L’USS Entreprise a une tâche ingrate : visiter les confins de l’univers pour étendre la paix galactique. Nos casques bleus spatiaux s’en lassent et nous aussi. Par chance, Abrams a cédé sa place pour la réalisation d’un troisième volet Star Trek à Justin Lin, le cinéaste taïwanais qui a réussi à sauver la saga Fast & Furious de la faillite et l’a transformée en franchise ultra-rentable. Avec Star Trek, le défi est différent.
Depuis 2009 et le reboot, la franchise sait comment rassembler les trekkies ainsi que le grand public. La relance de la saga est devenue une machine hollywoodienne rentable qui a relancé l’intérêt des spectateurs pour l’univers créé par Gene Roddenberry. Néanmoins, J.J. Abrams avait emmené la licence sur des chemins tortueux et obscurs. C’est là qu’intervient Lin, avec son profil taillé pour les projets titanesques, il éclaire, littéralement, la patte Abrams.
Rainbow Starfleet
La principale réussite de l’épisode est clairement visuelle. Bien que nous ayons le sentiment d’avoir tout vu dans la science-fiction moderne, la CGI pointue de la production, combinée à une réelle ingéniosité des plans et des mouvements, donnent à l’épisode une plus-value rarement égalée. Les couleurs sont incontestablement bien choisies pour donner au volet son ton pop et bigarré — Fast & Furious es-tu là ?
Un futurisme kitsch et clinquant
Les audaces de la caméra sont vertigineuses, trop parfois, et le tout bien emballé dans un rythme qui conserve l’attention du spectateur. Le spectacle est complet et le film pourrait être muet qu’on n’en resterait pas moins scotché.
Les fameuses lens flares diffusées tout au long du métrage viennent rappeler qu’Abrams reste le père de ce renouveau de la franchise. Mais l’inventivité de Lin l’emporte sur les traditions. Et soyons honnête, le long-métrage recèle d’idées qui fonctionnent, qui éblouissent et qui rappellent que la modernité cinématographique est capable de représenter quasiment tous les délires fantasmagoriques qui fourmillent dans le cerveau des cinéastes.
Ce que le scénario appelle l’Essaim, une nuée de petits vaisseaux spatiaux, est un régal pour la rétine, tout comme la grandiose cité de verre, suspendue, à l’instar d’une Étoile de la Mort sublimée, dans l’espace flashy de l’univers Star Trek. Un futurisme kitsch et clinquant, qui s’apprécie même sans grand appétit pour la chose. Certains y verront une réussite technologique qui concrétise en prises de vue réelles les délires les plus brillants des Jodorowsky et autres Miyazaki.
L’union fait toujours la force
Mais il ne s’agit pas d’un film muet et le scénario comporte lui aussi quelques matières pour se réjouir. Bien qu’incontestablement commune et fade, l’histoire est menée plus ou moins correctement à terme avec suffisamment de passages d’action et de combat pour flatter les esprits belliqueux.
On apprécie l’espoir que laissent les premières minutes du film de voir les personnages s’épaissir et croiser leurs individualités. Néanmoins notre satisfaction est vite douchée par des dialogues de techniciens et un humour souvent potache qui n’est pas vraiment à la hauteur de l’écriture de Simon Pegg. Sauf peut-être entre Bones et Scott (Simon Pegg), qui ont de quoi attendrir l’auditoire. Hélas, le capitaine Kirk reste cet imperméable orgueilleux qu’il a toujours été et Spock, malgré des tentatives évidentes d’approfondir le personnage, campe toujours un silencieux premier de la classe.
On ne voit pas de gros défauts dans un épisode qui parvient à retenir notre souffle. Il sert plus que copieusement nos envies d’aventures spatiales et agite nos tripes sur les Beastie Boys. L’ensemble est cohérent, spectaculaire et moderne, mais se finit bien tranquillement par une grosse louche de bonhomie humaniste qui, bien que très traditionnelle dans l’univers de Star Trek, laisse entrapercevoir un manque réel de profondeur d’écriture. Enfin l’amplitude des protagonistes que nous promettait Lin dans la première demie-heure est bien vite contrariée par un élève qui veut rendre une copie proprette et sans rature.
Finalement, on obtient un divertissement de bonne facture, miroitant de mille éclats et rondement mené, mais qui sonne creux mais même s’il parvient à convaincre avec bien d’autres atouts.
Le verdict
Star Trek : Sans Limites
Voir la ficheOn a aimé
- Un fabuleux spectacle spatial
- Le rythme efficace et sans boursouflures
- Un casting qui fonctionne
On a moins aimé
- Les dialogues vraiment trop narratifs
- Un scénario bien simple
- Peu de surprises
Prouesses esthétiques et humanisme sont au rendez-vous dans ce Star Trek : Sans Limites. Appréciable pour sa bonne facture et son rythme soutenu, le troisième volet de la série initiée par J.J. Abrams ne déçoit pas.
En revanche, il n’est pas non plus la meilleure production de science-fiction de l’année et pêche bien trop souvent par excès de facilité. Sans risque et sans épaisseur, le long-métrage reste dans son ensemble une très belle surface derrière laquelle se cache un vide certain.
Faut-il l’en blâmer ? Un peu, mais le divertissement et les réjouissances sont tout de même de la partie. Encore une fois, visuellement, l’ingénierie de ce Star Trek est tout simplement stupéfiante.
Ailleurs dans la presse
- Première : « Star Trek Sans limites garde en son cœur un indécrottable humanisme »
- Le Monde : « Narrativement et plus encore à échelle humaine, le lisse reste à l’ordre du jour »
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