On ne vous l’apprendra sûrement pas, l’industrie du jeu vidéo est une industrie florissante. Et le secteur qu’on réservait aux technophiles de tous bords se diversifie enfin, touchant d’autres personnes et d’autres métiers.
Pour tenter de mettre en lumière les multitudes d’opportunités qu’offre le jeu vidéo en matière d’épanouissement professionnel et créatif, nous avons avons décidé de rencontrer quelques têtes qui évoluent dans différents studios français. Nous commencerons notre série en nous attardant sur le processus de production d’un jeu vidéo, de l’élaboration du projet à sa mise en vente.
Trouver le bon point de départ : chef de projet et marketing
Bien souvent, chez les plus petites structures, le point de départ de la création d’un jeu commence par une idée. « On essaie de trouver un gameplay, puis de l’intégrer dans un environnement, décrit Benjamin Gimet, directeur d’Octoteck Studios, spécialisé dans le développement VR et mobile. On écrit ensuite des scénarios. Ces scénarios peuvent être en rapport avec l’histoire, mais aussi en rapport avec le gameplay. »
Mais très vite, et avant même de se lancer tête baissée dans la production propre de son titre, il devient nécessaire de planifier les premières caractéristiques de son jeu, et le public qu’il vise. « Mon rôle dans la production d’un jeu vidéo, en tant que directeur d’une start-up, est de cibler les joueurs potentiels, d’étudier le marché pour diagnostiquer l’impact commercial, préparer la campagne de communication autour du jeu vidéo et aider dans les développements. En fait, j’essaie d’être présent sur toute la chaine de production, de l’élaboration de l’idée, jusqu’à la mise sur le marché, en passant par la validation des graphismes, des fonctionnalités et du gameplay,» ajoute Benjamin.
Une idée largement partagée par Yannick Elahee, consultant en stratégie marketing. « Lorsqu’un nouveau studio va lancer un projet, je peux les accompagner sur les études de marché. Concrètement ça va être de l’analyse des chiffres de ventes de jeux déjà existants. Ça peut aussi être jauger de la notoriété de telle ou telle licence auprès du public, détaille-t-il. Globalement, l’idée n’est pas de diriger leur production mais de leur donner un avis plus orienté business et analyse de l’offre actuelle. »
La stratégie marketing s’attache aux études de marché et aux chiffres de vente
Chapeauter tous les métiers du design
Une fois les grandes lignes de son jeu mises en place, l’heure est à la conceptualisation. Benjamin Anseaume, Game Director chez Sushee Games (Goetia, Fear Effect), revient sur ses méthodes de travail.
« Généralement, quand on a une idée de projet et que l’équipe la valide, on commence par faire un doc avec deux parties : un pitch scénario, quelques détails sur les personnages, le début et la fin de l’histoire, et une intention de gameplay. On ne s’attarde pas sur cette dernière partie, le prototype sera plus parlant. Ensuite on cherche les financements et quand on les a, on commence la production. »
Univers, niveaux, personnages, potentiels ennemis, objets, histoire, musique… Tout reste à modeler, et il y a une spécialisation pour chacun de ces aspects. Tous les intervenants en matière de design sont chapeautés par le directeur artistique, à l’image de Mélanie Christin au studio Atelier 801 (Transformice). « Un directeur artistique seul ne produit quasiment plus, il se contente de superviser la chaîne de production graphique pour s’assurer que tout est dans le même style », précise-t-elle. « Tous les designers n’interviennent pas tous en même temps. Le game designer, celui qui détermine les règles du jeu, va intervenir très tôt. le character designer, qui modèle les personnages, plus tard. »
Elle poursuit : « Le directeur artistique va ensuite mobiliser en même temps le narrative designer et le game designer, et toute la chaîne de production va s’articuler autour de ces deux rôles, qui doivent eux-mêmes être en relation étroite. Toute une flopée de designers vont ensuite prendre le relais, que ce soit pour concevoir certaines parties du gameplay, l’économie, l’architecture du code, l’aspect visuel… »
Le management d’équipe et la programmation
C’est à peu près au même moment que les développeurs commencent leur travail. Va donc se mettre en place une très précise planification des tâches de chacun, orchestrée par le producteur du jeu. « Nous travaillons avec une méthode Agile, le SCRUM, détaille Benjamin Gimet, En gros, nos périodes de developpement sont découpées en semaines, avec un prototype jouable à réaliser pour la fin de la semaine. On découpe la semaine en tâches, qu’il faut réaliser dans un temps défini. Au début, la programmation peut se passer complètement de graphismes, mais plus on avance, et plus on va avoir besoin d’intégrer de la 3D ou de la 2D, donc il faut que les deux branches se développement en même temps. »
Toute l’équipe est ainsi gérée par un ou plusieurs producteurs. C’est le travail de Léonard Carpentier au sein du studio Ocelot Society ( Event[0]): « Globalement, je considère que le producteur d’un jeu a la responsabilité de le faire sortir dans les délais prévus et dans le respect du budget prévu. Chez Ocelot, cela signifie gérer l’équipe au quotidien, planifier les semaines de travail, et tout remettre en question régulièrement pour tenir compte des surprises (retards, systèmes qui ne fonctionnent pas, ou au contraire nouvelle piste à explorer). »
Il poursuit : « le producteur se charge aussi de ce que personne d’autre ne fait, et gère les petites taches ingrates qui permettent à la machinerie qu’est le reste de l’équipe de tourner sans friction. »
Et le joueur dans tout ça ?
L’un des plus grands enjeux de la production d’un jeu vidéo est de garder le cap sur sa cible : le joueur. Le titre est ainsi testé à maintes reprises pour contrôler son fonctionnement, les bugs, les mécaniques, la lecture et la compréhension du jeu. Benjamin Anseaume évoque son expérience pour Goetia et Fear Effect : « À deux ou trois mois de la sortie, et même avant si possible, on passe en phase de qualité. C’est-à-dire qu’on teste le jeu à fond et on corrige les bugs. Surtout, on améliore le jeu, en ajoutant telle ou telle fonctionnalité, en revoyant la difficulté, etc…»
La mise à disposition de versions alpha et bêta du jeu est un excellent moyen d’obtenir un aperçu de la qualité de son jeu. Dans de grandes structures comme Ubisoft, un pôle entier est consacré à l’expérience du joueur sur les titres produits, afin de favoriser celle-ci pour le plus grand nombre. Yann Bijou est User Researcher chez Ubisoft et décrit sa fonction ainsi : « Ce n’est pas toujours évident de développer un jeu et de se demander s’il va plaire aux joueurs (c’est avant tout pour eux qu’on fait ces jeux) ou si le développement va dans la bonne direction », introduit-il.
« On essaie d’aiguiller les équipes en leur apportant des réponses sur ce qui fonctionnent plus ou moins bien en restant dans le scope d’un joueur, ce qu’il peut ressentir, ce qu’il peut attendre, ce qu’il peut comprendre. Ça permet aux équipes de prendre du recul sur son produit et de l’améliorer tout en continuant le développement. Nous ne sommes pas là pour débugger le jeu ou trouver les glitchs, nous nous concentrons principalement sur l’expérience utilisateur. »
L’importance de la communication
Enfin, comme pour toute vente d’un bien commercial, ou pour simplement faire connaître sa création au plus grand nombre, la clé réside dans la manière de communiquer autour de son jeu. Si les grandes structures ont largement les moyens de s’offrir des campagnes publicitaires et une armada de communicants pour promouvoir leur jeu, il n’en est pas de même pas pour les studios plus modestes, qui manquent parfois même de méthodologie sur cette question.
Pour cela, Yannick Elahee a très vite appris à connaître les enjeux de la stratégie marketing. « Globalement, le jeu vidéo devient de plus en plus compétitif et rejoint la compétitivité des autres industries comme le cinéma ou la littérature. Dans ces domaines, le marketing devient indispensable. Ça ne veut pas dire forcément d’avoir un budget de fou, de la publicité, des relations ou quoi que ce soit d’autre. Ça veut dire être malin dans sa stratégie, se documenter et planifier ses actions. »
Il poursuit en prenant l’exemple de Lethis Path of Progress, un jeu de gestion qui prend place dans un univers steampunk, une identité visuelle très marquée. « Il y a relativement peu de jeux de gestion à la Pharaon ou Caesar qui sortent donc évidemment, ils font des ventes. Leur cadre était excellent et propice à la vente, en plus d’avoir un jeu bien accueilli. Bref, ils ont peut être eu de la chance, mais je pense qu’ils ont pris leur temps, fait un jeu qu’ils aimaient, et ciblé une bonne niche qui cherche des jeux à acheter. »
Voici, pour l’heure, un bref aperçu de l’incroyable hétérogénéité des métiers autour de l’industrie du jeu vidéo. De nombreuses professions sont encore à découvrir dans ce secteur encore émergent, notamment avec l’afflux constant de nouvelles technologies démocratisées auprès du grand public.
Si la vocation de devenir un acteur de l’industrie vous frappe de plein fouet, il est encore temps de partir à la découverte des nombreuses écoles de jeu vidéo en France !
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