Comment oublier The Glory ? La série coréenne n’était pas seulement sensationnelle à tout point de vue, elle était aussi l’une des séries les plus vues de Netflix en 2023. Dong-eun, l’héroïne, y orchestrait une vengeance savamment pensée contre ses bourreaux, après toute une enfance de harcèlement scolaire. Mais en 2024, une autre série coréenne a abordé ce thème sous forme de thriller psychologique captivant : Pyramid Game (sur Paramount+ et Canal+).
Quand Su-ji rejoint un nouveau lycée pour filles, elle y découvre l’effroyable jeu de la pyramide. Chaque mois, sur une app dédiée, les élèves votent les unes pour les autres, à bulletin secret. Selon le nombre de votes reçus, vous entrez dans la catégorie A, B, C, ou D, avec un niveau de privilèges différent selon ce résultat. Mais si vous n’avez aucun vote ou que vous refusez de jouer, vous êtes alors un F. Et être un F fait de vous la personne sur qui tout le monde peut se défouler : la souffre-douleur. En somme, les F sont les victimes d’un harcèlement scolaire institutionnalisé, codifié.
Su-ji n’a pas eu le temps de se forger une « réputation » : elle devient immédiatement une F. Les humiliations et les coups pleuvent, les bourreaux se déchaînent, tandis que les autres ferment les yeux. Mais le tempérament de Su-ji l’empêche de courber l’échine. Elle décide non seulement de sortir du rang F, mais surtout d’élaborer un plan pour détruire le jeu de la pyramide. Pour la première fois, dans ce lycée, la pyramide va alors vaciller.
Pyramid Game est une représentation glaçante de la réalité
Il ne vous échappera pas que Pyramid Game prend le parti pris de l’allégorie. Bien sûr que le harcèlement scolaire ne prend pas toujours la forme d’un jeu de ce type, mais celui-ci en est une bonne représentation — voire une déconstruction minutieuse. Du début à la fin, la série coréenne aborde chaque ingrédient, du plus évident au plus discret, derrière la mécanique du harcèlement. Elle montre combien celui-ci est le résultat d’un contrat social tacite qui s’installe au sein des établissements scolaires.
Et ce réalisme est, bien sûr, glaçant. Certaines scènes font un choc et ce ne sont pas toujours les plus brutales graphiquement : comme les élèves se sont mises d’accord pour laisser le moins de traces possibles, on assiste à une brutalité psychologique et parfois à une brutalité physique plus sournoise. La violence scolaire sous toutes les coutures, en somme. En définitive, Pyramid Game s’emploie à dépeindre une réalité.
Elle prend ainsi la forme d’un thriller psychologique : le combat de Su-ji est un puzzle qu’elle doit résoudre. Ce jeu pervers est rempli de ramifications, de non-dits, de silences à reconstituer. La série en joue d’ailleurs en ne révélant pas toujours les dialogues entiers, repoussant ainsi certains échanges à plus tard dans la narration. Mais les personnages sont, eux aussi, des puzzles à eux seuls. De fait, à l’image de nombreux dramas coréens réussis, l’écriture et la mise en scène sont assez époustouflantes. La force de frappe émotionnelle de Pyramid Game est incontestable.
Faire tomber la pyramide : une série étonnamment réparatrice
Les séries grand public abordant si frontalement cette problématique de la violence scolaire restent extrêmement rares. En début d’année, la saison 2 d’une autre œuvre, d’origine jordanienne, nous avait bouleversés : AlRawabi School for Girls. Mais Pyramid Game dispose d’un atout supplémentaire dans sa manche : si elle n’est pas dénuée de triggers pour les anciennes victimes, elle peut aussi être vécue comme une expérience réparatrice.
C’est d’abord la détermination de Su-ji qui saisit aux tripes. L’héroïne (interprétée par Bona, vue dans Twenty Five Twenty One) est une fille digne et intransigeante, malgré son immense pudeur émotionnelle. Elle est en mode survie, partiellement coupée d’elle-même et des autres, mais son empathie est bel et bien son moteur. C’est son amie, Ja-euhn, qui décrit bien sa personnalité : « Elle n’a pas le cœur froid, elle a la tête froide. »
Brillante et malicieuse, Su-ji ne recule devant rien pour protéger ses camarades et pour abattre son ennemie : la créatrice de ce jeu. L’interprète (Jang Da-Ha) donne vie avec un certain brio à cette antagoniste aussi impassible que terrifiante.
L’héroïne, elle, est inspirante jusqu’à la toute dernière seconde de la série. Et, oui, ce n’est pas une image : la dernière seconde compte énormément et donne un sens encore plus bouleversant — et réparateur — au récit.
Si Pyramid Game est un thriller psychologique aux accents sombres et poignants, il y a donc quelque chose de satisfaisant à assister au plan de l’héroïne. À la voir trouver des alliées. À la voir affronter les brutes d’une façon qui les déstabilise totalement. Ce n’est pas tant le récit d’une vengeance que le récit d’une rébellion. Dont on ne veut pas perdre la moindre miette.
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