Selon une étude d’universitaires qui sera publiée dans quelques jours par l’IFPI, l’Hadopi aurait eu un impact bénéfique sur les ventes de musique en France. Néanmoins, les conclusions de cette enquête doivent être lues avec prudence, dans la mesure où celle-ci n’est pas encore accessible.

Autorité publique indépendante, l’Hadopi conduit essentiellement deux missions auprès des Français. La première, et sans aucun doute la plus connue, est la lutte contre le piratage à travers le mécanisme de la riposte graduée et la surveillance des réseaux P2P. La seconde a pour objectif d’encourager le développement de l’offre légale, en observant notamment l’utilisation des œuvres culturelles sur le net.

Bien que très critiquée, la Haute Autorité est désormais active depuis maintenant deux ans. Et à en croire une étude conduite par quatre chercheurs et relayée dans les grandes lignes par Électron Libre, l’impact de l’Hadopi sur l’industrie du disque serait plus que positif. Au terme d’un travail long de 18 mois, les quatre universitaires affirment qu’Hadopi a entraîné un plus de 13,8 millions d’euros par an pour le marché français.

Il faudra néanmoins attendre la publication de cette enquête, qui aura lieu le 23 janvier dans les bureaux de l’IFPI, avant de tirer de grandes conclusions. En effet, seul Électron Libre a pu accéder a son contenu, lui permettant certes de révéler « les principaux enseignements tirés de ce travail universitaire » mais empêchant d’autres de fournir une contre-expertise. Seule la grille de lecture de nos confrères est disponible.

Quels sont ces principaux enseignements ? D’après les quatre universitaires – dont l’identité n’est pas encore connue -, « la progression de l’offre légale, en terme de volume de vente, et particulièrement iTunes, est plus forte en France, là où existe l’Hadopi« . Depuis Hadopi, une progression de 22,5 % des ventes au titre sur iTunes aurait été constatée, même si coïncidence ne signifie pas causalité.

S’il faut évidemment saluer le développement de l’offre légale, il semble périlleux d’en attribuer le seul mérite à l’Hadopi. En ce qui concerne iTunes, il faut par exemple relever que le service a nettement allongé la durée des extraits musicaux (de 30 à 90 secondes) l’an dernier. Or pour Apple, les internautes consomment plus facilement de la musique lorsqu’ils peuvent écouter plus longuement les titres pour se faire une idée.

Hadopi, épouvantail à pirates ? Peut-être. Mais la complexité du sujet ne permet pas de faire de la Haute Autorité le seul responsable de l’évolution des comportements, même si cela « parait logique« . L’étude va pourtant jusqu’à écrire – bien que le conditionnel soit de rigueur – que l’effet bénéfique d’Hadopi « aurait été observé avant même le passage de la loi à l’Assemblée et son vote définitif« .

L’Hadopi aurait donc inquiété les internautes bien avant son entrée en vigueur, à en croire les chercheurs. Un peu comme la fréquentation du cinéma, qui progresse globalement depuis le début des années 1990 alors qu’Hadopi n’existe que depuis 2010 ? Mais l’inquiétude des internautes ne s’est pas systématiquement convertie en acte d’achat. Même après l’Hadopi, les ventes de CD ont reculé.

Les travaux des chercheurs prennent alors l’exemple des musiques urbaines comme le rap, manifestement très prisées par les adeptes du P2P et des services de téléchargement direct, auraient redressé la tête, avec des ventes d’albums en hausse de 25 % dans l’Hexagone, par rapport aux autres grands pays européens.

Nos confrères poursuivent en soulignant que l’Hadopi « a finalement convaincu les internautes que le temps de l’impunité était terminé« , en se basant sur les chiffres de ventes de la plate-forme iTunes sur le Vieux Continent. Nous ne savons en revanche pas si l’étude évoque l’évolution des usages des internautes, qui utilisent des outils de streaming légaux (Deezer, Spotify…) ou abandonnent le P2P au profit du DDL.

Les études de ce genre et leurs conclusions doivent être observées avec une certaine prudence, car la méthode retenue pour établir certains chiffres peut être contestable. On se souvient par exemple que le mode de calcul pour le sondage laissant entendre que 50 % des avertis auraient arrêté de pirater se base sur un nombre d’avertis très (trop) restreint pour en tirer de grandes conclusions.

Beaucoup d’incertitudes demeurent autour de cette enquête. Sa publication prochaine par l’IFPI tend à indiquer que l’industrie du disque n’a jamais été bien loin du travail des quatre universitaires. Des rapports concernant le piratage ont ainsi été brocardés pour leur lecture partielle voire partiale de la situation, à l’image des travaux conduits par le cabinet TERA en 2008 et en 2010.

Alors que l’opposition a officiellement l’intention d’abroger Hadopi (bien que le candidat du Parti socialiste a une position trouble sur la question), cette enquête arrive en tout cas à point nommé pour les partisans de l’autorité publique indépendante. Elle fournit des munitions pour la campagne électorale, afin d’inciter les opposants à revoir leur discours. En effet, pourquoi se débarrasser d’un outil utile et bénéfique ?

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