L’actuel patron d’Universal Music France, Pascal Nègre, n’a jamais manifesté à l’égard du streaming la plus grande des tendresses. L’an dernier, le PDG de la major s’est même attaqué au principe de l’écoute gratuite, l’estimant trop généreuse. Il s’est ainsi prononcé pour un rationnement afin de forcer les internautes à acheter un accès payant, au motif qu’au bout de « 4 écoutes, c’est suffisant pour savoir si on veut acheter un titre« .
Sauf qu’à trop brider le streaming, c’est tout simplement l’achat de musique en ligne qui finit par se retrouver pénalisé. Car en effet, une équipe de chercheurs de l’université de Rennes et du laboratoire Marsouin a conclu, après avoir sondé 2000 personnes, que l’écoute de musique en streaming a un effet positif sur la vente de musique sur Internet… mais aussi sur la fréquentation des salles de concert.
Le streaming favorise les ventes
« Nos conclusions montrent qu’utiliser les plate-formes de streaming a un impact positif sur l’achat de musique en ligne et la fréquentation des concerts des artistes nationaux et internationaux » écrivent les trois chercheurs, qui se sont déjà illustrés pour deux d’entre eux en produisant des études à contre-courant, notamment celle de 2008 sur la consommation de DVD et celle de 2010 sur l’effet d’Hadopi sur le piratage.
Cela n’a rien d’étonnant. Des hébergeurs spécialisés dans la vidéo, comme YouTube et Dailymotion, ou des solutions musicales, comme Spotify ou Deezer, jouent en effet un rôle crucial dans l’exposition médiatique. Les artistes et les groupes peuvent ainsi faire découvrir leur musique, générer de la discussion (dans les commentaires) et accroître leur notoriété (lecteur exportable, bouton de partage sur les réseaux sociaux).
En résumé, le streaming est une vitrine promotionnelle identique à la télévision ou la radio. « Le streaming apparait ainsi comme un nouveau mode de prescription musicale pour l’achat de musique numérique sur le modèle de la radio et de la TV pour l’achat de musique physique », poursuit l’étude. Brider le streaming reviendrait à limiter la visibilité des groupes et, en fin de compte, freiner les ventes de musique.
Les CD pas concernés
Les chercheurs notent toutefois que l’effet du streaming ne touche que la vente de musique en ligne. L’achat des CD n’en profite pas. Est-ce une surprise, à l’heure où la musique n’est plus fixée sur un support ? Les usages exigent désormais qu’elle soit facilement transportable : sur les baladeurs, dans les smartphones, sur l’ordinateur. Et – il faut le dire – partageable, légalement ou non. La musique est nomade.
De plus, la musique numérique à une particularité : elle peut être consommée légalement de différentes façons. Sur les plates-formes légales, le client peut choisir d’acheter un titre, plusieurs morceaux ou même l’album entier. C’est un avantage considérable sur le CD, qui est vendu en un tout unique. Et qui occupe par ailleurs de la place.
Les concerts en profitent aussi
Les chercheurs ont également relevé le rôle du streaming au niveau des concerts. Cependant, c’est d’abord les artistes et groupes reconnus qui en profitent. Ces derniers profitent de leur visibilité acquise à travers différents média (la radio et la télévision). Les jeunes pousses qui n’ont pas encore fait leurs preuves ainsi que les genres « de niche », comme la musique classique, sont les grands perdants.
« L’effet positif du streaming uniquement sur les concerts des artistes » star » et non sur la musique classique et les artistes locaux confirme qu' » accès » et » visibilité » sont deux choses différentes et que la simple mise à disposition des contenus de niche sur ces plateformes ne suffit pas à changer« , explique l’étude des trois chercheurs.
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