Après le spectaculaire succès du premier Tomb Raider en 1996, il ne fallut pas longtemps à son éditeur, Eidos, pour décider qu’un nouvel épisode sortirait tous les ans avant Noël ; charge au studio Core Design de trouver un moyen de concrétiser ce caprice lucratif. À coups de nuits blanches et de semaines de travail de sept jours, les équipes vont se succéder pour livrer des suites à la chaîne avec l’épuisement physique, psychologique et créatif que cela implique.
On le ressentait déjà dans Tomb Raider III, remasterisé en 2024, qui poussait très loin le challenge et s’enlisait dans un level design labyrinthique au point de devenir très difficile d’accès. Déjà à l’époque, les retours négatifs poussèrent le studio à revoir radicalement sa copie.
Un des Tomb Raider les plus réussis
Dès l’année suivante, en 1999, la même équipe revint donc aux premières amours de Lara Croft : l’Égypte. La Révélation Finale, quatrième épisode de la série, va ainsi devenir la quintessence de la formule originale de Tomb Raider en développant, sur d’immenses niveaux interconnectés, des énigmes passionnantes tout en réduisant considérablement les combats pour retrouver un rythme posé bien plus proche de l’atmosphère solitaire si singulière de l’épisode fondateur. Aujourd’hui encore, grâce à la magie d’un remaster efficace dans la compilation Tomb Raider IV-VI Remastered, on perçoit toute la créativité et l’ingéniosité de ses développeurs dans l’enchevêtrement de couloirs et de salles où se développent des puzzles mémorables. 26 ans après sa sortie, le jeu a encore quelques leçons de game design à donner aux productions contemporaines.
La quintessence de la formule originale de Tomb Raider
Comme dans la compilation précédente (Tomb Raider I-III Remastered), on peut en découvrir la version d’origine, dans son jus de pixels patauds, ou une restauration plus lisse et affinée, jouissant au passage d’une gestion des lumières plus poussée. Malheureusement, cette fois encore, ce remaniement des éclairages plonge certains bouts de niveaux dans des ténèbres insondables, faute de réglage de la luminosité. Il n’est alors pas rare de devoir passer d’un mode graphique à l’autre en cliquant sur Start pour tenter de se repérer tant bien que mal. Le choix de maniabilité est également de retour. Toutefois, en raison d’une conception du jeu toujours étroitement liée à ce moteur maison si spécifique, les contrôles à l’ancienne se révèlent plus adaptés à l’architecture des niveaux que l’adaptation moderne.
![Source : Screenshot PS5 Source : Screenshot PS5](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/img-3876-1024x576.jpg?resize=1024,576&key=4c36f602)
Et là, ça commence à déraper…
Pour le deuxième jeu de cette nouvelle compilation, ce n’est plus tout à fait la même histoire. Sur les traces de Lara Croft sort dans un contexte franchement délétère avec une équipe qui vient d’enchaîner plusieurs jeux à un rythme effréné. Andy Sandham, un de ses créateurs, résume avec une honnêteté déconcertante ce qu’il en pense : « Tomb Raider V n’était effectivement qu’un ramassis de vieilles conneries. C’était le jeu le plus déprimant pour nous. On l’a clairement fait pour l’argent, parce qu’aucune autre équipe ne voulait s’en charger. On était obligés de le faire. »
Ce cinquième épisode est effectivement un patchwork bizarroïde de niveaux qui partent un peu dans tous les sens. Si deux d’entre eux évoquent beaucoup certains passages de Tomb Raider II, les deux autres renvoient à des inspirations plus incongrues, avec d’un côté une virée dans le folklore irlandais aux relents de Sleepy Hollow, et de l’autre, un niveau quasi futuriste qui propose de l’infiltration dans un style à mi-chemin entre Matrix et Perfect Dark. Pas sûr que cette aventure bancale soit la plus palpitante à découvrir aujourd’hui. Et pourtant, ce n’est peut-être pas la pire…
![Source : Aspyr Source : Aspyr](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/scu5eb-1024x576.jpeg?resize=1024,576&key=a360d8fb)
Crépuscule d’une idole
Propulsée en quelques épisodes mythiques au rang de licence incontournable (et son héroïne à celui d’icône de la pop culture, ni plus, ni moins), la saga Tomb Raider va connaître l’un des plus gros échecs de l’histoire du jeu vidéo en 2003 avec L’Ange des Ténèbres. Ces premiers pas sur PlayStation 2, la next gen d’antan, devaient marquer le grand renouveau. Ce sera finalement un véritable Titanic qui emportera dans son naufrage le Core Design, puisque la licence lui sera aussitôt confisquée par Eidos au profit des Californiens de Crystal Dynamics (une punition dont le studio anglais ne se relèvera jamais).
Tomb Raider : L’Ange des ténèbres est sorti dans un piteux état
C’est donc bien étrange de voir un tel jeu dans Tomb Raider IV-VI Remastered, d’autant qu’Aspyr n’a pas vraiment accompli de miracle. Il faut dire qu’à l’issue d’un développement aussi ambitieux que désorganisé et chaotique, Tomb Raider : L’Ange des ténèbres est sorti dans un piteux état, amputé de toutes parts (des niveaux entiers ont été abandonnés en cours de route pour tenir les délais) et avec une maniabilité à la limite du jouable. Cela va un peu mieux dans cette version grâce à l’option « moderne », mais c’est loin d’être la panacée. La tristement célèbre cour de l’immeuble parisien, qui sert de tutoriel à l’aventure, donne toujours des sueurs froides pour réussir à exécuter sauts et mouvements précis. En somme, le jeu reste d’une lourdeur assommante et demande une patience infinie.
![Source : Screenshot PS5 Source : Screenshot PS5](https://c0.lestechnophiles.com/www.numerama.com/wp-content/uploads/2025/02/img-3875-1024x576.jpg?resize=1024,576&key=0162211c)
Même si Aspyr a tenté de colmater quelques brèches en implémentant des éléments prévus à l’origine (comme le magasin parisien ou étoffer le panel d’actions du second héros de l’aventure, Kurtis Trent, avec son fameux boomerang à lames et ses pouvoirs psychiques), L’Ange des ténèbres reste un jeu intrinsèquement cassé que l’on reparcourt plus par curiosité (un brin malsaine, soyons honnête) que par intérêt. Seule son ambiance sombre et mystique réussit encore à réveiller un brin d’enthousiasme, même si, et c’est tout le paradoxe de cette version, ce dernier s’émousse bien vite. Il est remplacé par l’amertume de voir ce titre encore perclus de ses blessures de l’époque.
Plus globalement, cette année encore, on reste étonné et déçu par le manque de travail sur l’accessibilité des jeux de cette seconde compilation. C’est particulièrement flagrant sur L’Ange des ténèbres compte tenu de ses lacunes de base. Mais cela se ressent encore sur ses deux prédécesseurs, qui n’auraient pas craché sur des options de qualité de vie et d’accessibilité. Au-delà des soucis de luminosité déjà relevés auparavant, l’absence d’aide et de guidage pour les néophytes risque de rendre l’expérience particulièrement aride pour celles et ceux qui voudraient découvrir ces trois jeux en 2025. En outre, on regrettera à nouveau l’absence de contenu éditorial : pas de making of, pas la moindre interview ou même bout de concept art de l’époque pour contextualiser ces trois titres d’une autre époque. Reste au final le simple intérêt patrimonial de voir ces jeux à nouveau accessibles dans des conditions honorables au plus grand monde. Mais pas sûr que cela suffise à attirer autre chose que des fans avides du moindre contenu estampillé Tomb Raider, en attendant un énième reboot.
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