« C’est magique, le doublage » : voilà comment Maïk Darah décrit son métier, qu’elle pratique déjà depuis plus de 50 ans. De la voix française de Monica dans Friends, à celle de la charismatique Ambessa Medarda dans Arcane, en passant par les rôles les plus emblématiques de Whoopi Goldberg ou le timbre de Rem dans Death Note, la comédienne de doublage a tout joué, ou presque.
Rencontrée à l’occasion du festival Séries Mania de Lille, le 23 mars 2025, l’actrice est revenue avec nous sur ses rôles les plus emblématiques et sur l’évolution de sa profession, particulièrement l’arrivée fracassante de l’IA dans les domaines artistiques.
« Je ne savais plus qui était Rem dans Death Note »
« Le doublage, j’ai adoré tout de suite puisque c’était comme jouer devant une caméra : c’est organique, sensuel. C’est très physique, en fait. ». Lorsqu’elle parle de son métier, Maïk Darah est passionnée, et ça se sent.
À 71 ans, la comédienne continue toujours à nous faire rêver grâce à son timbre si particulier, reconnaissable entre mille, entendu dans des centaines de productions différentes : « Aucune comédienne au monde ne peut tourner le nombre de films que nous doublons. Comment tourner 1000 ou 1500 rôles ? »

Une filmographie impressionnante et si fournie, que parfois, Maïk Darah en oublie même certains personnages. La preuve avec Rem, l’une des protagonistes phares de l’animé Death Note : « Je ne savais plus ce que c’était, jusqu’à ce qu’on m’en reparle en convention. Ce sont les fans qui me ravivent mon CV et je suis heureuse que ce personnage ait marqué, c’est le but. »
Les conventions de fans et les réseaux sociaux permettent justement aux comédiens de doublage français d’obtenir enfin la reconnaissance qu’ils méritent, après avoir été longtemps considérés comme des sous-acteurs : « On se rend compte qu’on est importants pour les gens, c’est très touchant. »
« On peut incarner une poignée de porte, c’est incroyable ! »
Maïk Darah pratique ainsi ce qu’elle appelle une « trahison fidèle », en incarnant des rôles aussi divers que Rox dans Rox et Rouky ou Shenzi dans Le Roi Lion : « Les dessins animés, c’est plus ludique, mais ça fait partie de notre métier. C’est comme une danseuse qui va danser du classique, du jazz ou des claquettes. En doublage, on incarne une blonde, une brune, une grosse, une mince, ou alors en dessin-animé, ce sera une poignée de porte, un petit lapin ou une poule. C’est incroyable ! »

Pour autant, depuis plus de cinquante ans, la comédienne a vu sa profession évoluer, et pas seulement dans le bon sens : « Je n’aime pas ce que devient le doublage. À l’époque, on était moins nombreux comme comédiens et comédiennes à en faire. J’étais en plus la seule comédienne noire. Heureusement, maintenant, on est plusieurs. Mais avant, c’était plus familial, plus artisanal aussi. On travaillait beaucoup moins vite, les anciens avaient le temps de nous raconter des anecdotes. J’apprenais beaucoup en les observant sur le plateau. Désormais, il y a des stages qui coûtent très cher et ensuite, on laisse les gens dans la nature. Je n’aime pas ça du tout. »
L’IA pourrait-elle tuer les métiers du doublage ?
Une mutation inévitable inquiète également beaucoup les comédiens de doublage : l’arrivée de l’IA dans les métiers artistiques. Maïk Darah a ainsi rejoint le mouvement de Touche pas ma VF, mené, entre autres, par Donald Reignoux (La Reine des Neiges), Adeline Chetail (The Last of Us) ou encore Brigitte Lecordier (Dragon Ball). Pour la voix française de Monica dans Friends, il s’agit d’une « arme à double tranchant. Si l’humain se montre plus intelligent que l’intelligence artificielle elle-même, ça va être super. Mais sinon, ça va être une catastrophe. »
Pour autant, Maïk Darah estime que « on ne sait jamais. Ça va peut-être être tellement mauvais, ou en tout cas moins bon, qu’une voix faite de chair et d’os, d’âme, de cœur, que ça ne sera finalement pas si catastrophique. Mais il faut absolument légiférer sur la question : ce métier m’a sauvée de beaucoup de choses, il ne faudrait vraiment pas qu’il soit bouffé par l’IA. »
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