La plateforme de streaming Max dévoile enfin sa première création originale française, centrée sur un sujet complexe : la « mythomane du Bataclan », qui a menti pendant des années sur son statut de victime, suite aux attentats du 13 novembre 2015. Mais la série Une Amie Dévouée est-elle à la hauteur des attentes ? Notre avis, sans spoilers.

Lorsque l’on découvre Chris, elle se trouve à l’aube d’une journée comme les autres. Elle prend quelques minutes pour se lever, difficilement, puis se prépare, minutieusement, de la tête aux pieds, de la veste à paillettes jusqu’au bout des cils, pour rejoindre un homme dans un bar. Après cet énième date raté, la quarantenaire erre dans les rues de Paris, puis prend le métro, sans se douter de ce qui va s’imposer sur son chemin. Parce que, non, cette journée n’est pas vraiment habituelle. Chris le réalise lorsqu’une jeune femme, terrifiée, entre avec fracas dans sa rame de métro, évoquant le Bataclan. Très vite, tous les téléphones sonnent, avec, au bout du fil, des dizaines de proches terrassés par l’inquiétude.

Nous sommes le soir du 13 novembre 2015, début d’une longue plongée dans l’enfer. Pour Chris, il s’agit surtout de ses premiers pas sur une pente extrêmement dangereuse : le mensonge. Dès ses premières minutes, la série Une Amie Dévouée, dont le premier épisode est disponible ce 11 octobre sur Max, nous saisit, nous laissant le souffle coupé d’émotion. Mais une fois passée cette introduction en forme de coup de poing, la première série originale de la plateforme de HBO, tirée d’une histoire vraie, tient-elle réellement toutes ses promesses pour traiter du délicat sujet des attentats ?

Laure Calamy nous embarque dans un ballet glaçant

Malheureusement, la réponse est plutôt mitigée. Les 4 épisodes de la série nous accrochent pourtant du début à la fin, c’est certain. Il faut dire que Laure Calamy, qui incarne la fameuse « mythomane du Bataclan », est absolument exceptionnelle. Toutes les émotions, du désarroi le plus profond à la joie pure, en passant par la détermination extrême, passent sur son visage d’une seconde à l’autre, dans un ballet à la fois impressionnant et frissonnant.

Laure Calamy est magistrale dans Une Amie Dévouée // Source : Rémy Grandroques
Laure Calamy est magistrale dans Une Amie Dévouée // Source : Rémy Grandroques

L’actrice, révélée grâce à la série Dix pour Cent, donne ainsi vie de façon terrifiante à Chris. Il s’agit d’un alter ego de fiction de Florence, une véritable fausse victime, qui a menti pendant des années sur son lien avec le Bataclan, au point de faire une demande d’indemnisation au Fonds de garantie des victimes. Cette dernière a finalement été démasquée en 2018, puis condamnée à quatre ans et demi de prison ferme, pour fraude.

Déposséder à nouveau les victimes de leur vécu ?

Comme son nom l’indique, Une Amie Dévouée dresse justement le portrait de cette femme qui a érigé le mensonge en vérité, dont l’ingéniosité malsaine lui permet de se tirer de toutes les situations possibles et imaginables. En se concentrant sur son parcours, la série pose de nombreuses questions épineuses, nous questionnant sur les limites que l’on peut franchir, simplement pour se sentir utile auprès des autres.

Jusqu'où peut-on aller sous couvert d'empathie ? // Source : Carole Bethuel
Jusqu’où peut-on aller sous couvert d’empathie ? // Source : Carole Bethuel

Mais au fil des quatre épisodes, adaptés de la longue enquête d’Alexandre Kauffmann sur le sujet, ce parti pris se révèle finalement comme une faiblesse. Oui, Laure Calamy crève l’écran, dans le rôle trouble de Chris. Mais cette focalisation ne dépossède-t-elle finalement pas à nouveau les vraies victimes de leur propre vécu, après avoir déjà été meurtries par les mensonges de Florence, dans la réalité ? Plusieurs témoignages de survivants, concernant Une Amie Dévouée, vont d’ailleurs dans ce sens.

Un tourbillon de mensonges sans fin

Si la parole des victimes d’attentats doit évidemment être racontée, la série de Max donne finalement trop de place au récit de Chris, pour être véritablement respectueuse de son sujet. Les mensonges répétés créent alors une certaine distance émotionnelle, comme lors de cette séquence glaçante dans l’épisode 2, dans laquelle la quarantenaire utilise tous les traumatismes de victimes réelles pour s’inventer une présence au Bataclan, auprès d’une psychiatre.

Arieh Worthalter (Le Procès Goldman), bouleversant dans le rôle de Léon, président d'une association de victimes // Source : Rémy Grandroques
Arieh Worthalter (Le Procès Goldman), bouleversant dans le rôle de Léon, président d’une association de victimes // Source : Rémy Grandroques

Finalement, plutôt que de nous proposer une série réparatrice, qui aurait pu nous emporter dans sa puissance, comme avait pu le faire le lumineux Revoir Paris, avec Virginie Efira, Une Amie Dévouée nous enferme, comme son personnage principal, dans un tourbillon de mensonges sans fin. On finit par se dire que la série répond à un besoin presque tout aussi malsain que la pulsion incontrôlable de Chris à s’éloigner de la vérité : celle de comprendre les mécanismes de cette femme, qui a pu tromper tant de personnes, pendant si longtemps.

Une série trop courte pour être réparatrice

On aurait tant aimé qu’Une Amie Dévouée soit la série qui permette enfin d’apporter une sorte d’apaisement ou de justice à des victimes aux traumatismes toujours vifs, près de dix ans après les attentats. Malheureusement, les quatre épisodes de 50 minutes chacun ne suffisent pas pour que l’on s’attache réellement aux personnages secondaires, ou que l’on puisse développer plus en détail le parcours de celles et ceux qui auraient dû être au cœur du récit.

Un personnage controversé, pour une série en demi-teinte // Source : Carole Bethuel
Un personnage controversé, pour une série en demi-teinte // Source : Carole Bethuel

Une saison de 6 épisodes, par exemple, aurait permis de décentrer la narration, pour ne pas donner à nouveau à cette mythomane toute l’attention qu’elle cherchait justement à acquérir. Pour autant, Une Amie Dévouée est loin d’être une mauvaise série. La réalisation de Just Philippot (La Nuée) nous enferme ainsi dans ce thriller psychologique, qui bénéficie également d’un casting impeccable, pour entourer Laure Calamy.

Il est simplement dommage d’avoir construit la série autour d’un étau qui se referme lentement autour d’une coupable de fraude, davantage que sur les instants de solidarité bouleversants, comme lors de l’intense scène de concert du dernier épisode. Bref, on aurait aimé qu’Une Amie Dévouée nous réconforte, plutôt que de nous faire ressentir à nouveau une peur viscérale, que l’on aimerait tant oublier.

Le verdict

Jusqu'où peut-on aller sous couvert d'empathie ? // Source : Carole Bethuel
7/10

Une Amie Dévouée

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Pour sa toute première production originale française, la plateforme Max a misé sur un sujet hautement sensible : les attentats du 13 novembre 2015. Une Amie Dévouée adapte ainsi, en quatre épisodes implacables, le livre d’Alexandre Kauffmann, La Mythomane du Bataclan. On y découvre le parcours de Chris, une quarantenaire qui s’enferme rapidement dans le mensonge, s’imposant comme un membre essentiel des associations de victimes, et s’inventant une présence fictive lors des attentats.

La série est ainsi un thriller psychologique efficace, qui ne nous lâche pas d’un bout à l’autre, notamment grâce à la performance bluffante de Laure Calamy dans le rôle principal. Mais Une Amie Dévouée se révèle finalement comme une première représentation maladroite du sujet sur le petit écran. Dommage.

Source : Montage Numerama

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