L’information a fait le tour des médias, fin janvier 2025 : Disney+, grâce à un accord avec les organisations du septième art en France, est devenu le premier service de streaming avec un temps d’attente inférieur à un an entre le cinéma et la SVOD. Disney+ peut désormais diffuser ses derniers blockbusters 9 mois après leur sortie au cinéma, contre 17 mois auparavant. Le service reste derrière Canal+ (6 mois), mais prend de l’avance sur tous ses concurrents (15 mois chez Netflix, 17 mois chez les autres, 22 mois à la télévision).
En France, la chronologie des médias règne sur le cinéma. Ce mécanisme protège les films en espaçant les fenêtres de diffusion, afin de prolonger la vie des œuvres. Il garantit également au cinéma français un financement supérieur à celui des autres pays, puisque les plateformes doivent participer plus (Canal+ et Disney+) pour être avantagées.
Il existe une exception peu souvent citée dans les tableaux de présentation de la chronologie des médias : les avions. Depuis plusieurs décennies, des écrans occupent les voyageurs avec des films, des séries, des jeux et une carte interactive. Dans les avions Air France, les films diffusés sont parfois encore en train d’être projetés dans les cinémas.
Plateforme | Temps d’attente |
---|---|
Cinéma | En premier |
Avion ✈️ | Entre cinéma et VOD |
Vente/location (physique et VOD) | 4 mois |
myCANAL / OCS | 6 mois |
Disney+ | 9 mois (anciennement 17 mois) |
Netflix | 15 mois |
Prime Video | 17 mois |
Max | 17 mois |
Apple TV+ | 17 mois |
Paramount+ | 17 mois |
Télévision gratuite et plateformes replay (TF1+, M6+…) | 22 mois |
Pourquoi les avions sont-ils avantagés par la chronologie des médias ?
Depuis le début des années 1980, la France encadre le délai de diffusion d’un film chez les particuliers. À l’époque, ce n’était pas le streaming ou la VOD qui était dans le viseur des autorités, mais les VHS ou la télévision. La chronologie des médias a progressivement évolué, parfois trop lentement, pour intégrer les nouvelles méthodes de consommation audiovisuelle.
Comment expliquer l’exception dont bénéficient les compagnies aériennes, qui semblent ne pas avoir besoin de se plier à la moindre règlementation ? Les premiers écrans individuels sont arrivés au début des années 1990, après la chronologie des médias. Pourtant, l’avion n’a jamais dû se conformer aux mêmes règles que les autres supports.
![Aujourd'hui, dans les grands avions, tous les sièges sont équipés d'un écran individuel. // Source : Numerama Aujourd'hui, dans les grands avions, tous les sièges sont équipés d'un écran individuel. // Source : Numerama](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/film-classe-eco-1024x576.jpg?resize=1024,576&key=dba65a2a)
Ce privilège s’explique simplement : à l’époque, personne ne considérait l’avion comme un rival du cinéma. Voyager en avion coûtait cher et les vols longs courriers étaient moins répandus qu’aujourd’hui, ce qui n’a pas incité les autorités publiques à réguler les films diffusés dans les airs.
Aujourd’hui, malgré l’augmentation du nombre de voyageurs aériens, personne ne remet vraiment en question cette exception. D’abord, parce que l’avion reste utilisé par une toute petite minorité de Français, sans que l’on puisse vraiment le considérer comme un rival du cinéma (qui prend l’avion pour regarder un film ?), ensuite parce que les droits diffèrent d’un pays à l’autre. Un vol Paris-New York devrait-il se conformer à la chronologie des médias jusqu’à la Bretagne, puis augmenter la taille de son catalogue une fois l’Atlantique franchie ? Cette question est trop ridicule et anecdotique pour que les pouvoirs publics se saisissent du dossier.
Comment fonctionne la diffusion de films dans un avion ?
Sans chronologie des médias, les compagnies aériennes peuvent négocier avec les producteurs des films quand elles le souhaitent. Elles n’ont pas besoin d’attendre la sortie d’un film en VOD pour le diffuser, il leur suffit d’acheter les droits à un studio pour équiper tous leurs avions. Elles achètent généralement des licences très courtes, de seulement 1 ou 2 mois, qu’il faut fréquemment renouveler pour s’assurer d’avoir un catalogue à jour. Les prix peuvent aller de 500 euros pour les films anciens à 100 000 euros pour le dernier blockbuster Disney, en passant par des tarifs plus raisonnables de 5 000 à 15 000 euros pour des films récents plus modestes. Une licence permet d’équiper l’ensemble de la flotte de la compagnie : il n’y a pas besoin de payer pour chaque avion.
![Emirates dispose des plus grands écrans et du plus grand nombre de films. // Source : Emirates Emirates dispose des plus grands écrans et du plus grand nombre de films. // Source : Emirates](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/emirates-films-1024x576.jpg?resize=1024,576&key=2f6e9ac8)
Une des particularités des films diffusés en avion est qu’ils sont régulièrement censurés et modifiés pour s’adapter au format de l’écran de l’avion. Les scènes choquantes, qu’il s’agisse de sexe ou d’un crash d’avion, peuvent être retirées par la compagnie aérienne, sans que le réalisateur ait son mot à dire. Les boîtes de production laissent les pleins pouvoirs à la compagnie aérienne.
Pour se distinguer des services de streaming, les compagnies aériennes investissent beaucoup d’argent pour diffuser des films encore au cinéma. Le marché pèserait 425 millions de dollars mondialement, avec un record de 20 millions de dollars par an pour Emirates et son catalogue de 1 300 films.
Pour les studios de cinéma, la vente de films aux compagnies aériennes représente des recettes supplémentaires simples à obtenir, puisque l’audience finale n’affecte pas le prix de vente. Ils savent aussi que les voyageurs sur des vols longs courriers aiment particulièrement regarder des films, ce qui amplifie donc la promotion d’un long métrage. Un des avantages de cette diffusion prématurée est qu’un spectateur aérien pourrait recommander à un proche de se rendre au cinéma.
![Air France dispose d'un site avec la liste des films actuellement diffusés. // Source : Capture Numerama Air France dispose d'un site avec la liste des films actuellement diffusés. // Source : Capture Numerama](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/air-france-films-1024x611.jpg?resize=1024,611&key=2823be12)
Les films dans les avions, c’est bientôt fini ?
Dans un futur plus ou moins proche, certains prédisent la fin des écrans dans les avions. À l’heure du Wi-Fi gratuit et du streaming haut débit (avec Starlink chez Air France notamment), certaines compagnies étudieraient le retrait des écrans des sièges, pour alléger le poids des avions. Les utilisateurs pourraient être incités à utiliser leur propre ordinateur, tablette, smartphone ou casque VR pour accéder aux services de streaming, dont celui de la compagnie diffusée en réseau local. En attendant, l’avion reste un des seuls endroits où les mois ne se comptent pas entre la sortie cinéma et la diffusion sur petit écran.
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