à une optimisation décevante, expliquée par les spécialistes de Digital Foundry. En résumé, aucun des modes d’affichage proposés par la console est 100 % satisfaisant.
Par souci de fluidité, on a toujours joué avec l’option performance, qui promet un framerate à 60 fps. Dans ces conditions, le rendu est grossier et baveux, à cause d’une définition très basse. Et, pour qui voudrait une image plus agréable, il faudra composer avec des ralentissements impardonnables dans une expérience tant centrée sur l’action. En l’état, Black Myth: Wukong pique les yeux sur PS5.
Malgré tout, en dépit d’une dette technique que quelques mises à jour pourraient gommer en partie et qui révèle un développement inachevé (des pages du glossaire n’ont pas été traduites), un certain mysticisme se dégage de Black Myth: Wukong. L’ambiance est particulièrement saisissante et surprenante, grâce à une direction artistique assez phénoménale et un casting de personnages charismatiques (et bien modélisés). Le jeu est une belle publicité pour La Pérégrination vers l’Ouest et la culture chinoise d’une manière plus globale. Surtout, c’est une atmosphère qu’on a moins l’occasion d’apprécier en Occident. On comprend mieux pourquoi la Chine en fait un étendard et un événement culturel capable d’attirer plus de trois millions de personnes en même temps.
Il faut aussi souligner le soin apporté aux animations et aux effets visuels, qui en mettent plein la vue — au point de nuire à la lisibilité lors des affrontements les plus coriaces. Finalement, tout n’est qu’esbroufe dans Black Myth: Wukong, avec un studio qui fait du zèle sur des éléments nuisant au gameplay (de jolies animations, mais parasitantes). C’est très bien pour susciter un « waouh », un peu moins pour remporter une totale adhésion à mesure que les heures défilent.
Un équilibre dur à trouver
On a longtemps cru que Black Myth: Wukong était un héritier des Dark Souls, en raison des trailers qui mettaient en avant des ennemis souvent impressionnants. Il se rapproche en réalité beaucoup plus des deux derniers God of War, une comparaison assez flatteuse, beaucoup trop flatteuse même. Car, dans l’exécution, Game Science n’a pas le savoir-faire de Santa Monica et certains éléments tiennent plus de la copie que de l’inspiration. Les premières sensations sont pourtant bonnes, avec un gameplay qui profite d’un dynamisme évident. Esquive, coup normal, attaque chargée, sorts, artefacts légendaires, esprits… Il n’y a pas à dire, le Prédestiné sait se battre et ne fait que gagner en puissance. La progression est particulièrement poussée, tout comme la personnalisation. Il est même possible de redistribuer ses points de compétence à l’envi.
Cependant, l’équilibre de Black Myth: Wukong est très, très douteux. Concrètement, les ennemis de passage font office de punching ball sans intérêt. Les nombreux boss intermédiaires, cachés ou non, n’opposent pas une vraie résistance et brillent plutôt par leur variété (immense, il faut le souligner). En revanche, les boss de fin de chapitre sont trop souvent une tannée en comparaison. Il en résulte des montagnes russes, associant un chemin trop tranquille à une finalité trop abrupte. Les développeurs sont tombés dans le piège du défi à corser coûte que coûte, en misant sur des leviers trop évidents (santé immense, coups variés et agressifs).
L’architecture est l’autre gros défaut de Black Myth: Wukong, composé de zones assez ouvertes, parsemées de multiples embranchements ne menant nulle part. L’exploration y est particulièrement pénible, au moins sur les trois premiers chapitres. Ainsi, les environnements sont trop denses et/ou ressemblants, tandis que l’absence de carte se fait vite sentir quand on souhaite s’y retrouver. C’est dommage, tant on a envie de découvrir cet univers. Ajoutez à cela des points de téléportations au nom qui n’évoque pas grand-chose et vous obtiendrez un jeu dans lequel on tourne en rond. Signalons par ailleurs la présence de murs invisibles — y compris dans les arènes de boss — qui empêchent d’aller où l’on croit pouvoir aller. À ce titre, l’ultime zone est le summum du grand n’importe quoi, si vous avez la foi d’aller jusque-là.
Heureusement qu’il y a une certaine poésie qui se dégage de l’ensemble, et que la base du gameplay est suffisamment bien travaillée pour accrocher. La mise en scène, généreuse, quoique trop bavarde (un allié pénible en particulier), ainsi que l’envie de faire du Prédestiné le héros d’une épopée grandiose, font office de carottes pour motiver.
Black Myth: Wukong est l’archétype du projet qui a les yeux plus gros que le ventre, alors qu’une proposition plus ramassée, moins dans le zèle, aurait constitué un meilleur pari. Il y a encore du chemin à parcourir pour devenir roi, mais au moins Black Myth: Wukong permettra-t-il à Game Science de se faire un nom à l’ouest.
Le verdict
Black Myth: Wukong
Voir la ficheOn a aimé
- Direction artistique à tomber
- Un gameplay avec une certaine patate
- Contenu généreux
On a moins aimé
- Équilibrage douteux
- Optimisation PS5 à revoir
- Architecture des environnements infernal
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