Ici, d’imposants bustes d’anciens Présidents se font face. Là, des horloges vous indiquent le temps qui passe. Plus loin, des dizaines de prestigieux tableaux sont disposés sur les murs. Et vous voilà en train d’arpenter frénétiquement les immenses couloirs de la Maison-Blanche, désespérément à la recherche d’un coupable, alors que le tonnerre gronde dans le monde extérieur. Bienvenue dans La Résidence, nouvelle production de Shonda Rhimes, dévoilée sur Netflix ce 20 mars 2025.
Après nous avoir tiré des larmes grâce à Grey’s Anatomy, puis nous avoir fait entrer dans la danse avec Bridgerton, la showrunneuse revient pour dynamiter un nouveau genre bien singulier : les séries policières. Le problème, c’est que cette joyeuse partie de Cluedo arrive un brin trop tard sur nos écrans, déjà bien chargés de contenus similaires.
La Résidence mélange Scandal et Murder
Avant même sa sortie sur Netflix, La Résidence possédait de nombreux arguments pour devenir notre prochaine obsession. La productrice Shonda Rhimes semblait y convoquer deux de ses séries phares : Scandal, pour la plongée dans les coulisses de la Maison-Blanche, ainsi que Murder, pour l’enquête bien ficelée et les rebondissements en pagaille. On retrouve en effet de nombreux ingrédients de ces œuvres très populaires dans cette affaire de meurtre qui s’annonçait savoureuse, sur le papier.
Au commencement, tout était donc réuni pour nous fasciner, alors que le chef du personnel de la Maison-Blanche vient d’être retrouvé, sans vie, lors d’un dîner d’État très important.

Pour démasquer le coupable parmi la centaine d’invités présents ce soir-là, y compris la chanteuse Kylie Minogue et l’acteur Hugh Jackman, la redoutable enquêtrice Cordelia Cupp va devoir mettre ses compétences de déduction à l’épreuve.
Et non, le Colonel Moutarde ne s’est pas simplement armé d’un chandelier dans la cuisine. Pour comprendre les évènements de cette fameuse soirée du 11 octobre, Cordelia Cupp devra plutôt pénétrer dans un monde très particulier : celui de la fameuse Résidence.
« C’est nous, contre eux »
La nouvelle série Netflix prend ainsi un malin plaisir à disséquer la lutte des classes, entre deux punchlines au timing comique parfaitement dosé. L’un des personnages le résume de cette façon : il y a la « famille », celle des petites mains du personnel qui restent toujours fidèles à elles-mêmes, au fil des décennies, et puis les illustres locataires de passage qu’elles doivent servir, coûte que coûte, chaque jour : « C’est nous, contre eux ».

À la manière des séries cultes Maîtres et valets ou Downton Abbey, La Résidence met ainsi en scène cette distinction, généralement raciste, en rappelant au passage que les riches se permettent tout, tout le temps. Une thématique récurrente dans les productions de Shonda Rhimes, qui trouve ici une nouvelle dimension bienvenue dans les 132 pièces qui composent la Maison-Blanche.
Cordelia Cupp, la géniale héritière d’Hercule Poirot
Cet immense terrain de jeu réjouissant, à la manière d’une maison de poupées géante, aurait dû être l’écrin d’une enquête captivante à souhaits. D’autant que l’investigation est menée par un personnage haut en couleurs, qui pourrait même faire de l’ombre à Hercule Poirot et autres Benoît Blanc (À Couteaux Tirés) : celui de Cordelia Cupp, la meilleure détective du monde, à la passion dévorante pour les oiseaux.
Constamment armée de ses jumelles, cette héroïne fait office de guide pour le spectateur, au cœur des tortueuses allées qui composent la Maison-Blanche. Son intelligence est par ailleurs mise en lumière en toutes circonstances, puisqu’elle est entourée, nuit et jour, d’un groupe d’hommes tout simplement idiots.

Leur seul mérite ? Constituer un puits sans fond de blagues plus savoureuses les unes que les autres. La géniale comédienne Uzo Aduba (Orange is the New Black) s’amuse visiblement à donner vie à ce génie brillante, drôle et charismatique, dotée d’une garde-robe diablement élégante.
Une série de 8 heures ou un film de 2 heures ?
Malheureusement, l’enthousiasme ressenti face à La Résidence retombe comme un soufflé, aussitôt son premier épisode achevé. Un constat s’impose alors rapidement : la série Netflix souffre d’un immense problème d’écriture.
Comme pas mal de productions récentes, qui souhaitent à tout prix étirer leur intrigue pour coller au format sériel, sans vraiment en comprendre les codes (Zero Day, on te voit), la production de Shonda Rhimes aurait pu se résumer à un film de deux heures, sans aucun problème.

Résultat : l’intrigue traîne en longueur inutilement, malgré un montage dynamique et ingénieux, qui tente de sauver les meubles. Les 8 longs épisodes auraient pu facilement être amputés de 5 à 10 minutes chacun, sans que cela ne gêne l’enquête principale.
Il faut dire que La Résidence possède une fâcheuse tendance à la surenchère d’explications : on revoit, en boucle, des scènes entières que l’on a déjà vues quelques épisodes plus tôt et on doit subir, à de nombreuses reprises, les monologues de personnages qui paraphrasent ce que l’on sait déjà. Les témoins du meurtre, eux, ont d’ailleurs une mémoire sélective, qui se réactive au bon vouloir des scénaristes, pour désigner un coupable différent à chaque épisode.
Une série parfaite pour scroller sur son téléphone
Si ce fonctionnement aurait pu convenir à une diffusion hebdomadaire, pour permettre aux spectateurs de garder le fil, il ne fait qu’alourdir une série conçue pour le binge-watching, mise en ligne en intégralité le même jour. Au terme de notre visionnage, on a même fini par se demander si La Résidence n’avait pas été conçue spécialement pour être engloutie sur un second écran, tout en permettant aux abonnés de scroller sur leur téléphone sans en perdre une miette.
Venant d’une plateforme de streaming comme Netflix, ce ne serait pas si étonnant : en janvier dernier, le Guardian révélait déjà que certaines productions maison recevaient des demandes spécifiques en ce sens. Mais venant d’une productrice aussi aguerrie et talentueuse que Shonda Rhimes, cela déçoit forcément toujours.

Un bon cosy mystery un peu trop sage
Heureusement, on se laisse tout de même plutôt porter par l’énergie de l’ensemble, qui explose lors d’un final grandiose, digne des meilleurs écrits d’Agatha Christie, s’étirant sur 1h30. L’humour, omniprésent durant les 8 épisodes, donne également lieu à des scènes d’interrogatoires lunaires, qui illustrent parfaitement à quel point chacun peut vivre une scène de façon complètement différente.
Mais même le petit grain de folie de La Résidence aurait mérité d’être davantage travaillé : on reste sur notre faim, face à une série qui aurait pu être beaucoup plus décalée et tendre, comme le sont les excellentes Only Murders in the Building sur Disney+ ou The Afterparty sur Apple TV+.
Alors oui, Netflix a bel et bien trouvé son cosy mystery maison, celui qui peut aisément se déguster sous un plaid, avec une bonne tasse de chocolat chaud entre les mains. Mais venant de Shonda Rhimes, la reine de la télévision américaine, celle qui a su réinventer tant de genres, du médical au thriller politique en passant par la romance historique, on aurait tout de même espéré un puzzle beaucoup plus jouissif à compléter.
Le verdict

La Résidence (The Residence)
Voir la ficheOn a aimé
- Uzo Aduba, la reine de la série
- Un final brillant
- Le propos sur la lutte des classes
- Kylie Minogue en guest
On a moins aimé
- L’écriture, trop confuse
- Il manque un grain de folie
- Trop de séquences inutiles
- Une série conçue pour scroller en même temps ?
Les abonnés Numerama+ offrent les ressources nécessaires à la production d’une information de qualité et permettent à Numerama de rester gratuit.
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l’I.A, contenus exclusifs et plus encore. Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

Toute l'actu tech en un clin d'œil
Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez la communauté Numerama sur WhatsApp !