Avec Nioh, en développement depuis des lustres, Team Ninja parvient à regarder From Software et ses Dark Souls dans les yeux. Une exclusivité de taille de plus pour la PS4.

Avec Demon’s Souls puis la trilogie Dark Souls et Bloodborne, From Software a donné naissance à un genre hardcore qu’il a transcendé. Un genre qui rappelait, en quelque sorte, l’époque où le plaisir vidéoludique se mêlait à la douleur de devoir recommencer pour voir le bout, refusant toute forme de casualisation pour mieux mettre les joueurs face à leurs responsabilités. Dark Souls III est l’apothéose de cette formule et la concurrence peut difficilement lutter. On a vu Deck13 se vautrer avec Lords of the Fallen et on entraperçoit peu d’espoir pour The Surge, du même studio.

Par pragmatisme et pessimisme, on prédisait un destin quasi similaire à Nioh, la proposition de Team Ninja dont le développement a été chaotique au possible (encore un projet maintes fois rebooté). À l’arrivée, et après plus de trente heures en sa compagnie, nous pouvons affirmer qu’il s’impose bel et bien comme un challenger de taille. Sans toutefois faire face aux maîtres.

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Dark Souls-like

Les souvenirs des Dark Souls — et de Bloodborne — sont comme des poignards qui ravivent les cicatrices : à la fois douloureux et témoins de blessures de guerres remportées, surtout face à soi-même. Nioh entend s’inscrire dans cette lignée et accoucher d’une expérience difficile, pas accessible pour un sou et décourageante pour ceux qui sont habitués à être pris par la main.

C’est pourquoi on retrouve beaucoup des jeux de From Software dans celui de Team Ninja : l’exigence des combats (aucun ennemi n’est à prendre à la légère), cet irrémédiable sentiment que tout le monde nous veut du mal (même si plus présent dans les Dark Souls), la gestion de l’expérience (à récupérer sur son cadavre en cas de mort), la gestion de la jauge d’endurance (le ki ici) et cette immense fierté qui s’empare de celui qui terrasse un boss lui ayant mis la misère parfois plusieurs dizaines de fois auparavant. Par A+B, Nioh est un Dark Souls-like, et personne ne le lui reprochera.

D’ailleurs, la structure même des environnements est la même, à ceci près que les feux de camp sont remplacés par des autels, plus en phase avec l’univers. On remarquera un level design tortueux s’appuyant sur des raccourcis et des pièges. Mais là où From Software concevait un seul et même décor, aussi inspiré que labyrinthique, Team Ninja se contente de la classique succession de niveaux assurant la diversité dans les environnements traversés, très souvent sombres et faisant visiter plusieurs régions du Japon.

Autant dire qu’il faut avancer avec attentisme, par peur du danger qui s’annonce, jusqu’au boss concluant chacune des missions — une bonne quinzaine en tout (sans compter les secondaires et les variantes Crépuscule, encore plus difficiles).

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L’héritage Ninja Gaiden

Nioh se distingue néanmoins par son gameplay plus nerveux, finalement plus proche de Bloodborne. En réalité, il est l’héritier de Ninja Gaiden, un beat them all exigeant lors de sa sortie et qui réclamait un sens du timing et du contre en plus d’un bon dosage entre l’attaque et la défense. William, le samouraï que vous incarnez, est bel et bien le fils spirituel de Ryu Hayabusa, charismatique ninja de la franchise Dead or Alive. Et il vaut mieux qu’il soit doué vu l’agressivité du bestiaire, composé de démons et d’humains.

Le gameplay repose aussi sur un système de garde, autorisant différents coups et combos. Ces derniers peuvent être développés et personnalisés avec d’indispensables points de compétence à distribuer sur les armes composant l’arsenal. Une progression qui accompagne celle basée sur l’expérience, appelée l’Amrita, sans oublier d’autres aptitudes passives à débloquer au gré des prouesses.

Le dynamisme des combats est, en outre, assuré par la possibilité de récupérer immédiatement une partie de son ki dépensé pour frapper ses adversaires. D’une simple pression sur R1 au bon moment, William a l’opportunité de continuer ses enchaînements pour occire plus vite celui qui se dresse devant lui. L’approche peut paraître bourrine, loin d’être en adéquation avec l’attentisme normalement requis pour apprendre les patterns et agir au bon moment. C’est vrai. Mais c’est davantage une option à conserver pour les rares phases où l’on se sent en confiance. Confiance qui pourra s’évaporer aussi vite qu’elle est arrivée… Quoiqu’il advienne, il vaudra donc mieux être prudent.

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La touche Diablo

En parfait RPG, Nioh n’oublie pas la folie du loot, n’hésitant pas à copier Diablo sur ce point. En somme, c’est l’équipement, plus que le niveau qui régit la puissance et la résistance de William et, durant son aventure, le héros n’a de cesse de ramasser des armes, des armures et des accessoires ayant la bonne idée de ne jamais se briser (un souci de moins). Cela conduit à des allers-retours incessants dans l’inventaire pour voir ce qui est le mieux, sachant qu’il est autorisé de porter deux armes pour le corps-à-corps et autant pour blesser, voire tuer, des ennemis à distance. Le loot peut bien évidemment être vendu, troqué contre de l’Amrita par un système d’offrande (excellente idée) ou être modifié/amélioré/transformé chez le forgeron.

On pourra parcourir Nioh avec quelqu’un si le besoin s’en fait sentir, quand, par exemple, on éprouve des difficultés dans une quête. Il suffit d’appeler un visiteur via l’autel pour voir apparaître un personnage contrôlé par un autre joueur apparaître (pas de PNJ comme dans Dark Souls, sauf à certains moments clefs). Nonobstant quelques restrictions et une jauge d’assistance limitée, Il est également possible de refaire chacune des missions avec un ami ou un inconnu.

Plus que jamais, Nioh apparaît comme une œuvre hyper généreuse

À l’instar du jeu, l’interface est un peu bordélique mais, une fois la connexion établie, il n’y a aucun couac à signaler. Vu la propension de Nioh à reposer sur des rixes à un contre un, la coopération apparaît peu recommandée, sinon amusante cinq minutes. Pour terminer sur le point des fonctionnalités en ligne, on notera la présence d’une guerre des clans en coulisse. Elle permet tout bêtement de récupérer une monnaie spéciale à dépenser dans des récompenses.

Plus que jamais, Nioh apparaît comme une œuvre hyper généreuse. Mais dans sa gourmandise, Team Ninja est de temps à autre maladroit, dans le sillage de certains boss déséquilibrés et d’une forme de difficulté gratuite sur les dernières heures. Loin d’être avare, le titre mettra les joueurs en colère et ces derniers auront envie de se venger. Par refus de la paresse et en faisant montre de l’orgueil nécessaire pour se surpasser afin de réussir.

Tout le monde n’a pas ce luxe : une vraie force pour Nioh.

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Un bain japonais

Visuellement parlant, l’exclusivité PlayStation 4 paie son ardue gestation : des graphismes ternes et sans éclat, malgré une direction artistique inspirée et une modélisation du casting haute en couleurs d’excellente facture. Sur la déclinaison Pro de la console de Sony, on a le choix entre une résolution fixe, qui affine un peu le rendu mais n’efface pas tout l’aliasing, un framerate atteignant les 60 fps (avec résolution variant entre 720p et 1080p), ou un compromis entre les deux, avec un framerate locké à 30 fps.

Sur la PS4 classique, on peut opter pour le mode action (720-900p/60 fps) ou cinéma (1080p/framerate aux alentours des 30 fps). Soyons francs, Nioh est plutôt solide et, même en paramétrant sur la résolution la plus élevée sacrifiant le framerate, nous n’avons rencontré aucun problème technique rédhibitoire. Un excellent point, essentiel qui plus est pour un jeu aussi exigeant.

On terminera par évoquer la belle narration de ce Nioh, beaucoup moins lunaire que les Dark Souls. Tout est expliqué par des cinématiques portant la marque de fabrique de Team Ninja. Nourri par l’authenticité induite de la présence de faits et figures historiques (ère Sengoku), nimbé dans le folklore fantaisiste des légendes nippones, le scénario implique tout au long de la grosse trentaine d’heures requises pour voir défiler le générique de fin. Cela ne manquera pas d’assurer un certain charme à Nioh, véritable porte-étendard d’un jeu vidéo japonais refusant le hara-kiri au devant de son rival occidental. En prime, il se permet de regarder ses concurrents ayant atteint des sommets dans les yeux. Tel un vrai petit démon.

Nioh est disponible sur PS4 à partir de 59 €.

Le verdict

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10/10

Nioh

Baignant dans une atmosphère nippone féodale enivrante, animé par un gameplay exigeant et complet, juste alternative aux RPG hardcore de From Software, Nioh parvient à se faire une place dans une catégorie d'expériences laissant zéro place à l'échec et aux tentatives malavisées. Un peu à l'image du joueur dans l'obligation de se surpasser pour voir le générique final. 

Nioh souffre finalement du léger manque de maîtrise de Team Ninja, autant par sa gourmandise face à la richesse qu'il propose que par son difficile apprentissage du genre. Au passage, il se rappelle au bon souvenir de l'époque Ninja Gaiden, les souvenirs douloureux de ce dernier amenés à être remplacés par ceux de l'exclusivité PlayStation 4. 

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