Je suis né en 1993 à Casablanca, ville dans laquelle j’ai grandi et étudié jusqu’à obtenir mon bac avant de débarquer en Europe pour la suite de mon cursus scolaire. Depuis mon arrivée en France, en 2011, j’ai eu l’occasion, à de nombreuses reprises, d’avoir des discussions nostalgiques avec mes amis ou mes collègues. Ces conversations ont toujours été opportunes pour comparer nos enfances et la manière dont ont été façonnées les premières années de nos vies respectives.
C’est dans ces moments-là que je me rends particulièrement compte que, pour un grand nombre d’éléments, mes habitudes étant gamin, étaient très similaires à celles d’un Français malgré l’éloignement géographique et un environnement social bien différent. Moi aussi j’ai passé des heures à jouer à Crash Bandicoot sur Playstation et à PES sur Playstation 2. Moi aussi, dans la cour de récréation j’ai défié mes amis à des challenges de pogs ou de billes. Et moi aussi, j’ai entendu jusqu’à saturation le tube des Spice Girls, Wannabe.
C’est donc sans surprise que vous apprendrez que j’ai également regardé des dessins animés à foison. Or, au Maroc, si une bonne partie d’entre eux ont été diffusés en français — langue bien implantée dans les médias du pays — les programmes pour enfants ont, logiquement, tout d’abord été traduits en arabe. C’est donc dans cette langue que j’ai découvert mon anime préféré à l’époque, celui dont j’ai gardé le plus de souvenirs : Pokémon.
Car oui, ce dessin animé a été diffusé dans une grande partie du monde arabe, dont le Maroc. Le tout premier épisode a été diffusé en 2000 sur la chaîne saoudienne MBC, soit environ un an après la France. La traduction s’est donc faite en arabe classique qui, au passage, diffère beaucoup de l’arabe dialectal marocain que je parle plus aisément. Chez moi, c’est sur 2M –deuxième chaîne nationale — que j’en ai profité.
En arabe, le mot « بوكيمون » se prononce plutôt « Boukimoune ». Étonnamment, cela fait toujours beaucoup rire mes interlocuteurs français. Même hilarité quand je leur révèle la prononciation des petites créatures de l’univers inspiré des jeux vidéo ou que je chante le mythique générique dans la langue consonantique. Pourtant, la version arabe n’a presque rien réinventé : contrairement à la version française qui a misé sur les jeux de mot traduits, la plupart des noms propres respectent la traduction anglaise.
Seul l’accent change — au Maroc, on roule effectivement beaucoup plus les R.
Ainsi, Bulbizarre devient « Bulbasaur » prononcé comme un mot arabe. Il en va de même pour « Charmander » (Salamèche), « Pidgie » (Roucool) ou « Spearow » (Piafabec) . Le trio de personnages principaux au début de l’aventure répond aux noms d’Ash (« اش »), Misty (« ميستي ») et Brook (« بروك »). À titre de comparaison, en France, ils sont appelés Sacha, Ondine et Pierre.
Néanmoins quelques mots ont été arabisés. Je me rappelle surtout des Pokéballs qui devenaient phonétiquement des « Kurat Al-Boki » (كرة البوكي), qui veut littéralement dire « balles de Poké ». Le bourg Palette, lieu de naissance du personnage principal, se transformait en « Quaryat Shoreback » (قرية شورباك). Le premier mot signifie « village » mais je vous avoue que j’ignore complètement pourquoi cette traduction s’éloigne autant de la version anglaise « Pallett Town », en ne reprenant même pas son nom propre — la version japonaise, elle, se traduirait plutôt comme Masara Town.
En creusant un peu, il pourrait y avoir deux explications plutôt amusantes — et tirées par les cheveux. La première, évoquée par un site de fan, ce serait que « Shoreback » se rapproche du nom en chinois du village prononcé Chúnbái zhèn et signifiant « la ville blanche ». Les traducteurs vers l’arabe auraient alors pris une sonorité chinoise pour en faire un mot anglais, qu’ils auraient arabisé. La seconde explication qu’on imagine ramène simplement à une référence imagée : shore back évoque en anglais l’arrière-pays proche des rives d’une mer… et cela correspond bien à la position géographique de la ville.
Cela dit, pourquoi ne pas avoir pris directement un mot arabe plutôt qu’une prononciation arabisée d’un mot anglais, s’il était de toutes façons inventé ? Mystère.
https://www.youtube.com/watch?v=22N-3JXeWbQ
Quoi qu’il en soit, mon premier contact avec l’anime de Pokémon diffère beaucoup de celui des personnes que je côtoie quotidiennement aujourd’hui en France. Cela va de même pour tout un tas d’autres dessins animés. Par exemple, j’ai toujours le sourire aux lèvres quand je me rappelle que la série Olive et Tom avait été traduite par « Captain Majid », plus proche de la version japonaise.
Dans une certaine mesure, cela renforce l’affection nostalgique que je porte à cette référence indissociable de mon enfance. C’est presque avec fierté que j’annonce haut et fort que j’ai connu بوكيمون avant Pokémon. Même si, avec le recul, je trouve que les doublages sont moyens, voire parfois agaçants tant certains personnages ont la voix aiguë (mention spéciale à Misty, alias Ondine).
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Comme tous les gamins du monde, j’ai été émerveillé devant Pokémon — d’où mon enthousiasme pour le jeu de Niantic. Seulement, je me suis approprié le dessin animé différemment. Ainsi, je me rends compte également que cet univers est tellement fantastique qu’il a réussi à faire rêver un nombre incalculable de personnes à travers le monde, qu’importe la langue. Et même aujourd’hui, on a tous envie de continuer à les attraper.
Alors comme on dit chez moi : ! سأجمعها الأن
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