C’est une situation surréaliste qui démontre le paradoxe-même d’une organisation… inorganisée. Plus tôt dans la journée, nous nous étonnions que Sony suspecte les Anonymous d’être à l’origine du piratage des données bancaires de ses clients, alors que les Anonymous sont tout le monde et personne à la fois. « Anonymous » est une marque sans propriétaire, une franchise sans contrat de licence, que n’importe qui peut exploiter librement. Si l’organisation chaotique paraît relativement cohérente aux yeux du public et des médias, c’est parce que ceux qui en font une utilisation conforme à un code éthique originel (la défense de la liberté d’expression et de partage des connaissances) gagnent en crédibilité et sont soutenus par les autres acteurs du mouvement Anonymous. Les moutons noirs sont isolés et ignorés, dans une forme de système immunitaire qui protège l’intégrité de la communauté.
Dès lors, quand bien même un fichier contenu les mots « We Are Legion » aurait été trouvés sur les serveurs piratés de Sony Online Entertainement, rien ne permet à Sony d’accuser les Anonymous. Mais rien ne permet non plus à ces Anonymous de démentir, puisque personne n’est en principe garant des actions de ceux qui se cachent derrière le célèbre masque.
Pourtant, The Guardian publie ce jeudi un long démenti très bien rédigé et argumenté, qui nie toute implication d’Anonymous dans le piratage des données. Il assure l’opération contraire aux valeurs qu’il défend. »Anonymous ne s’est jamais fait connaître par le vol de cartes de crédit« , rappelle le communiqué. « Le ‘modos operandi’ d’un crime change rarement. Quiconque a réalisé le vol de cartes de crédit l’a fait en contradiction avec le ‘motus operandi’ et les intentions d’Anonymous« . De plus, le texte explique que « le soutien du public ne s’obtient pas en volant des cartes de crédit et des identités personnelles« . Or l’on sait les Anonymous les plus engagés soucieux de gagner le respect des internautes, comme ils l’avaient démontré en cessant de bombarder les serveurs de Sony, lorsque cela avait empêché des joueurs de se connecter.
Par ailleurs, le communiqué pointe du doigt des organisations comme HBGary ou Palentir, qui ont monté par le passé des opérations contre les Anonymous ou pour discréditer les valeurs qu’ils défendent. Ils rappellent, notamment, l’existence du plan machiavélique proposé à la Bank of America pour abattre Wikileaks. « Ca n’est pas une théorie. C’est un fait qui a été rapporté par des douzaines de journalistes dans des publications importantes« , rappellent-ils. Ils accusent implicitement Sony de profiter de l’affaire pour tenter de discréditer les Anonymous qui avaient lancé une attaque DDOS sans autre volonté que de rendre les services de Sony inaccessibles.
« Si une enquête légitime et honnête est menée sur les cartes de crédit, Anonymous ne sera pas déclaré coupable. Même si nous sommes un groupe distribué et décentralisé, notre « leadership » ne cautionne pas le vol de cartes de crédit« , assure le communiqué. « Nous sommes inquiets de l’érosion de la vie privée et du faire use (le droit à copier des œuvres pour une utilisation équitable, ndlr), de la propagation du féodalisme industriel, de l’abus de pouvoir et des justifications des cadres et dirigeants qui se croient personnellement et financièrement immunisés pour les actions qu’ils entreprennent au nom des entreprises et de l’administration« .
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