Une vidéo révélée par Complément d’enquête dévoile les coulisses du conseil d’administration de la Ligue de Football Professionnel (LFP), lors de l’attribution des droits de la Ligue 1. On y découvre un chaos général, où personne n’a cru en l’offre de DAZN, pourtant choisie par la Ligue.

Dans quelques mois, quand DAZN activera sa clause pour renoncer aux droits de diffusion de la Ligue 1, ses avocats remercieront probablement les journalistes de Complément d’enquête.

L’émission de France 2 (bientôt renommé france.tv), dans le cadre d’une enquête sur Nasser al-Khelaïfi, le patron du Paris Saint-Germain et de beIN Sports, a dévoilé un enregistrement de 26 minutes dévoilant les coulisses d’un conseil d’administration de la LFP, le 14 juillet 2024, quelques heures avant l’attribution des droits à DAZN. On y découvre une ambiance chaotique où personne n’est d’accord, sauf sur un sujet : DAZN et son abonnement à 40 euros par mois vont se planter.

La Ligue voulait l’argent de DAZN, mais n’a jamais cru en son partenaire

Quelques heures avant la désignation de DAZN, après un appel d’offres infructueux, les membres du conseil d’administration de la LFP étaient en profond désaccord sur le sort de la Ligue 1. Benjamin Morel, le directeur général de LFP Media, annonçait aux actionnaires de la ligue que DAZN avait proposé une nouvelle offre autour des 400 millions d’euros par an, pour 8 matchs sur 9. L’idée était d’accepter cette offre, et de proposer le neuvième match à beIN Sports, afin de gagner encore plus d’argent.

Le contrat proposé par DAZN le 14 juillet, probablement celui accepté le jour même.
Le contrat proposé par DAZN le 14 juillet, probablement celui accepté le jour même. // Source : Complément d’enquête / France 2

Cette offre est loin d’avoir fait l’unanimité. Nasser al-Khelaïfi, qui représente officiellement le PSG, mais officieusement beIN Sports, n’a pas hésité à charger Benjamin Morel en le traitant de « très mauvais négociateur ». Le patron du PSG ajoute : « Tu mets le bazar dans la Ligue. Je pense qu’on en est là à cause de toi. Tu ne sais pas bien négocier, tu ne sais pas conclure une affaire, tu nous mets dans une situation difficile ». Il accuse notamment la LFP de faire double jeu avec DAZN et beIN, pour faire monter les enchères. Nasser continue de fustiger le patron de LFP Media : « tu seras tenu responsable de tout ce qui va arriver. »

De nombreux patrons de clubs restent silencieux, mais d’autres s’offusquent aussi. John Textor, le président de l’OL, plaide pour la création d’une application de streaming pour tout le football français, en expliquant que DAZN « est une des plateformes de distribution les plus faibles au monde, avec une horrible expérience utilisateur. »

DAZN et McDo // Source : Capture Numerama
DAZN, en crise financière, offre son abonnement dans les menus McDonald’s. // Source : Capture Numerama

Une des tirades les plus violentes vient de Joseph Oughourlian, le président de Lens, en réaction à l’annonce d’une « clause de départ fixée à deux ans » pour DAZN, mise en place pour que le groupe de streaming se retire à ce moment-là, s’il n’est pas rentable. Vincent Labrune, le patron de la LFP, semble parfaitement conscient de l’impossible réussite de DAZN. Cette clause vise à régler le problème des droits TV rapidement et provisoirement, en garantissant aux clubs des paiements pendant deux ans.

« Quand vous êtes tous en train d’expliquer que ça ne va pas marcher, ils vont se battre pour sortir dans deux ans », réagit d’abord Jean-Pierre Caillot, le président du Stade de Reims. « À 39,90 là, peut-être que c’est de l’argent à court terme, peut-être qu’on a du cash, mais on va dans le mur de manière assez spectaculaire », ajoute Joseph Oughourlian, qui n’hésite pas à comparer DAZN au fiasco Mediapro : « à l’époque, la presse nous décrivait comme des gens avides, poussés par le cash à court terme […] on est six ans plus tard et j’ai l’impression de revoir le même film, sauf que ce n’est plus 1 milliard, mais 500 millions. Si on va avec l’offre de DAZN, dans cinq ans, on sera au même endroit, mais ça sera 250 millions, on aura juste détruit notre produit. À 39,90, il n’y a personne qui va vouloir regarder les 8 matchs qui sont les moins bons de la L1. »

Pendant le match Nice-PSG, le code est apparu plusieurs fois.
DAZN est remonté contre la LFP aujourd’hui, à qui il reproche de lui avoir menti sur le produit, notamment sur le piratage. // Source : Numerama

Joseph Oughourlian, avant de se faire attaquer par Nasser al-Khelaïfi, qui lui explique que les clubs ont besoin d’argent maintenant et que proposer une offre moins chère n’aurait aucun sens, tire une dernière balle dans l’offre de DAZN : « Faut pas avoir fait Polytechnique pour voir que le truc ne tient pas la route deux secondes. »

DAZN va finir par se venger de la LFP, mais quand ?

Le document de Complément d’enquête révèle une chose grave : la LFP savait qu’elle vendait un produit surestimé à DAZN et l’a fait dans le seul but de garantir deux ans de paiement aux clubs. Son bras de fer avec DAZN pourrait débuter plus tôt que prévu, d’autant plus que le groupe anglais avait menacé de ne pas payer son « loyer » début 2025, pour protester contre le manque d’actions anti-piratage. Il ne serait pas étonnant de le voir la guerre reprendre rapidement.

Depuis plusieurs semaines, DAZN multiplie les offres promotionnelles pour sauver son abonnement pour la Ligue 1. Il offre depuis peu trois mois d’abonnement dans les menus McDonald’s, dans ce qui ressemble à une opération de sauvetage du nombre d’abonnés. Son prix de 40 euros par mois est descendu à 10 euros par mois pour les jeunes, mais le groupe peine à convaincre. En décembre 2025, six mois après le début de sa seconde saison, DAZN pourra demander la résiliation de son contrat. La LFP devrait alors trouver un nouveau diffuseur à partir de la saison 2026-2027.

Source : Montage Numerama

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