Canal+ dévoile sa proposition de réforme de la chronologie des médias. Si elle avance des fenêtres d’exploitation plus avancées, la révision suggérée par la chaîne payante n’a rien de révolutionnaire.

Une révision timide de la chronologie des médias. Voilà donc ce que propose Canal+ avec sa réforme qui consiste pour l’essentiel à avancer chaque fenêtre d’exploitation (ou presque) de 4 mois par rapport au calendrier actuel. Pour les téléspectateurs, les pistes de la chaîne privée n’ont absolument rien de révolutionnaire même si elles constituent quand même une (petite) avancée.

En France, la chronologie des médias est un dispositif central de l’industrie du cinéma. C’est en effet ce dispositif qui organise la diffusion des films, en fixant pour chaque type d’exploitation un délai d’attente à respecter après la sortie en salle. La chronologie des médias a été révisée pour la dernière fois en 2009, à une époque où certains usages n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui.

Évoquées une première fois en septembre lors d’un entretien au Figaro, les propositions du directeur général de Canal+ Maxime Saada ont été détaillées ce week-end lors d’une interview avec le Film Français et dont ZDNet reprend les principaux points. Ces modifications sont destinées, selon la chaîne payante, à répondre à trois enjeux : contrer le piratage ; sanctuariser la salle de cinéma et préserver Canal+.

Les propositions de Maxime Saada ont d’ores et déjà trouvé un écho positif puisque trois organisations (la fédération nationale des cinémas français, l’union des producteurs de cinéma et la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs) ont manifesté de l’intérêt pour cette réforme. Forcément, on n’en est pas à renverser la table comme avec une sortie simultanée des films en VOD et en salles.

La nouvelle chronologie des médias de Canal+ s’articule grosso modo autour de cinq fenêtres d’exploitation :

  • Après 4 mois : pas de modification de calendrier pour la vente définitive en vidéo (en DVD, en Blu-ray, en téléchargement) ou pour la location en vidéo à la demande (VOD) ;
  • Après 6 mois (au lieu de 10) : diffusion sur des chaînes TV de cinéma payantes ;
  • Après 18 mois (au lieu de 22) : diffusion sur les chaînes TV en clair en cas de coproduction ;
  • Après 32 mois (au lieu de 36) : diffusion sur les sites payants de SVOD comme Netflix et CanalPlay ;
  • Après 44 mois (au lieu de 48) : diffusion sur les sites gratuits de SVOD.

Voilà pour le cadre général qui est toutefois accompagné de quelques particularités :

  • un décalage de 15 jours est observé entre la vente définitive et la location en VOD afin de laisser une petite exclusivité pour le premier mode d’accès face au second.
  • Maintien de la fenêtre VOD en location même quand d’autres fenêtres (chaînes TV de cinéma payantes, chaînes TV en clair) s’ouvrent.
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La version actuelle de la chronologie des médias.

On le voit, il n’est pas question d’avancer la première fenêtre de diffusion — celle des 4 mois — car les exploitants de salles s’y opposeraient farouchement. Celle-ci avait déjà été réduite de manière considérable en 2009 lors du dernier accord sur la chronologie des médias, passant de 12 à 4 mois. Une fenêtre plus resserrée serait considérée comme une sortie quasi-simultanée entre la salle et la VOD. Impensable.

Pour les autres fenêtres, il y a un décalage mécanique qui est opéré parce que Canal+ se propose d’avoir une fenêtre plus proche de la diffusion en salles (6 mois d’attente au lieu de 10). Tous les modes d’exploitation sont avancés de 4 mois. Pour les chaînes qui avaient un temps d’attente relativement réduits, comme les chaînes de cinéma payantes, c’est beaucoup. Mais pour les autres, la modification est insignifiante.

Une réforme qui ne changera pas grand-chose pour les abonnés à des sites de SVOD

Pour les clients d’une plateforme comme Netflix ou CanalPlay, il n’y a strictement aucune différence à patienter 32 mois au lieu de 36 (c’est-à-dire 3 ans). On aurait préféré un effort plus notable : il ne s’agit pas d’aligner la SVOD sur les chaînes de cinéma payantes mais de proposer une chronologie plus ambitieuse, en réduisant le temps d’attente à deux ans par exemple.

Mais une fenêtre plus avantageuse pour la SVOD signifierait de fait un petit coup de pouce donné aux plateformes de SVOD, dont certaines sont basées à l’étranger. C’est le cas par exemple de Netflix. Ces espaces « ne contribuent en rien à la création en ne se soumettant ni à nos obligations ni à notre fiscalité », a ainsi pointé Maxime Saada. Et ce n’est pas la mise en production d’une série TV, Marseille, qui peut changer la donne.

En attendant, les chaînes de cinéma payantes comme les plateformes de vidéo à la demande avec abonnement sont toujours confrontés au phénomène du piratage. Et pour une entreprise qui a décrété la lutte contre le piratage parmi ses trois grandes préoccupations, on ne peut pas dire que la réponse de Canal+ soit absolument décoiffante.

Source : Montage Numerama

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