Le lancement d’une nouvelle console est toujours un moment excitant. La boîte qui s’ouvre délicatement, l’allumage, le lancement du premier jeu : autant d’étapes qui font chaud au cœur, surtout quand le logo Nintendo figure sur la console.
Non pas que le constructeur nippon dispose d’une immunité par rapport à son illustre longévité mais, simplement parce qu’à l’inverse de Sony et de Microsoft, il peut se targuer d’aller à contre-courant. De lâcher la course à la puissance pour proposer autre chose. Un positionnement qui lui a valu des échecs, dont celui, cuisant, de la Wii U, dernier en date, et qui fait peser de lourdes attentes sur la Switch, une machine hybride.
La console portable ultime
Le choix dans l’ordre des mots n’est pas toujours primordial mais dans le cas de la Nintendo Switch, il devient fondamental. S’agit-il d’une console de salon portable ou d’une console portable de salon ? Dans la pratique, les deux formulations reviennent au même. D’un point de vue marketing, ce n’est pas tout à fait la même chose. La firme au plombier a choisi son marché — celui de la PS4 et de la Xbox One, l’autre étant dominé par la 3DS.
Pourtant, nous pouvons affirmer que la Switch se prédestine davantage à un statut de console portable ultime : soit le fantasme d’avoir une expérience salon sur un écran 720p de qualité, avec modularité en prime. Le savoir-faire Nintendo en matière de concept portable d’excellente facture est bien là.
Un design efficace et bien pensé
Là où la Wii U n’avait pas su convaincre sur son aspect physique, semblable à celui d’un jouet Playskool, la Switch, elle, a réussi son design. Du moins dans sa partie tablette qui, certes, ne viendra jamais se loger dans une poche mais que l’on n’hésitera pas à sortir fièrement de son sac à l’extérieur.
Le choix des matériaux, surtout celui des Joy-Con, est judicieux car il offre un confort certain et une finition a priori faite pour durer dans le temps (surface mate), exception faite de la béquille servant à tenir la console debout sur une table. Elle demandera de la délicatesse pour s’assurer une longévité et tranche avec la conception habituellement solide : les Joy-Con s’attachent et se détachent sans craindre le pire.
On n’en dira pas autant du dock permettant une connexion au téléviseur : le plastique choisi est cheap et ne fait pas rêver. Il fait aussi le strict minimum en matière de connectiques : trois ports USB, une sortie HDMI et une prise USB-C pour l’alimentation. Pas d’Ethernet sans adaptateur, pas d’optique pour séparer les flux audio et vidéo.
L’ergonomie, software comme hardware, est le propre d’une console réussie. En nomade, la Nintendo Switch, qui fera penser à une grosse PSVita, tient très bien dans les mains malgré une tendance à la chauffe rapide. Malgré sa finesse et ses petits boutons, la prise en main est confortable même si les grosses mains deviendront sans doute plus ankylosées que les autres. On peut en revanche regretter le placement de certaines touches des Joy-Con ou l’alignement entre le stick gauche et les boutons, qui n’épousent pas le mouvement naturel du pouce.
Ceci étant, la force de la Switch se situe dans sa propension à offrir trois choix : en nomade, donc, mais aussi en semi-nomade grâce à la béquille (solution d’appoint pour du jeu à deux avec un Joy-Con chacun) ou en 100 % salon via le dock fourni. Ce qui amène à repenser son rapport à la passion : plus besoin de ruminer toute la journée avant de retrouver le plaisir de sa manette puisque votre console sera toujours avec vous.
Une interface fluide mais encore minimaliste
L’ergonomie software est en totale adéquation avec le reste. En optant pour une architecture Nvidia installée dans les tablettes SHIELD, la Switch bénéficie des arguments d’une ardoise, ce qui en fait une tablette de jeu plus qu’une console de jeu. Comprenez par-là qu’une Switch s’utilise comme un iPad : elle ne s’éteint jamais vraiment (même s’il est possible de le faire), ce qui permet un accès instantané à son application en cours et une interface fluide qui, on l’espère, ne sera pas alourdie par les futures mises à jour firmware.
Rapide et clair, le menu transpire la simplicité, le plaisir immédiat et la navigation confortable, sans temps de chargement. Tout l’inverse des mauvais souvenirs de la Wii U. Il faut dire que Nintendo s’est simplifié la vie en se concentrant sur le jeu. Dans un premier temps, on ne pourra pas naviguer avec sa console sur internet ou regarder une série Netflix. Mais peut-on vraiment en tenir rigueur au constructeur ? En effet, vous avez déjà probablement l’application Netflix installée sur votre smartphone, votre téléviseur ou tout autre appareil de la vie courante compatible.
Qui dit interface simple sous-entend fonctionnalités réduites à leur plus simple expression. C’est bien le cas ici : les équipes de Nintendo ont encore une dose importante de travail à accomplir pour proposer une interface riche en contenu et possibilités. On pense notamment à la Console virtuelle pour agrémenter le catalogue avec des oldies, à la possibilité de connecter une oreillette Bluetooth (merci le port Jack, qui n’est pas mort malgré ce qu’en pense Apple) sachant que cette connectivité est pour l’instant limitée aux manettes, ou encore à des outils de personnalisation plus poussés qu’un changement de couleur entre noir et blanc.
Autant de points qui pourront être améliorés et/ou ajoutés au fil de temps. Ce qui ne sera pas le cas de l’autonomie, limitée à 3 heures avec un titre gourmand comme The Legend of Zelda : Breath of the Wild pour une charge complète d’une durée égale et des options d’alimentation succinctes (l’équivalent d’un mode avion).
Le manque de générosité de Nintendo, d’abord matérialisé par les 32 Go seulement embarqués, implique l’achat d’un câble de recharge supplémentaire lors des voyages, un seul étant fourni dans la boîte. On attend aussi de savoir comment seront gérés les achats liés à son compte, un flou qui demeure encore. Même chez Nintendo.
De la tablette au téléviseur, le choc visuel
Maintenant, si les éloges pleuvent dès que la Switch se trouve entre nos mains, en position mobile, que dire quand elle vient se loger dans sa station d’accueil ? Force est de reconnaître que ce n’est plus tout à fait le même confort d’utilisation. On prendra The Legend of Zelda : Breath of the Wild comme exemple sur le banc des accusés.
Sur l’écran de la tablette, l’aventure de Link bluffe visuellement, compte tenu du format. Sur un téléviseur d’une résolution supérieure (jusqu’à 4K, rappelons-le), les défauts ressortent beaucoup plus. Un constat qui dépendra bien évidemment du jeu mais qui tend à confiner la Switch dans un rôle de console de salon d’appoint.
On espère que Nintendo pensera à développer un dock d’obédience Pro avec une puce capable d’upscaler et d’améliorer l’affichage. Dans le même ordre d’idée, on ne peut que conseiller l’achat d’un Pro Controller, le Joy-Con Grip révélant vite ses limites en termes de confort (personne ne veut d’une manette carrée pour de longues sessions).
Pour Nintendo, le hardware rime toujours avec révolution et nouvelle formule. Le constructeur japonais cherche constamment de nouvelles façons de jouer et le prouve aussi avec les différentes manières d’utiliser la Switch. Mais une console réussie dans les grandes lignes ne garantit en rien son succès.
La pression pèse lourd sur les épaules de Link
Pour parvenir à ses fins, une console digne de ce nom doit se doter d’un catalogue en adéquation. Dans son concept et le message qu’elle désirait délivrer, la Wii U s’était plantée sur toute la ligne. Il y avait néanmoins des pépites dans son line-up même si, pour trouver de l’or dans une mine sombre, il est nécessaire de creuser.
C’est également le cas pour le lancement de la Switch et son achat sera surtout conditionné par l’affect à la licence Zelda. Mais si personne ne l’achète, les éditeurs tiers ne suivront pas. En clair, comme la balle est dans le camp de tout le monde, elle n’est finalement dans celui de personne : les joueurs doivent acheter, les éditeurs doivent produire des jeux et Nintendo doit continuer à séduire.
C’est le gros pari de la Nintendo Switch que de devenir très vite plus que la meilleure amie des indés. Elle a les armes pour le remporter mais la guerre se décide sur des batailles parfois gagnées indirectement. En se positionnant efficacement et de manière convaincante, elle a déjà fait un premier pas. Mais la route sera longue.
Le verdict
Nintendo Switch
On a aimé
- Un concept qui fonctionne
- Un choix de support libre et grisant
- Un joli produit agréable à prendre en main
On a moins aimé
- Line-up de lancement rachitique
- L'autonomie
- L'expérience salon en deçà
Après une Wii U décevante sur tous les points, en termes de hardware et concept purs, Nintendo rectifie le tir avec une Switch qui matérialise ses promesses en une réalité de toutes les possibles. Surtout celui d'une liberté pleine quant à la manière de jouer et de faire jouer. L'ergonomie et la finition, jusqu'alors parents pauvres, sont là pour parachever un tableau quasi-parfait en mode portable car tout juste terni par une autonomie en retrait.
Toutefois, et comme les inquiétudes le laissaient présager, la donne est sensiblement différente quand la Switch est reliée à un téléviseur, qui révèle ses faiblesses techniques (avec un jeu gourmand). On a donc vite fait notre choix : c'est une console portable de salon. Et pas l'inverse, contrairement à ce que tente de nous faire croire Nintendo depuis le début.
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