Alors que l’argentier du cinéma verrouille la chronologie des médias depuis de très nombreuses années, Canal+ souhaite désormais rouvrir les discussions sur les règles qui permettent aux différents diffuseurs de proposer des films plus ou moins récents, en fonction de la nature de leur offre.
Dans une interview au Figaro, le directeur général de Canal+ Maxime Saada demande en effet à ce que les chaînes payantes puissent diffuser les films six mois seulement après leur sortie en salle, et non pas 10 mois comme actuellement. Il faut, plaide-t-il, « redéfinir la chronologie des médias et avancer la fenêtre de diffusion des films à 6 mois au lieu de 10 actuellement », pour renforcer le cinéma auprès des abonnés. « Nous sommes engagés dans une refonte de notre modèle, et nous avons besoin que nos partenaires se mobilisent. En contrepartie, nous nous engageons à sécuriser le financement du cinéma. La filière a toujours été avec nous. Elle doit parier sur la relance de Canal+ ».
Mais aussi puissant soit-il sur le marché français, il sera difficile pour Canal d’obtenir la seule révision de la fenêtre d’exploitation des chaînes de télévision payante, sans entraîner un glissement de l’ensemble de la chronologie.
Rappelons qu’actuellement, et sans entrer dans les détails affichés dans l’infographie ci-dessous réalisée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), cinq grandes fenêtres d’exploitation sont prévues après la sortie en salles, d’après un accord du 6 juillet 2009 :
- Après 4 mois : vente en vidéo (DVD, Blu-Ray, téléchargement définitif) ou location en vidéo à la demande (VOD) ;
- Après 10 mois : diffusion sur des chaînes TV de cinéma payantes ;
- Après 22 mois : diffusion sur les chaînes TV en clair en cas de co-production ;
- Après 36 mois : accessible sur les services de SVOD payants comme Netflix ou CanalPlay
- Après 48 mois : accessible sur les services de SVOD gratuits, encore très théoriques.
Il paraît difficile d’avancer encore l’exploitation en Blu-Ray et VOD, qui avait déjà été ramenée de 12 à 4 mois par l’accord de 2009. Accélérer davantage la mise à disposition des films en vidéo, ce serait accepter une quasi simultanéité avec les diffusions en salles, ce que les exploitants refuseront. En revanche, il semble naturel de se diriger vers un alignement des télévisions linéaires payantes et de la VOD (voire, à terme, de la SVOD), les deux types de services étant appelés à fusionner sous l’effet d’usages de plus en plus difficiles à dissocier.
Les films plus tôt aussi sur Netflix ?
Mais si l’on ramène la fenêtre de Canal+ à 6 mois, il paraît logique de ramener aussi les autres fenêtres postérieures, à un délai plus court. Netflix, en particulier, serait fondé à demander la possibilité de diffuser des films sans attendre trois longues années, mais peut-être deux seulement.
Et alors, TF1 et France Télévisions pourront demander à ce que les télévisions en clair puissent diffuser les films qu’ils co-produisent au bout de 12 ou 15 mois…
Au final, ce sont les consommateurs qui y gagneraient, et le piratage qui reculerait. Il paraît aujourd’hui absurde d’avoir à attendre trois ans pour qu’un film daigne enfin apparaître au catalogue de Netflix ou de CanalPlay, alors qu’il est distribué depuis presque autant de temps sur BitTorrent.
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