20 octobre 2020 : Salto faisait ses débuts en France. La plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) réunissait trois grandes chaînes de TV françaises (TF1, M6 et France Télévisions) avec une ambition claire, mais ambitieuse : concurrencer Netflix, le géant du streaming. Et puis le 27 mars 2023, Salto fermait ses portes. Un immense gâchis.
Salto est-il le reflet de l’incapacité européenne à faire émerger un champion de la vidéo pour rivaliser avec les Disney, Netflix et autres Prime Video ? Force est de noter, en tout cas, que même trois grandes chaînes françaises n’ont pas réussi à transformer l’essai, malgré la mise en commun de leurs catalogues, y compris des contenus exclusifs.
Tout le monde en fait le constat, Variety aussi. Le magazine a d’ailleurs saisi l’opportunité de son interview exclusive avec Emmanuel Macron, parue dans son édition du 9 octobre, pour recueillir le sentiment du président français sur cet échec. Sur ces échecs, même, car toutes les tentatives du même genre ont échoué. Rien n’a émergé. Rien ne s’est imposé.
Emmanuel Macron croit qu’un géant du streaming européen peut émerger
Malgré une décennie infructueuse (Netflix est arrivé en France à la mi-septembre 2014), Emmanuel Macron demeure persuadé qu’il y a toujours la possibilité de bâtir un acteur aussi puissant que Netflix. Ce qui signifierait notamment une capacité d’investissement énorme dans la création : Netflix dépense 17 milliards de dollars par an, à titre de comparaison.
« Rien n’est désespéré », a-t-il déclaré, en égrenant quelques noms de grands acteurs de la création comme Canal+ et Vivendi, mais aussi de la distribution (Pathé, Gaumont, MK2). Et le chef de l’État de rappeler l’existence d’Arte, projet franco-allemand dans le domaine de la télévision, qui peut être vu comme un embryon de rival.
« Ce que nous sommes en train de faire, à une échelle bien différente mais au niveau franco-allemand et européen, avec Arte est très important. Nous y avons consacré beaucoup de ressources », a souligné Emmanuel Macron. La chaîne de TV publique, contrairement à ce que l’on pourrait croire, est loin d’avoir une programmation terne et atone.
Arte affiche un dynamisme créatif assez notable, avec des œuvres comme le dessin animé Samuel, la série sur les échecs Rematch ou encore celle sur les séances de psychanalyse (En thérapie). Il y a des contenus surprenants sur Arte, mais beaucoup l’ignorent. C’est, en somme, un peu comme Apple TV+. C’est de qualité, mais personne ne regarde vraiment.
D’ailleurs, Emmanuel Macron le relève dans son propos, qui pourrait aussi bien s’adresser à Arte qu’à Canal+ (souvent cité comme à l’origine de films et de séries de grande qualité), et aux autres chaînes en France, comme en Europe — citons, par exemple, la série nordique Occupied, qui imagine une invasion de la Russie d’un pays scandinave.
« Nous sommes très bons pour produire du contenu. C’est notre force. Nous avons de grands acteurs, de grands scénaristes, de grands réalisateurs. Nous avons des producteurs indépendants, et nous avons aussi des groupes de production qui produisent beaucoup de documentaires, de courts métrages, de longs métrages et de séries », a-t-il indiqué.
La nécessité de passer à l’échelle européenne
La France et Europe produisent donc du contenu, a souligné Emmanuel Macron. Mais pour ce qui est de la capacité de changer d’échelle pour agir au niveau du marché européen, qui compte 450 millions d’habitants, puis mondial, la recette reste à trouver. L’absence de Canal dans le projet Salto souligne aussi les limites de l’exercice.
En l’espèce, d’ailleurs, Canal+ a jusqu’à présent privilégié des partenariats avec les géants du streaming américains, en les intégrant via ses offres. Ces deals incluent Netflix, Disney, Apple TV, Paramount et Max. Parmi les très gros acteurs du streaming, il ne manque en somme que Prime Video, qui est une exclusivité d’Amazon.
De nombreux obstacles entrent en ligne de compte dans l’émergence d’un champion européen. Les rivalités entre les participants au projet, les écarts de réglementation, les désaccords sur les investissements à privilégier, les différences culturelles ou bien, plus prosaïquement, les moyens que l’on veut consentir pour concurrencer les géants américains.
À titre de comparaison, Canal+ investit chaque année 3,5 milliards d’euros dans la création. Un chiffre qui, selon la chaine cryptée, inclut le cinéma, les séries, les documentaires et les productions annexes, mais aussi le sport. Une somme importante pour une chaine française, mais qui est malgré tout presque cinq fois plus petite celle mobilisée par Netflix.
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