Avec une exposition temporaire consacrée aux jeux vidéo en 2013, la Cité des Sciences et de l’Industrie avait pu prendre la température auprès du grand public pour l’élaboration de son prochain espace : la Cité du Jeu Vidéo. Durant 10 mois, le salon « Jeux vidéo, l’expo » avait rencontré un franc succès en proposant notamment aux joueurs comme aux non-initiés de découvrir l’envers de la création vidéoludique, ses mécaniques et son fonctionnement.
Aujourd’hui, le projet se construit en coulisse pour devenir un espace permanent dédié au jeu vidéo, comme l’avait annoncé en 2012 Frédéric Mitterrand, alors ministre de la culture. La recette restera sensiblement la même que pour cette édition de 2013, mais cette fois dans un espace de 700m² (contre 1 000 en 2013), avec une programmation thématique. L’espace se consacrera en effet à un sujet en particulier tous les 6 mois pour mettre en avant et renouveler son contenu.
Il n’en fallait pas plus pour nous intéresser à ce gigantesque chantier. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur les derniers travaux à abattre avant le mois de décembre 2017, date à laquelle la Cité du Jeu Vidéo devrait voir le jour. Fabrice Lourie, chef de projet Jeu Vidéo, a bien voulu répondre à nos questions.
Décrypter le jeu vidéo
« Notre ambition avec la Cité du Jeu vidéo est d’essayer d’atteindre les 3 objectifs que nous nous sommes donnés. Ces trois objectifs sont de décrypter le jeu vidéo, d’analyser le joueur, et de mettre en place un espace physique où tous les acteurs de l’industrie peuvent se rencontrer et échanger », introduit Fabrice Lourie.
Pour décrypter le jeu vidéo, la Cité des Sciences et de l’Industrie envisage la manœuvre sous trois axes principaux : questionner le rapport entre le jeu vidéo et la technologie, faire connaître les métiers de l’industrie et présenter au grand public les aspects sociétaux du jeu vidéo.
« Le jeu vidéo a accompagné la micro informatique familiale depuis les débuts, explique Fabrice Lourie. Que ce soit pour la découverte des interfaces homme/machine, l’Intelligence Artificielle ou la Réalité Virtuelle, on peut considérer que le jeu vidéo a été un incubateur de nouvelles technologies. Dans le sens où il a fait la passerelle entre l’utilisation militaire ou scientifique de ces technologie et la démocratisation de celles-ci dans les foyers. On souhaitait donc appuyer cette dimension-là, à la lumière des thématiques qui seront abordées dans cet espace. »
Une meilleure information sur les métiers de l’industrie
La Cité du Jeu Vidéo souhaite mettre également en avant les nombreux métiers qui émergent et les spécialités professionnelles qui sont apparues avec l’expansion de l’industrie. L’objectif est de susciter des vocations pour la jeunesse, mais aussi de lui offrir des pistes pour s’initier et découvrir ces professions.
« C’est un thème assez récurent dans nos activités. Lors de tables rondes concernant le jeu vidéo et ses métiers, on demandait aux jeunes qui étaient présents s’ils voulaient travailler dans cette filière. Souvent on avait des réponses de type « oui mais je suis trop mauvais en maths, donc je ne peux pas ». Il fallait donc leur expliquer qu’il n’y avait pas forcément de lien avec la programmation, qu’il y avait des métiers créatifs, de communication etc. »
Pour la question de l’aspect sociétal du jeu vidéo, l’enjeu de la Cité est de mettre en lumière les principes émergents de la gamification dans de nombreux domaines, à l’image du seriousgame que l’on peut rencontrer désormais dans n’importe quelle branche professionnelle ; ou encore le newsgame, ce format d’information de plus en plus utilisé dans les médias et la presse. « Le jeu vidéo est considéré comme un nouveau média, et à l’instar de tous les nouveaux média, il nécessite peut-être une petite démystification, avance le chef de projet, un décryptage pour mieux l’appréhender. »
Analyser le joueur
Outre la question du jeu vidéo en tant qu’essence, la Cité du Jeu Vidéo restera fidèle à sa vocation scientifique, et proposera d’observer et d’analyser les comportements des joueurs. Nous avions fait la découverte, lors de la Paris Games Week le mois dernier, d’un curieux dispositif de course automobile sur le stand de la Cité des Sciences et de l’Industrie.
La station proposait en effet, en plus de jouer à un simulateur de course, de ressentir des sensations inédites. Un ventilateur favorisait l’impression de vitesse en soufflant de l’air au fur et à mesure des accélérations du joueur, un eye-tracker analysait où le regard du joueur se posait pendant qu’une webcam scrutait ses émotions, et qu’un appareil retransmettait les pulsations cardiaque du cobaye à l’aide vibrations et de diodes.
« Nous souhaitons implémenter un dispositif comme celui-ci pour à peu près tous les types de jeux comme les FPS, les jeux de stratégie, d’arcade, les TPS et jeux d’aventure, détaille Fabrice Lourie. L’idée est de piquer la curiosité des visiteurs en les faisant jouer à des jeux qu’ils connaissent déjà, mais en proposant une jouabilité augmentée. »
Au-delà d’augmenter l’immersion, le principe est d’effectuer une observation des données physiologique du joueur lors de sa partie, qui devient alors cobaye. À l’aide des multiples outils décrits plus haut et bien d’autres encore, le Laboratoire des Usages en Technologies d’Information Numériques (LUTIN) analyse les informations et propose au joueur de comparer son bilan avec celui des autres joueurs.
« Dans un second temps, les données seront enregistrées et envoyées sous forme de big data pour la recherche, et pourront faire l’objet études plus poussées, indique Fabrice Lourie. Ces données peuvent aussi bien servir aux studios qui développent les jeux pour savoir, par exemple, quel endroit de l’écran un joueur fixe quand il joue à un FPS, et ainsi éventuellement déclencher des informations ou des événements dans cette zone. Ces données pourront aussi aider les compétiteurs d’esport à analyser et optimiser leur technique. »
Un espace de rencontre et d’échange entre acteurs de l’industrie
Le dernier objectif de la Cité du Jeu Vidéo est de proposer un espace physique de rencontre et d’échange entre professionnels qui gravitent autour du jeu vidéo. Le panel d’acteurs est grand, puisqu’il inclut aussi bien les studios, éditeurs, professionnels de l’industrie que des chercheurs en ergonomie, en neurosciences, sciences sociales ou bien encore des joueurs ou associations de joueurs.
L’enjeu de cet espace est de favoriser une communication entre tous ces secteurs, par le biais notamment de l’organisation de masterclass, de game jam, de tribunes ou même des initiations et des ateliers pour former à des disciplines comme le Level Design, le Character Design, Game Design etc.
« Pour le moment il n’existe pas d’événement ou de lieu qui permet à tous ces acteurs de se réunir pour traiter une ou plusieurs facettes de l’industrie. Ces rencontres seront donc organisées dans le cadre de la thématique en cours à la Cité du Jeu Vidéo. On souhaitait par exemple aborder la question de la représentation de la femme dans le jeu vidéo et son industrie. Il y a beaucoup d’interrogations sur ce sujet, quelles soient sociologiques, psychologiques autour de l’intégration des femmes dans le milieu professionnel, le marketing genré des jeux etc. »
2017, dernière ligne droite
À un an de l’ouverture de la Cité du Jeu Vidéo, les organisateurs ont encore beaucoup de travail à abattre. Une première réunion du comité consultatif de programmation est prévue, avec des acteurs du jeu vidéo comme le SELL, le SNJV, l’AFJV, la presse, des associations, des studios et des chercheurs pour déterminer la programmation de l’espace et les premières thématiques qui seront abordées.
«Nous allons commencer à travailler sur la production, tout ce qui va être scénographique, le développement des outils dynamiques qui vont permettre d’héberger tous les contenus qui alimenteront la thématique. On va travailler sur les autres dispositifs de gameplay comme celui que l’on pouvait voir à la Paris Games Week », énumère Fabrice Lourie.
Avant de conclure : « Notre mission à la Cité des Sciences, c’est essayer d’être le porte-voix, une sorte de vulgarisateur, de toutes ces nouvelles technologies qui s’introduisent dans les foyers et dans la société. Nous souhaitons donner des clés au grand public pour mieux les appréhender, les comprendre et les maîtriser. »
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