Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur le robocopyright de Facebook, un immeuble rectangulaire et une sombre histoire de brevet sur la bière. On parle aussi de Marilyn Monroe et du chanteur Ed Sheeran. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Ange gardien. Le robocopyright fait déjà des ravages sur YouTube, le voilà qui débarque à présent sur Facebook : le réseau social a déployé un système de filtrage automatique pour supprimer les infractions au droit d’auteur. Une musicienne en a fait les frais récemment : elle s’est vue supprimer sa page Facebook simplement pour avoir posté une vidéo de 15 secondes dans laquelle elle reprend la chanson Castle On The Hill d’Ed Sheeran. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais Ed Sheeran en personne a décidé d’intervenir pour voler au secours de sa fan. Il lui a écrit sur Facebook pour lui dire qu’il allait faire pression sur son producteur, la Warner, pour lui demander de retirer la sanction automatique et rétablir la chaîne. Un beau geste, mais toutes les personnes qui subissent les abus du robocopyright n’ont hélas pas la chance de pouvoir bénéficier de la protection d’un tel ange gardien…

Expropriation. Les extrémistes du droit d’auteur nous laissent à penser qu’il s’agit en fait du droit d’attaquer en justice. Cette semaine un verdict a été rendu par une juge opposant les dessinateurs de la marque basque de vêtements Kukuxumusu et le nouveau propriétaire de cette dernière. Mikel Urmeneta et ses copains s’occupent des illustrations de la marque depuis 1989. Suite à un différend avec l’actionnaire majoritaire, les dessinateurs ont quitté l’entreprise et sont désormais interdits de reproduire ou de réutiliser les dessins qu’ils ont créés pour cette marque. Une magistrate a donné raison à l’actionnaire et a condamné les dessinateurs à l’indemniser afin de compenser le préjudice subit. Il ne pourront plus utiliser « l’univers de Kukuxusumu », c’est-à-dire leur propre style…

Mal cadré. Un nouveau bâtiment doit ouvrir cette année dans la ville de Dubaï. Surnommé le « Dubaï Frame » (soit le Cadre de Dubaï), il consiste en deux fines tours de 150 mètres de haut, reliées au sommet par une barre horizontale pour former un rectangle allongé. L’inauguration pourrait néanmoins être perturbée par l’architecte du projet, Fernando Donis, qui prétend que son droit d’auteur « lui aurait été volé ». Il avait en effet déjà réalisé une structure monumentale ayant cette même forme pour les JO de Londres en 2012 et il a déposé un copyright aux États-Unis pour se protéger. En 2008, il a remporté un concours pour ce projet à Dubaï qui lui a valu 100 000 dollar de récompense mais il se plaint à présent de ne pas avoir signé de contrat avec la municipalité. Or dans toute cette histoire, Donis revendique un droit d’auteur… sur le rectangle ! Ce qui n’est pas sans rappeler une des plus fameuses dérives de la propriété intellectuelle, avec le brevet d’Apple déposé sur la forme rectangulaire avec des coins arrondis de l’iPhone…

Trademark Madness

Fiesta ! Les organisateurs du célèbre festival Coachella sont en colère ! Ils ont décidé d’attaquer une marque qui vend des vêtements et des accessoires, notamment pour la plage, évoquant le festival Coachella. Mais les organisateurs ont préféré attaquer la ligne de vêtements considérant qu’elle surfe sur sa marque en affichant le mot Coachella sur sa boutique en ligne et en utilisant des mots-clés sur son site ! Les plaignants demandent que tous les profits générés par les ventes de produits estampillés Coachella leur reviennent. Rien que ça. Mais en fait, la société derrière Coachella semble coutumière du fait, parce qu’elle attaque régulièrement des entreprises qui utilisent Coachella dans leur activité.

coachella festival musique

Un participant au festival Coachella.

Source : Thomas Hawk

Poupoupidou. On signale souvent dans cette chronique des dérives qui surviennent lorsque les stars déposent leur propre nom comme marque. Des célébrités comme Kim Kardashian ou Taylor Swift sont de véritables spécialistes en la matière. Or il y a peut-être un espoir pour qu’un juge américain mette un terme à ces délires ou du moins posent quelques limites. La famille de Marilyn Monroe a en effet déposé une marque sur le nom de l’actrice, mais aussi sur son apparence physique et sa signature afin de récupérer un maximum de cash sur les produits dérivés. Or elle est actuellement en procès avec une société et le juge en charge de l’affaire a accepté d’examiner si un nom comme Marilyn Monroe n’est pas devenu trop générique pour constituer une marque valide. Quand les gens entendent Marilyn Monroe, ils pensent en effet d’abord à l’actrice disparue et pas à tel ou tel produit. Une affaire à suivre, qui pourrait passer l’envie à bien des stars d’utiliser leur nom comme poule aux œufs d’or.

Patent Madness

Binouze. Quand Monsanto a obtenu un brevet sur une variété de brocolis, nous avions hurlé pour le principe parce que c’est inadmissible de chercher à s’approprier le vivant. Mais là, l’office des brevets européens va beaucoup plus loin : il a en effet accordé un brevet à Carlsberg et Heineken sur… la bière ! Plus exactement, il s’agit d’un brevet sur des variétés d’orge et le processus de fabrication de la bière. Mais quand même ! Rappelons que la bière a été inventée par les Égyptiens, il y a des milliers d’années. Une mobilisation est lancée en Europe pour contester cet abus et on ne doute pas qu’elle sera activement relayée par tous les amateurs de bière. En plus, donner à Carlsberg et Heineken ce brevet, quand on sait qu’il existe des breuvages autrement plus savoureux. Franchement…

Bière

CC Martin Garrido

Repair Cafe. Une bataille lourde de conséquences se déroule actuellement aux États-Unis entre des industriels et le milieu de la high-tech d’un côté et les utilisateurs de l’autre. L’enjeu de ce conflit porte sur la liberté d’utiliser son matériel comme chacun l’entend et le droit de le réparer quand il est défectueux. On apprend notamment qu’Apple et le fabricant de tracteurs John Deere s’opposent clairement au droit des consommateurs à réparer leurs matériels achetés à prix d’or ! Ces entreprises assument clairement que ce sont des raisons économiques qui les motivent. En effet, si vous avez le droit de réparer vous-même, vous n’avez plus besoin de passer par un réparateur agréé qui reverse une commission aux entreprises. Cette cupidité aboutit à des situations totalement folles, comme par exemple cet agriculteur qui est obligé de subir une alarme qui se déclenche toutes les dix minutes. La seule façon pour lui de résoudre ce problème est d’aller voir un réparateur. John Deere va même jusqu’à dire que les agriculteurs ne sont pas propriétaires des tracteurs…

outils

CC Todd Quackenbush

Copyright Wisdom

À voix haute. Depuis quelques mois, des menaces pèsent sur la lecture publique de livres dans les bibliothèques. La SCELF (Société Civile des Éditeurs de Langue Française) entend en effet soumettre à une « taxation » le simple fait de lire en public, et même faire payer les Heures du Contes, ces séances où les bibliothécaires lisent des livres aux enfants. Juridiquement, la SCELF serait dans son droit, car lire en public constitue bien un acte de représentation. Mais heureusement, 13 associations d’auteurs, parmi lesquelles les plus importantes comme la SGDL, ont envoyé un courrier à la SCELF pour s’opposer à cette utilisation du droit d’auteur que l’on voudrait faire en leur nom. Ils dénoncent une revendication « absurde » et une « démarche maximaliste » qui risque en plus de « pénaliser la rémunération des auteurs qui lisent leurs propres textes ». On salue le fait de voir des auteurs monter au créneau pour défendre les usages collectifs de la culture !

bibliothèque livres

CC Drew Coffman

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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