On dit souvent que le diable se cache dans les détails. Dans le cas de Super Mâles, on pourrait plutôt dire que le sexisme et la vulgarité sont dissimulées un peu partout. Il s’agit de petites choses, mais, mises bout à bout, elles constituent un florilège de tout ce qu’il ne faut pas faire dans une série, en 2025.
On pense notamment à ce cœur tout rond dans le générique, qui se transforme rapidement en une paire de fesses, pour finalement devenir le A de « Mâles » ou aux positions sexuelles mimées par des hommes dans le dos d’une femme, alors en plein rendez-vous amoureux, dans l’épisode 2, en passant par le nom du restaurant de l’un des héros, dans lequel il trompe sa compagne : « Le Jouy ».
Bienvenue dans Super Mâles, la nouvelle comédie française de Netflix, co-créée par Noémie Saglio, déjà aux manettes de la décevante Plan Cœur. Après y avoir ausculté les tourments de trois jeunes trentenaires, la showrunneuse adapte ici l’une des séries phares de la plateforme de streaming : l’espagnole Machos Alfa, qui vient de dévoiler sa saison 3 et qui s’intéresse au quotidien de quatre quarantenaires, alors qu’ils doivent déconstruire des décennies de masculinité toxique. Problème : la version française plonge en permanence dans un mauvais goût pénible, en enchaînant les représentations problématiques.
Une belle brochette caricaturale de Super Mâles blancs et hétéros
Vouloir déconstruire les masculinités et leurs mécanismes, sur le papier, cela semble être une excellente idée. Mais pour y parvenir, encore faudrait-il déjà balayer devant sa porte et montrer des héros qui ont l’envie de changer. Dans Le Monde, la critique Audrey Fournier parle de Super Mâles comme d’une « série qui parle de la déconstruction sans jamais se déconstruire elle-même ». Un constat partagé par Caroline Veunac, de Télérama. Après avoir subi 5 épisodes, sur les 6 que compte la nouvelle série Netflix, il est impossible de leur donner tort.
Il y a d’abord Jérémie, le père de famille dépassé par le quotidien, qui rêve d’intégrer la police montée à cheval, comme une métaphore sexuelle qui lui redonnerait enfin sa virilité perdue. À ses côtés gravitent Cédric, littéralement un mâle alpha à tendance « ouin ouin », persuadé que le féminisme est à l’origine de tous ses malheurs, Tom, un dessinateur de BD qui ne se remet pas de son divorce et Tonio, qui trompe sa copine dès qu’il en a l’occasion, mais refuse d’ouvrir officiellement son couple à d’autres partenaires.
Une belle brochette de « Super Mâles » blancs et hétéros, donc, qui peinent à trouver leur place dans un monde post-MeToo. Si seulement la série Netflix avait été bien écrite, elle aurait pu être un petit bijou, permettant enfin de questionner les normes de masculinités et leurs conséquences dans nos sociétés. Au lieu de cela, la comédie française choisit une autre direction : la caricature.
On ne trouve aucune excuse à Super Mâles
Jamais, ô grand jamais, Super Mâles ne remet en question les privilèges masculins, non. À chaque épisode de 30 minutes, il faut donc subir un nouveau festival de jeux de mots idiots situés sous la ceinture (« Haut la teub ! »), de soirées « entre potos, entre couilles » et de discussions gênantes, tournées en dérision, sur des sujets pourtant fondamentalement importants.
Super Mâles met ainsi en scène une discussion « drôle » sur le consentement, après que ce pauvre Jérémie a pénétré sa compagne dans son sommeil, parce qu’il se sent « perdu » (on rappelle qu’il s’agit en réalité d’un viol conjugal), tandis que Cédric, souffrant d’un problème médical à l’une de ses testicules, a trouvé la coupable de tous ses malheurs : « Je vais crever de leurs castrations celles des femmes, donc] qui m’ont donné un cancer de la couille ».
On aurait éventuellement pu trouver des excuses à Super Mâles, si les personnages féminins échappaient au moins aux clichés. Mais évidemment, ce n’est pas le cas. Pour vous identifier à une héroïne, vous aurez donc le choix entre Léna, une mannequin, mariée à un homme riche, qui s’improvise influenceuse yoga, Cécile, une mère de famille aux cernes longues comme le bras qui n’en peut plus de la charge mentale et le prouve dans des discours sous forme de leçon de féminisme de niveau zéro, Janetta, une femme de ménage asiatique réduite à des préjugés racistes ou Magda, une collégienne sexualisée à outrance. Difficile de choisir, face à cet échantillon profondément représentatif des figures féminines, n’est-ce pas ?
Super Mâles, c’est votre vieux cousin peu fréquentable
La médiocrité de Super Mâles ne serait pas risible, si la série ne squattait pas actuellement le top 2 de Netflix, propageant au passage des représentations vraiment dégradantes, jamais remises en question.
Bien sûr, nous n’avons aucun problème avec le fait de parler de sexualité et de masculinités, soyons clairs : il est même nécessaire de pouvoir ouvrir la discussion sur ces sujets à l’écran. Mais autant dire que face à d’autres séries françaises similaires, le faux-accouchement à base de testicules, sous l’emprise de champis hallucinogènes, dans l’épisode 4 de Super Mâles nous semble franchement consternant.
En parallèle, Canal+ diffuse par exemple chaque semaine, depuis le 7 janvier 2025, une autre comédie d’OCS, qui n’hésite pas, elle aussi, à s’aventurer au septième ciel : Extra. La série française y aborde ainsi le sujet extrêmement rare de l’assistance sexuelle pour les personnes handicapées, avec une subtilité d’un tout autre niveau. Face à la créativité des productions hexagonales, Super Mâles fait donc office de vieux cousin peu fréquentable, que l’on cherche à tout prix à éviter pendant les repas de famille.
Et puisqu’il faut absolument tomber dans les clichés lorsque l’on parle de cette série, autant y aller jusqu’au bout. Quand on se surprend à penser que la seule qualité de Super Mâles, ce sont les fesses nues de Guillaume Labbé face à la tour Eiffel dans l’épisode 1, il est temps de capituler : la comédie Netflix n’est définitivement pas la série géniale sur les masculinités qu’elle pense être.
Le verdict
Super Mâles
Voir la ficheOn a aimé
- Puisqu’il en faut bien un : les fesses musclées de Guillaume Labbé face à la tour Eiffel
On a moins aimé
- Une écriture sexiste et raciste
- Une vulgarité affligeante
- Des blagues qui tombent à plat
- Des représentations dégradantes
- Comment peut-on encore produire une telle série en 2025 ?
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