Nous avions envie de découvrir Premier Contact. Son sujet comme son réalisateur nous inspiraient une profonde confiance et une envie d’aller au-delà de la science-fiction la plus classique. Mais les ambitions de Villeneuve ne semblent jamais rencontrer son propos.

Depuis Incendies, adaptation convaincante du chef d’œuvre dramaturgique de Mouawad, le québécois Denis Villeneuve est scruté de près. Il a déployé pour ce premier succès une inventivité et une passion qui lui ont permis de convaincre les plus scrupuleux admirateurs du dramaturge derrière le Sang des Promesses.

Ensuite, il y a eu l’épique et bluffant Prisoner qui a accouché sur Enemy, et nous l’avions compris : Villeneuve s’enfonçait de plus en plus dans la science-fiction. Ces drames se nourrissaient de l’impossible, de l’extraordinaire pour articuler des contes philosophiques modernes et puissants.

Et enfin, nous y voilà au vrai film de science-fiction de genre par Villeneuve. Le film de la rencontre avec les extra-terrestres. Ces derniers avaient déjà fait une apparition dans le monde du cinéaste si vous avez porté votre attention sur les apparitions d’araignées géantes dans Enemy. Ils reviennent cette fois-ci dans un monde du Villeneuve-verse qui ne les attendait pas.

Un genre repensé

Déformant et réformant le genre pour l’ancrer dans une réalité dramatique crédible, Villeneuve parvient à donner dans la forme et l’image une profondeur et de la vraisemblance à ses hectapodes venus d’ailleurs. La lenteur de la découverte des extraterrestres ainsi que le très long plan qui mène les acteurs à leur rencontre est à ce titre aussi grandiose que bienvenu. Le charme pourrait alors agir davantage lorsque Villeneuve invoque la philologie et la linguistique pour troubler les règles du genre.

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Mais c’est alors qu’une héroïne plate et larmoyante apparaît. Une linguiste d’exception visiblement, que le FBI charge de traduire la langue venue d’ailleurs. Mais cette mission et ce suspense manquent de souffle. Loin de devenir un thriller linguistique, Premier Contact poursuit sur son chemin sans saveur. Le temps se distord et le scénario cherche par tous les moyens à s’étendre… mais on s’ennuie déjà.

Finalement, Villeneuve abrège sa réflexion philologique pour aller par delà toutes nos attentes. La solution est offerte sur un plateau misérable et déjà, le cinéaste passe dans les derniers moments du film, à un autre sujet.

Oubliez le langage, il s’agit désormais de parler du temps plutôt que de la linguistique — qui sont intimement liés, certes — mais il faudrait encore tenter d’évoquer par l’image cette connexion, faire du cinéma en somme. Ce que le réalisateur choisit de faire avec des ellipses improbables et mièvres — Oh, Amy Adams prendsune petite fille dans ses bras pendant qu’un lens flare sublime la scène pour la dixième fois depuis le début du film…

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Enfin, le Québécois n’évite pas de jeter sur son plat quelques pincées de géopolitique plutôt mal venues. Les Chinois et les Russes ne veulent pas partager leurs découvertes scientifiques et linguistiques et menacent ainsi l’unité du monde face aux extra-terrestres. Et évidemment, la solution est dans l’échange et le partage que refusent les Chinois avec véhémence (pourquoi eux ?). Ces tours de passe-passe géopolitiques sont dignes d’un mauvais épisode de Star Trek.

Lens flare, Brume, Violon

Le film se termine sur une fin tout à fait niaise, dans laquelle on se surprend à murmurer les répliques avant qu’elles ne soient dites. Villeneuve tente d’y rejouer l’éternel retour nietzschéen mais sans succès et avec trop de démonstration.

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Alors oui le propos est facile et démonstratif, c’est souvent le cas quand Villeneuve est à l’écriture, mais il parvient normalement à donner aux émotions du cinéma, du dégoût au malaise, une consistance qui nous prend aux tripes. Avec Premier Contact, il joue une carte trop intello pour lui et trop esthète pour le genre.

En fin de compte, la bande son plutôt réussie est utilisée jusqu’à qu’on n’en puisse plus (Oh non, encore un plan de coupe : panorama, brume, violons…) et la qualité exceptionnelle de la photo devient lassante. Car on sent bien que l’utilisation abusive de cette qualité photographique cache un certain vide.

Les bonnes idées du film finissent gâchées par des boursouflures scénaristiques, visuelles et intellectuelles. Premier Contact visait sûrement trop haut.

Le verdict

Les gens trop bavards finissent toujours par dévoiler les faiblesses de leur intelligence annoncée. Il en va de même des films trop démonstratifs : à force de tout montrer, les faiblesses deviennent inévitables. Voilà une bonne leçon pour un film ennuyeux et prétentieux.

Ailleurs dans la presse

  • Hollywood Reporter : « Juste ce dont nous avons besoin en ces temps de division — une parabole intelligente sur l’ouverture d’esprit et l’unification. »
  • Le Monde : « Ce n’est pas cette énième variation sur le thème de La Guerre des mondes que l’on retiendra de Premier contact, mais plutôt le regard hypnotisé d’Amy Adams. »
  • Le Point : « Premier contact, avec son petit ventre mou à mi-parcours et son traitement un poil trop janséniste/propret/hygiénique bio, nous tient à distance. »
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