Chez Chanel, à Paris, on fantasmait cette saison sur la tech, sur les data center et sur la toute puissance des géants de la tech.
Sur un podium improvisé en data center, des mannequins humanoïdes ouvraient une collection faite de futurisme, de clins d’œil robotiques, où la symétrie est une illusion, la casquette un masque d’élégance et le tweed une métaphore des circuits imprimés. Les silhouettes de la saison inventée par Lagerfeld s’illuminent au gré des couleurs électrisantes et des motifs générés et dégénérés par la machine.
Entre machinerie et esthétisme néo-rétro, le Chanel Data Center cristallisait une ligne de vêtements aussi fluide que futuriste, où la coupe restructure des torses allongés — robotiques peut-être ? — encadrant le début des hanches de ceintures. On retient par exemple une minaudière mi-tamagotchi mi circuit imprimé, manifeste d’une saison aux couleurs de la Silicon Valley.
Entre Uber et Twitter, des podiums
Avec une telle invitation de la part de la Paris Fashion Week, on aurait pu imaginer que l’extravagante Silicon Valley Fashion Week?! (avec la ponctuation), qui elle se tient bel et bien entre des data centers, aurait enfin pu devenir un événement sérieux.
Le rendez-vous était donné, entre le siège de Uber et de Twitter par le fondateur de Betabrand et par la boutique Zappos. Il s’agissait de la deuxième édition de cette rencontre entre créateurs et inventeurs. Et si les créateurs du show n’imaginent pas détrôner la semaine de la mode de New York ou de Paris, ils ne manquent pas d’ambition pour leur fashion week qu’ils espèrent voir devenir une référence : « Le show doit devenir un mélange de Maker Movement et de Burning Man » disent-ils à la presse locale.
Ouvert au public, a contrario d’une vraie Fashion Week, l’événement était en fait entre le salon et le spectacle de divertissement, une sorte de foire à l’innovation à laquelle se mêlaient quelques prétentions esthétiques, égarées dans une foule de gadgets. Cette année, pas moins de 30 marques étaient présentes pour plus de 500 visiteurs par jour, pendant trois jours.
Mais en dehors des podiums, cette fashion week révélait une bien triste vision de la mode de la part des entreprises présentes. Entre le gag et l’imposture, les spectacles frôlaient le pathétique et tous semblaient porter un seul message : la mode et la technologie ne peuvent être alliées.
Adobe a par exemple présenté un sketch que la société pensait comique, où elle a mis en place un personnage en réalité augmentée qui parlait de ses préférences en matière de mode. Point. Pebble est allé encore plus loin dans l’étrange, en présentant un hoodie intelligent dont les manches peuvent s’étirer et s’ajuster pour vous laisser avoir accès rapidement à votre smartwatch Pebble.
On a également vu des bijoux écouteurs et beaucoup, beaucoup de LED, partout, sur les sacs ou les vêtements.
En fait, cette fashion week ressemblait, pour ses organisateurs à une attraction qu’ils comptent sûrement faire grandir pour attirer des curieux. Quitte à devenir une parodie.
De l’impossible naissance d’une fashion-tech
Et dans ce cafouillages tech, le vêtement intelligent peine à exister.
Le monde de la mode, le vrai, le rejette bien souvent pour son appât utilitariste et une manière affectée de crier « je suis moderne », une vision qui n’est plus au goût des Fashion Week depuis la fin de l’euphorie des années 2000. On trouve épisodiquement des bidules tech, comme les montres connectées de Michael Kors mais dont l’opportunisme est évident.
Et de l’autre côté, du côté du monde de la tech, c’est comme si personne ne parvenait à prendre la mode au sérieux : il faut qu’elle soit profondément utilitariste ou manifestement futuriste, à la manière de ses créateurs qui construisent des exosquelettes autoproclamés œuvres de mode alors qu’ils ne semblent pas saisir la puissance de ce qu’est un vêtement.
La tech ne saisit pas la puissance du vêtement
Ce sont finalement les créateurs de grandes maisons qui arrivent à s’approcher, sans excès, de la tech par des manières détournées, que ce soit culturellement comme chez Chanel ou grâce à la technique : l’impression 3D a ainsi gagné une vraie place dans les maisons.
Mais, l’avenir de la Fashion Tech, s’il y en a un, n’est pas du côté de San Francisco. Car il faut ajouter que cette Silicon Valley Fashion Week s’est finie de la pire des manières en 2015, avec un spectacle final mettant en scène des jeunes femmes en tenues légères. Pas de fashion, pas de tech, mais dans l’esprit des organisateurs, cela doit « plaire aux geeks ». Bienvenue dans le passé.
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