Après un démarrage catastrophique il a plus de 6 ans, Final Fantasy XIV est devenu au fil des années un MMORPG des plus populaires, cumulant plus de 6 millions de joueurs à travers le monde. À l’occasion du Final Fantasy Fanfest de Francfort, retour sur l’histoire de ce titre.

On ne présente plus la saga Final Fantasy : son quinzième volet, sorti en décembre dernier, a su défrayer la chronique comme il se doit avec des reports en série et une expérience de jeu pas toujours heureuse. Le précédent volet solo de la franchise n’était autre que FFXIII, sorti en mars 2010 en Europe.

Mais cette année-là, un autre jeu numéroté de la saga a également débarqué : Final Fantasy XIV. Bien qu’inscrit dans la continuité numérique de la franchise de Square Enix, ce dernier s’avère tout de même être à part, et pour cause : il s’agit d’un MMORPG. Le second du studio après Final Fantasy XI, sorti quant à lui en 2002 au Japon et aux États-Unis, puis en Europe en 2004. Cette fois, le studio espère bien faire traverser d’autres frontières à FF14, notamment celles de l’Europe. Le problème, c’est que ses plans vont être un peu contrecarrés par un imprévu de taille…

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Une release catastrophique

Lors de sa sortie en 2010, Final Fantasy XIV est juste une catastrophe. Bugs en série, problèmes de connexion, absence totale d’optimisations, système de jeu chaotique et vide intersidéral de contenu : le jeu n’est tout simplement pas terminé lorsque les joueurs s’y connectent pour la première fois, fin septembre 2010. Un constat qui confirme les doutes levés par les bêta-testeurs, quelques semaines seulement après le lancement officiel.

Ce qui aurait déjà provoqué un tollé pour un jeu solo se décuple forcément dans le contexte d’un MMO à abonnement. À l’époque, il ne faut que quelques semaines — déjà trop ? — pour que Square Enix mette les pieds dans le plat : dans une lettre adressée aux joueurs en décembre de la même année, Y?ichi Wada, le patron du studio à l’époque, faisait de plates excuses : « À la suite de nombreuses concertations sur la meilleure façon d’apporter des améliorations fondamentales au jeu, il a été décidé qu’un changement de direction et une restructuration de l’équipe étaient essentiels. »

Lors de sa sortie en 2010, Final Fantasy XIV est juste une catastrophe

Le big boss ne fait alors pas de sentiment et nomme Naoki Yoshida à la tête de la production de la refonte du jeu. Dans un long message mêlant excuses et auto-flagellation, Hiromichi Tanaka, le précédent producteur, s’explique : « J’assume l’entière responsabilité des défauts du jeu dans son état actuel, et j’ai décidé par conséquent de quitter mon poste de producteur. »

À cette échelle, c’est du jamais vu pour un MMORPG : tout est à revoir, quasiment de A à Z. En 2010, beaucoup condamnent déjà Final Fantasy XIV, et le qualifient de jeu mort-né : difficile d’imaginer qu’après un démarrage aussi raté, le jeu pourrait renaître de ses cendres sans devenir un gouffre financier, tout en regagnant la confiance des joueurs ayant acquis le titre à sa sortie. Et pourtant…

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Un travail laborieux

Final Fantasy XIV restera finalement en accès gratuit de longs mois, Wada ayant déclaré que le titre ne serait pas payant tant que le contenu ne serait pas satisfaisant. La tâche qui attend Naoki Yoshida et son équipe n’est pas facile : puisque le jeu reste en ligne, il faut patcher le contenu existant. Le problème, c’est que rien ne semble aller, et que repartir de zéro aurait été bien plus simple : les retards s’accumulent, et le travail est laborieux.

Au bout d’un an d’effort, Final Fantasy XIV commence à ressembler à quelque chose. A l’automne 2011, l’équipe sort la tête de l’eau, et recommence à communiquer auprès des joueurs autrement qu’à travers des notes de patch. Et paradoxalement, alors que le titre semble à flot, Naoki Yoshida dévoile un plan détaillé de la suite : il ne s’agit alors plus de coller des rustines sur un jeu qui avait bien mal démarré, mais de tout refaire pour lui assurer un avenir sur de bonnes bases.

Le développeur annonce notamment une refonte graphique via un nouveau moteur, avec un gros travail d’optimisation pour permettre au jeu de mieux tourner sur les machines modestes de l’équipe, une restructuration de l’interface, une gestion revue des serveurs, un gameplay remanié, un nouveau scénario… en somme, de Final Fantasy XIV, il ne resterait finalement que l’univers et certaines mécaniques de jeu. Ce nouvel opus est par ailleurs doté d’un titre très méta : Final Fantasy XIV: A Realm Reborn. La renaissance d’un royaume, du point de vue de l’histoire, mais également du jeu lui-même : car pour que cette version 2.0 du MMO puisse naître, la version 1.0 doit mourir.

C’est ainsi que, le 11 novembre 2012, les serveurs de Final Fantasy XIV se ferment après une mise en scène spectaculaire, dans laquelle un affrontement contre la chimère Bahamut laissera le royaume d’Eorzea dans un sale état… mais pas pour toujours.

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Queue de Phénix

Le 27 août 2013, Final Fantasy XIV: A Realm Reborn sort sur PC et PS3. Forcément attendu au tournant, le jeu reçoit un accueil très positif, aussi bien pour son esthétique que pour son interface et la progression proposée aux joueurs. 2 ans et demi après une totale débâcle, le titre renaît de ses cendres.

D’août 2013 à juin 2015, Square Enix se contentera de multiplier des patchs à des rythmes réguliers pour corriger le jeu, mais également rajouter beaucoup de contenu au fil du temps. Ce n’est qu’en été 2015 que le studio se décide à sortir Heavensward, la première extension payante de Final Fantasy XIV. Une démarche assurément associée au fait que le titre a su, au moment de sa renaissance, attirer de nouveaux joueurs, et surtout les fidéliser.

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Car dans sa longue (et douloureuse) démarche, Square Enix n’a pas perdu de vue ses ambitions : concurrencer les MMORPG occidentaux, dont le confortablement installé World of Warcraft. En 2010, ce dernier comptait encore 12 millions de joueurs au moment de la sortie de l’extension Cataclysm. Mais comme rien ne s’était déroulé comme prévu pour le studio nippon, le jeu de Blizzard n’avait alors pas grand-chose à craindre.

Néanmoins, en 2013, WoW avait bien entamé son déclin, en passant sous la barre des 8 millions d’abonnés payants. Et malgré la sortie, entre temps, de Star Wars : The Old Republic, Square Enix avait assurément une place à prendre.

Pour fidéliser sa base de fans tout en créant l’événement autour de son jeu, le studio nippon a lancé, en 2014, un fan festival se tenant à différents endroits du globe, au Japon, aux États-Unis et en Europe.

Des serveurs au monde réel

Après des éditions s’étant tenues à Las Vegas et à Tokyo en 2016, c’est à Francfort que la tournée 2016-17 du Final Fantasy XIV FanFest s’est achevée le week-end des 18 et 19 février 2017. C’est la seconde tournée du type : en 2014, Square Enix avait posé ses valises à Londres, pour accueillir les fans européens.

À Francfort, les fans étaient à l’honneur : si la presse était la bienvenue, elle avait très peu de privilèges : pas d’interviews ou de places réservées durant les panels. « La priorité va aux fans », résume le studio, qui a tout de même accepté, pour la première fois, de proposer une conférence d’une heure aux médias, avec Naoki Yoshida. C’est d’ailleurs ce dernier qui mène largement la danse durant le fanfest : le producteur est de toutes les activités, tous les panels, y compris le concours de cosplay. Durant la première journée de la convention, on a pu le voir déambuler dans un costume de samouraï, qui n’est autre que la nouvelle classe annoncée durant la keynote d’ouverture.

Si Naoki Yoshida s’investit autant dans ces fanfests, c’est parce qu’il a conscience que, sans ses joueurs aussi dévoués, Final Fantasy XIV ne vaudrait pas grand -chose : « Il est important pour nous de proposer ce genre d’événements à nos fans, qui apportent un énorme soutien à nos équipes de développements, font des retours et réagissent aux annonces. C’est un vrai moteur pour nous, ça nous motive à continuer et à aller plus loin. »

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Car les fanfest ne sont pas uniquement des lieux de rencontres entre joueurs : il s’agit du canal privilégié d’annonces autour du jeu. Square Enix n’est pas particulièrement friand de grosses conférences de presse, y compris dans un salon comme l’E3. Les Final Fantasy XIV Fanfest sont l’occasion de découvrir les grandes nouveautés du MMORPG, et les médias sont exactement au même niveau que les joueurs : c’est durant une keynote d’ouverture que Naoki Yoshida a dévoilé la seconde nouvelle classe du jeu, le Samouraï, qui arrivera en même temps que le Mage Rouge dans la prochaine extension, nommée Stormblood. De nombreuses autres annonces ont également été faites durant 1h30, provoquant souvent de vives réactions chez les fans. Trois fanfests, trois listes d’annonces différentes : l’occasion pour Square Enix de distiller les informations dans le temps, tout en attisant la curiosité et l’attente chez les fans, puisque Stormblood ne sortira pas avant le 20 juin prochain.

Et quand on demande à Yoshida quelle sera la suite pour ses équipes, maintenant que le plus gros de Stormblood a été dévoilé, le producteur laisse le développement de côté et en revient aux fanfests. Samedi soir, il expliquait : « Il reste encore la journée du dimanche. Ensuite, on fera le bilan, et on espère bien que le studio nous donnera le feu vert pour organiser d’autres fanfests à l’avenir. » La présence à Francfort de l’actuel patron de Square Enix, Yusoke Matsuda, n’était pas due au hasard : il y a la volonté de l’équipe de développement de démontrer que ces évènements ont un réel intérêt pour la pérennité du jeu.

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Un dévouement qui passe par le porte-monnaie

Si la principale salle dans laquelle se tient l’événement en imposait, avec de nombreuses places assises, une armure Magitech taille réelle et des dizaines de PC alignés, de l’extérieur, impossible de savoir que le Festhalle de Francfort accueillait une rencontre de plusieurs milliers de fans de Final Fantasy XIV : dehors comme dedans, aucun panneau, aucune banderole, aucune affiche grandiloquente. Le fait que tous les billets aient été vendus avant l’événement est peut-être la raison pour laquelle l’éditeur n’a pas cherché à attirer davantage l’attention.

«Il y a beaucoup plus de monde qu’à Londres, et les cosplays sont également plus nombreux et plus réussis », estime Nicolas, 28 ans, qui s’était déjà rendu au fanfest européen en 2014. Avec trois amis, joueurs également, ils ont fait le déplacement de Lille à Francfort en voiture, pour profiter du festival. Ils jouent ensemble depuis des durées variables, sur un serveur américain. Le groupe se connaît depuis plus de 10 ans et a fréquenté de nombreux MMORPG, mais Final Fantasy XIV est, pour eux, un titre fort. «Il y a un vrai scénario dans le jeu, les décors, la musique, tout est plus travaillé » explique de son côté Céline, 28 ans, qui était venue cosplayée pour l’occasion.

Être un fan dévoué, ça coûte cher

Il n’empêche : être un fan dévoué, ça coûte cher. Chaque participant a déboursé 140 euros pour faire l’acquisition d’un pass week-end. « On a un peu râlé sur le prix du billet, et l’obligation de prendre un pass week-end, avoue Nicolas. Mais on est Français, alors on râle toujours ! » ajoute-il, amusé. Pour son ami Gregory, « le prix motive aussi à bien en profiter ». Mais à l’entrée s’ajoutent également le voyage et l’hébergement. Le quatuor lillois avait opté pour une venue en voiture et trois nuits en Airbnb.

Pour Lila, 26 ans et habitant Cologne, venir était une évidence : «Je joue à FFXIV depuis la sortie de A Realm Reborn, en 2014. Je joue avec beaucoup de joueurs sur mon serveur européen, et j’en ai rencontré certains pour la première fois ce week-end. » Elle est venue seule, mais passe le week-end avec sa guilde : le groupe d’une dizaine de personnes âgées de 22 à 35 ans partage plusieurs chambres dans le même hôtel. « On retrouve l’ambiance du jeu, mais dans la vraie vie.» Franck, l’un de ses compagnons, acquiesce : « On vient davantage pour se voir que pour le jeu lui-même, qu’on connaît quasiment par cœur » explique cet ingénieur allemand de 32 ans, dans un anglais impeccable.

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Les fanfests sont effectivement le rendez-vous des guildes et autres groupes. Dans les allées du salon, les tee-shirts aux logos similaires se multiplient. Les badges fournis aux visiteurs permettent d’afficher son pseudo et son serveur, pour essayer de s’y retrouver. « Tu joues sur quel serveur ? », me demande-t-on au détour d’une conversation. « Moi ? Je suis sur Moogle. » «Ah ! C’est typiquement un serveur de français, ça », me répond-on d’un ton un peu taquin.

Une opération marketing réussie

L’ambiance est bon enfant, et malgré un tarif d’entrée élevé, les retours sont positifs. « On économise pour ça, c’est un peu nos vacances », me résument Lila et sa bande de potes plus vraiment virtuels. Du côté du groupe de Nicolas, le samedi en début d’après-midi, personne ne savait s’il allait craquer pour un ou deux goodies vendus dans l’unique boutique du salon. « On verra si on a un coup de coeur » résume Céline. Heureusement, ceux qui ne veulent rien acheter repartent de toutes façons avec un sac collector contenant quelques goodies offerts, comme un carnet, une balle anti-stress et des stylos.

Dans l’immense salle dans laquelle tout se passe, tout est centré autour de la grande scène et des mini-jeux proposés aux visiteurs. Pour autant, le studio nippon ne laisse pas de côté la dimension commerciale de l’événement : la boutique officielle affichait rapidement des ruptures de stocks pour certains produits — les moins chers, comme les pin’s, étaient les premiers indisponibles — et les conférences rappelaient fréquemment la date de sortie de Stormblood, et l’ouverture des précommandes.

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Car les fanfests ont, forcément, une dimension marketing : l’idée est non seulement d’attiser l’engouement autour du jeu en rassemblant les fans les plus assidus au même endroit, mais également de donner envie aux autres de faire partie de cette communauté. En proposant un nombre limité de billets, Square Enix permet de donner le sentiment aux fans présents qu’ils font partie des privilégiés, mais également de conserver suffisamment de proximité avec la communauté pour que la dimension marketing ne choque pas. «Square Enix est à l’écoute des fans, estime Nicolas. On sent une proximité. À Londres, Naoki Yoshida était venu voir les fans : on avait remarqué un attroupement, et il était au milieu ! »

Être proche du public, une démarche marketing supplémentaire ? On a quand même envie de croire à la sincérité de l’équipe de FFXIV, particulièrement investie dans l’évolution de son jeu et dans l’approbation de sa communauté. Une preuve supplémentaire ? Le MMORPG détient le record du monde du générique de crédits le plus long de l’histoire du jeu vidéo : 1h38 de noms défilent à l’écran, dont une énorme partie consacrée aux pseudonymes des joueurs Legacy, à savoir ceux qui ont joué tout le long de l’existence de la première version de FFXIV. Tout un symbole.

Un espoir pour les MMORPG payants ?

D’une catastrophe industrielle à sa sortie, Final Fantasy XIV est donc devenu un véritable exemple de réussite. Toujours basé sur le modèle du jeu payant sur abonnement mensuel — à partir de 11 euros — le jeu bénéficie d’une communauté solide, dont une partie n’hésite pas à faire le déplacement durant les festivals. De fait, passer à un modèle économique différent, comme le free-to-play, n’est absolument pas d’actualité, quand bien même cela attirerait plus de joueurs.

Et même si Naoki Yoshida botte en touche quand on lui demande ses projets pour la suite, il est évident que le producteur et réalisateur n’en a pas terminé, loin de là. Avec la fin annoncée du support de la version PS3 de FFXIV ainsi que de la limitation assumée de la version PC sur des OS 32 bits, les développeurs comptent bien pousser les murs de leur monde virtuel, pour aller plus loin. Et programmer d’autres fanfests, pour que les joueurs soient toujours au rendez-vous, aussi bien en ligne que dans la vraie vie.

Car ce n’est pas le tout de soigner son jeu, encore faut-il, dans un secteur aussi compétitif que le MMORPG, savoir préserver jalousement sa communauté.

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