Ce jeudi 17 octobre 2024, Arte diffuse les deux premiers épisodes de son nouveau thriller psychologique, Rematch, centré sur le duel historique entre le champion du monde Garry Kasparov, et l’intelligence artificielle Deep Blue, en 1997. La série serait-elle la meilleure représentation des échecs, même supérieure au Jeu de la Dame, sur Netflix ?

« Les échecs, c’est comme la guerre. Il faut détruire l’esprit et l’âme de son rival » : voilà comment Garry Kasparov, grand maître reconnu internationalement, décrit son sport favori dans la scène d’introduction de Rematch. Dans la nouvelle série d’Arte, disponible gratuitement dès le 2 octobre 2024, ce champion d’échecs, probablement le plus connu au monde, fait face à un adversaire tout aussi redoutable que lui : Deep Blue, l’une des premières intelligences artificielles, contre qui il a joué plusieurs parties, en 1996 et 1997. Qui gagnera, entre l’homme et la machine ?

C’est tout le sujet de ce thriller psychologique inspiré de faits réels, et brodé avec soin pour nous accrocher, du début à la fin de ses 6 épisodes. Mais après le succès du Jeu de la Dame sur Netflix, en 2020, avions-nous besoin d’une nouvelle série sur les échecs ? Rematch nous prouve brillamment que la réponse est plus que positive.

Rematch, la plus belle représentation des échecs à l’écran ?

Vous n’y connaissez rien aux échecs ? Pas de panique, nous non plus, et, pourtant, nous avons adoré plonger dans ce monde de stratégies et de coups mortels. Vous avez, au contraire, une passion pour cette discipline, qui n’a aucun secret pour vous ? Tant mieux, Rematch n’en sera que plus captivante.

Peu importe vos connaissances ou vos a priori en la matière, la série coche toutes les cases et parvient à nous tenir en haleine jusqu’au bout, pour savoir qui triomphera de ce duel : Kasparov ou Deep Blue ? Alors, certes, la comparaison avec le carton du Jeu de la Dame sur Netflix, en 2020, est inévitable. Mais cette analogie penche clairement en faveur d’un seul gagnant : Rematch.

Le match du 20ème siècle // Source : Leo Pinter/Arte
Le match du 20ème siècle // Source : Leo Pinter/Arte

La production d’Arte pourrait alors bel et bien devenir la plus belle représentation des échecs à l’écran, jusqu’à présent. Davantage que de s’attarder sur le parcours d’un individu en particulier comme dans le Jeu de la Dame, on entre ici réellement au cœur des enjeux de cette discipline : par quels moyens, plus ou moins loyaux, battre son principal concurrent ? Le moindre mouvement, opéré par de simples pièces en bois, blanches comme noires, prend alors des proportions inattendues.

Chaque coup est ainsi parfaitement expliqué par la série, qui sait devenir ludique lorsqu’il le faut, tout en flirtant presque avec le genre de l’espionnage par moments, tant la tension devient de plus en plus paranoïaque autour du plateau, au fil des 6 épisodes proposés par Arte.

Une impression partagée par Marie Sebag, Grand Maître d’échecs, qui a accepté de nous raconter, en vidéo, ce qu’elle pensait de Rematch et de son réalisme. Son interview est à retrouver ici :

Pire qu’un anti-héros

Pourtant, Rematch partait avec un désavantage : Garry Kasparov, lui-même. Si l’excellent acteur britannique qui l’incarne, Christian Cooke (Doctor Who), disparaît complètement derrière son personnage, ce n’est pas forcément pour le mieux. Le joueur d’échecs n’est ainsi pas franchement montré sous son meilleur jour.

Narcissique, arrogant, égocentré et obsédé par la victoire, Garry Kasparov dépasse même le statut d’anti-héros. On a plutôt affaire à un personnage principal franchement détestable, sans aucune qualité pour lui, à part celle d’être un champion suprême, dévoilant un soupçon d’humanité uniquement lors des deux derniers épisodes de Rematch.

Kasparov, face à son jeu d'échecs, dans Rematch // Source : Leo Pinter/Arte
Une personnalité insupportable // Source : Leo Pinter/Arte

Les humains derrière la machine

Mais ce parti pris n’est pas anodin. Loin de la figure froide et implacable représentée par le champion du monde des échecs, se trouve une personnalité étonnamment plus chaleureuse : l’intelligence artificielle Deep Blue. Ou plus exactement, le parcours de celles et ceux qui ont aidé à la faire émerger, chez le géant IBM.

Si Rematch prend des libertés avec la réalité, elle nous présente tout de même une galerie de personnages aux multiples facettes, que l’on prend un immense plaisir à suivre : Paul Nelson, champion engagé par IBM pour entraîner le super-calculateur, Helen Brock, qui supervise le projet de façon intransigeante, et surtout Ren Guan-Lin, surnommé PC, le génie sous-estimé derrière la création de Deep Blue.

Ren Guan-Lin, le meilleur personnage de Rematch // Source : Arte
Ren Guan-Lin, le meilleur personnage de Rematch // Source : Arte

C’est ce dernier qui connaît l’évolution la plus touchante et la plus spectaculaire de la série, agrémentée de touches d’humour bienvenues. Et c’est grâce à lui que l’on se surprend à soutenir le camp d’IBM, et sûrement pas celui de son concurrent, incapable de montrer la moindre émotion.

L’épisode 2, le plus inventif

Malheureusement, Rematch n’est pas exempte de défauts. Si elle excelle sur le plan narratif, lorsqu’il s’agit des échecs, certaines intrigues parallèles parasitent régulièrement l’ensemble. On pense notamment à celles concernant le passé ou la vie privée de Kasparov, qui tentent de l’humaniser, en vain.

Garry Kasparov et sa mère, Klara, d'une patience extrême // Source : Leo Pinter/Arte
Garry Kasparov et sa mère, Klara, d’une patience extrême // Source : Leo Pinter/Arte

Du côté de la réalisation, si les transitions entre les différentes scènes, à base d’images d’archives peu attrayantes, ternissent complètement la mise en scène, l’épisode 2 se révèle tout de même comme le plus inventif, regorgeant d’idées géniales pour nous immerger dans les parties en cours. Kasparov imagine alors les pièces bouger sur le plateau en moins de quatre secondes, ou bien rejoue les différents coups a posteriori, comme séparé de son propre corps.

Un écho aux thématiques actuelles sur l’intelligence artificielle

Une créativité que l’on aurait aimé voir davantage pendant les 6 épisodes de Rematch, devenant un brin répétitive dans ses mécanismes, au fil des parties. La série parvient tout de même à toujours trouver des parades narratives pour nous rattraper au vol et nous passionner pour cette confrontation, décrite comme l’affrontement du 20ᵉ siècle.

Et plus de trente ans plus tard, à l’heure où l’intelligence artificielle a pris une place immense dans notre quotidien, ses thématiques restent toujours aussi actuelles.

Helen Brock, impitoyable boss du projet Deep Blue // Source : Drowster/Arte
Helen Brock, impitoyable boss du projet Deep Blue // Source : Drowster/Arte

Tout comme pour le domaine des échecs, Rematch parvient à vulgariser avec malice les enjeux du Deep Learning et de l’évolution de ces nouvelles technologies dans les années 1990, tout en les reliant à notre présent. Comment ne pas penser aux discussions récurrentes sur le sujet, lorsque Kasparov dévoile sa plus grande peur : devenir inutile, remplacé à terme par la machine qu’il a défiée.

Rematch fera ainsi sans doute date dans l’histoire de la représentation de l’intelligence artificielle, comme des échecs. Dans l’épisode 3, le personnage de Paul estime que « Deep Blue plonge au cœur des échecs comme aucun joueur auparavant ». Rematch, elle, détient l’exploit de nous avoir immergé dans cette discipline, comme aucune autre série auparavant. Échec et mat.

Le verdict

Après Le Jeu de la Dame sur Netflix, en 2020, pouvait-on mieux représenter les échecs à l’écran ? Rematch relève ce défi haut la main, devenant probablement l’une des meilleures séries sur la discipline, jamais produites. Malgré quelques faux pas en termes de réalisation et de narration, les 6 épisodes restent une masterclass de vulgarisation, à la fois sur la thématique des échecs, mais aussi sur celle de l’intelligence artificielle. En nous racontant le match légendaire entre le champion du monde Garry Kasparov et la machine Deep Blue, en 1997, la série d’Arte parvient ainsi à nous captiver, sans jamais nous lâcher. Brillant.
Source : Montage Numerama

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