La saison 2 de L’Impératrice sur Netflix introduit un personnage très important en France : Napoléon III. Mais sa présence est-elle fidèle à la réalité historique ? Nous avons pu en discuter avec Carole Christen, historienne et spécialiste du 19ᵉ siècle.

Si vous avez regardé la saison 2 de L’Impératrice, en VO, vous avez très probablement été intrigués, comme nous, par l’étonnant épisode 2. On y entend ainsi plusieurs personnages parler en français, à l’occasion d’une rencontre avec une figure historique majeure du 19ᵉ siècle : Napoléon III. Une apparition surprenante pour les fans de la série Netflix, mais qui n’est pourtant pas si déconnectée de la réalité.

Pour en avoir le cœur net, nous avons donc demandé à Carole Christen, professeure d’Histoire contemporaine à l’université le Havre Normandie, d’analyser pour nous L’Impératrice, et particulièrement l’épisode 2 de la saison 2, dans lequel Napoléon III apparaît pour la première fois.

L’interview : « L’Impératrice sait résumer en seulement quelques minutes tout le Second Empire »

Numerama : La voix et l’apparence de Napoléon III dans L’Impératrice sont-elles fidèles à ce que l’on sait du véritable homme d’État ?

Carole Christen – D’après les photographies et ce qui a été écrit sur lui, l’acteur qui interprète Napoléon III (Christophe Favre) le représente assez bien, oui. Physiquement, il n’était pas très majestueux, ce n’était pas un bel homme. Malgré cette apparence finalement peu flatteuse, il était un grand séducteur. Ce n’était pas un Don Juan, mais il avait un charisme que l’acteur incarne bien. La seule chose qui n’apparaît pas dans sa voix, c’est son accent germanique. Et je ne suis pas certaine qu’il s’exprimait en disant « merde » ou « putain » comme on le voit à la fin de l’épisode 2, même s’il avait un côté provocateur (rires).

Que peut-on apercevoir de son caractère dans la série ?

L’Impératrice montre très bien son aspect mystérieux, avec un goût pour les coups de théâtre et les dissimulations. Lorsqu’il rencontre Maximilien, le frère de François-Joseph, pour la première fois, dans l’épisode 2, il est d’ailleurs en hauteur, ce qui permet de montrer sa grandeur et la très haute conception qu’il avait de lui-même. Il était conscient de son héritage puisqu’il était le neveu de Napoléon Iᵉʳ. Lors de cette première entrevue avec Maximilien, on aperçoit donc bien ses traits de caractère, notamment le fait qu’il était avare de paroles et très secret. Et en quelques minutes, devant cette maquette du Paris haussmannien, Napoléon III résume même un peu toute sa politique.

Napoleon III dans L'Impératrice // Source : Netflix
Napoleon III dans L’Impératrice // Source : Netflix

Justement, les discussions politiques que l’on voit à l’écran sont-elles réalistes ?

Tout à fait. La scène avec le baron Haussmann permet justement de constater l’importance que ce dernier a joué dans la politique de Napoléon III et en même temps, il est plutôt en retrait. C’est l’empereur qui présente le projet, qui se l’approprie. C’est lui la tête dirigeante. On peut constater à quel point il était un fin stratège, un bon manipulateur, mais aussi l’immensité de son ambition. Dans une scène avec l’un de ses conseillers, on voit également son envie de créer un empire latin-catholique en Amérique centrale.

En revanche, la première rencontre entre Maximilien et Napoléon III n’a pas eu lieu à ce moment-là de l’Histoire. Elle s’est plutôt déroulée juste après la signature du traité de Paris, le 30 mars 1856, qui met fin à la guerre de Crimée et qui donne à la France un rôle important en Europe, et à l’international. Cela va être essentiel dans le destin de Maximilien puisque Napoléon III va ensuite le nommer Empereur du Mexique. Maximilien a d’ailleurs été complètement fasciné par cette rencontre. Il aurait même déclaré : « Ce n’est pas de l’admiration que je lui voue, mais de l’adoration ». On voit bien d’ailleurs cette séduction à l’œuvre dans la série.

Maximilien dans L'Impératrice // Source : Netflix
Maximilien dans L’Impératrice // Source : Netflix

Qu’avez-vous pensé de la scène de bal organisée par Napoléon III dans l’épisode 2 ?

C’est une séquence caractéristique de Napoléon III puisqu’il donnait de nombreuses fêtes, à la fois aux Tuileries, à Versailles, mais aussi dans son château de Compiègne, où les mœurs étaient très libérales. Même s’il n’avait pas un physique très avantageux, il séduisait beaucoup les femmes et il a eu énormément d’aventures féminines. Dans la scène de L’Impératrice, on aperçoit également très bien le rôle de sa cour, que l’on appelait à l’époque la Maison de l’Empereur.

Mais, on le voit bien dans la série, il gardait aussi une véritable distance avec ses sujets. C’est-à-dire que lorsqu’il entre dans une salle, il suffit d’un regard ou d’un petit geste de sa part et ils partent tous. C’était une volonté de Napoléon III, pour montrer la place qu’il tenait au-dessus du peuple, un peu comme un héros providentiel.

L’Impératrice est donc un bon reflet de sa politique de façon générale ?

Oui, la série donne un bon aperçu du régime impérial et du césarisme démocratique de Napoléon III. Il représentait un homme autoritaire, qui en même temps s’appuie sur le peuple, appelle à l’écouter, tout en souhaitant le réprimer. Pour lui, il fallait séduire, permettre de vivre mieux, pour ensuite contrôler davantage, avec du maintien de l’ordre.

L'implacable Napoleon III dans L'Impératrice // Source : Netflix
L’implacable Napoleon III dans L’Impératrice // Source : Netflix

Napoléon III était ainsi persuadé qu’en améliorant les conditions matérielles de vie du peuple, on limitait les révolutions et les tentatives d’insurrection, puisqu’on contente leurs besoins. L’haussmannisation a d’ailleurs répondu à cette nécessité de réduire l’insalubrité pour mettre fin aux épidémies qui ont frappé la capitale dans la première moitié du 19ᵉ siècle, mais aussi afin de mieux réprimer le peuple. Les grands boulevards aérés et fluides permettaient d’ailleurs de laisser passer l’armée. Cette idéologie est très bien montrée dans la scène dans laquelle il évoque son canon, qu’il ambitionne de poster en haut de la place de l’Étoile, à Paris.

Globalement, la série est-elle plutôt fidèle à la réalité historique du 19ᵉ siècle selon vous ?

Totalement. J’ai été assez surprise et bluffée de voir qu’en si peu de minutes, on avait presque un résumé du Second Empire et de la personnalité de Napoléon III. J’y ai réellement vu un condensé de cette période, mais aussi de tous les mots qui peuvent servir à qualifier l’empereur : son ambiguïté, son mystère, son cynisme, son pragmatisme, tout comme son côté implacable, manipulateur et négociateur. Honnêtement, ce sont des scènes que je montrerai volontiers à mes étudiants, parce qu’elles sont vraiment très bien faites.

Source : Montage Numerama
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