La diffusion de musique en streaming s’est fortement développée ces dernières années. Considérée comme l’un des piliers de l’offre légale sur Internet, elle entraîne une rémunération assez limitée pour les artistes. Pour que ce procédé soit vraiment intéressant, le nombre d’écoutes doit se chiffrer en milliers voire en dizaines de milliers.

Avec l’avènement d’Internet, les sources et le niveau de rémunération des artistes ont profondément changé. Les musiciens ont aujourd’hui la possibilité de vendre leurs compositions à une audience beaucoup plus importante, grâce au rôle central joué par les plates-formes de téléchargement et les services d’écoute de musique en ligne dans le secteur de l’offre légale sur Internet.

Ces nouveaux procédés n’ont cependant pas mis fin aux autres façons de consommer de la musique. La diffusion d’un nouveau titre et la vente d’albums dans le commerce sont toujours essentiels pour de nombreux artistes, bien qu’un basculement est en train de s’opérer entre la musique vendue sur support et la musique dématérialisée.

Dans quelle mesure ce changement d’ère affecte-t-il la rémunération des artistes ? Si quelques plates-formes de téléchargement direct sont très populaires, à l’image de l’iTunes Store qui a écoulé plus de 10 milliards de titres depuis son lancement, les musiciens s’y retrouvent-ils ? Les sommes perçues dans le cadre de la musique diffusée en streaming sont-elles suffisantes ?

2 centimes par titre pour les artistes

Incontournable, la plate-forme d’Apple vend la plupart des chansons entre 0,69 et 1,29 euro. Ce n’est toutefois pas cette somme que touchera le musicien. En effet, la firme de Cupertino impose une commission de 30 % sur chaque achat. Ensuite, différents prélèvements surviennent sur le montant restant. Au final, seuls 2 centimes sur un titre vendu 99 centimes vont effectivement aux artistes.

Pour qu’un artiste touche 200 euros sur une chanson vendue 0,99 euro sur l’iTunes Store, il faut que celle-ci soit achetée 20 000 fois par les internautes. Une situation qui n’est pas neuve. Déjà en 2008, le président de la SACEM avait reconnu que les créateurs ne touchaient pratiquement rien sur une vente. Et la situation n’a guère évolué en quatre ans.

Interrogé par le Nouvel Observateur fin 2011, Bernard Miyet a livré les mêmes proportions de répartition. « Pour chaque titre vendu sur iTunes, la Sacem perçoit 7 centimes d’euros au total pour le ou les auteur(s), le ou les compositeur(s) et le ou les éditeur(s)« , a expliqué le président du directoire. Même chose pour les albums, même si l’iTunes Store vend davantage de singles.

« Comparons la rémunération par album. Pour un CD de 15 titres, la Sacem perçoit entre 90 centimes et 1,10 euros, soit 9% du prix hors taxes. Sur iTunes, la Sacem perçoit 70 centimes pour un album équivalent. Mais iTunes reste un service de téléchargement surtout utilisé pour des achats de single« , avait expliqué Claire Giraudin, responsable des études à la SACEM.

Toutefois, la SACEM ne s’occupe pas des interprètes. La société de gestion ne s’intéresse qu’aux auteurs, aux compositeurs et aux éditeurs. Les interprètes touchent de l’argent à travers le contrat passé avec le producteur. Mais même dans ce cas là, les sommes prévues sont loin d’être mirobolantes. Les montants évoqués sont donc très bas, entraînant par conséquent des gains réels très limités.

Le nombre d’écoutes, nerf de la guerre dans le streaming

Concernant le streaming, le calcul se base sur les écoutes. Plus un titre est diffusé, plus grande sera la somme perçue par l’artiste. Le site Digital Music News s’est interrogé sur le niveau de rémunération fixée par quatre grands services de streaming, à savoir Spotify, Zune, Napster et Rhapsody, en relatant l’expérience d’un label indépendant gérant 87 albums et 1280 titres.

Sur la période observée (second semestre 2011), il apparaît que les niveaux de rémunération sont très bas : 0,005 dollar par titre pour le premier, 0,028 dollar par morceau pour le deuxième, 0,016 dollar par chanson pour le troisième et 0,013 dollar par écoute pour le dernier. La rémunération la plus élevée se trouve sur Zune, mais c’est Spotify qui est le plus sollicité par le public.

Là encore, les sommes ne deviennent vraiment intéressantes qu’au moment où le titre est écouté plusieurs dizaines de milliers de mois. Selon les retours du label indépendant, il a fallu écouter plus de 15 000 titres sur Zune pour générer 437,58 dollars. Sur Spotify, près de 800 000 écoutes ont généré 4277,39 dollars. Sur six mois, le label indépendant a touché un peu plus de 5800 dollars à travers ces quatre services.

Comme le note The Trichordist, les sommes évoquées jusqu’à présent sont présentées brutes, c’est à dire avant les taxes et les coûts de distribution. Les gains que peuvent espérer les labels indépendants avec la diffusion en streaming sont donc particulièrement limités. Reste que la somme générée à chaque écoute ne semble pas fixe. Pour un groupe, le calcul est sensiblement différent.

Le Soir cite l’expérience du groupe indie-folk anglais Uniform Motion, le groupe touche 0,0041 dollars par chanson écoutée. C’est un montant très légèrement inférieur à celui rapporté par Digital Music News. Mais quoiqu’il en soit, il faut que le titre soit écouté des dizaines de milliers de fois pour que la somme devienne intéressante et permette aux artistes de vivre du streaming (si seul ce moyen de diffusion est choisi).

L’émergence des médias individualisés

Reste que ce calcul n’est pas si éloigné de celui établi pour la radio. La diffusion d’une chanson sur les ondes rapporte beaucoup, mais il ne faut pas oublier que le passage sur une radio nationale équivaut à plusieurs centaines de milliers d’écoutes individuelles. Si l’on prend le montant généré pour une seule diffusion, c’est effectivement très peu.

Il n’est donc pas vraiment étonnant de constater un prix très bas par écoute sur les plates-formes de streaming. C’est le fruit d’une formule assez complexe qui doit intégrer un prix de base et une participation sur les revenus publicitaires et les abonnements. Du coup, certains services rémunèrent mieux que d’autres. Reste aux artistes de faire ensuite leur promotion et accroître leur notoriété.

En réalité, le problème de fond est lié à un changement d’époque et de modèle économique et médiatique. Autrefois, peu de groupes accédaient à peu de médias, qui diffusaient pour beaucoup de public. Les professionnels étaient peu nombreux, mais très bien rémunérés.

Désormais, et plus encore à l’avenir, avec la consommation musicale à la demande beaucoup de groupes peuvent accéder à beaucoup de médias, avec peu de public pour chacun. Les aspirants professionnels sont toujours aussi nombreux, mais ceux qui arrivent à être très bien rémunérés sont plus rares.

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