Le site de financement communautaire My Major Company a-t-il abusé de la confiance que lui accordaient les internautes, en ne faisant pas loyalement le travail de promotion des artistes qu'il devait produire avec l'argent investi par les fans ?
Au début du mois, Le Point a publié une enquête à charge contre le site lancé fin 2007, l'accusant d'opacité dans la gestion des fonds, de rémunération injustifiée d'intermédiaires, d'achat de ses propres albums pour monter artificiellement dans les charts, de pratiques contractuelles spoliatoires, et même de pratiques "dictatoriales" dans la gestion humaine. En substance, même si le mot n'est jamais employé, Le Point accusait My Major Company de pratiques proches de l'escroquerie.
En réaction, le site a publié un long droit de réponse, dans lequel il rejette l'essentiel des accusations :
NON, les internautes ne perçoivent pas d'argent après récupération des dépenses de MyMajorCompany, mais bien dès le premier disque vendu ; NON, MyMajorCompany n'a jamais utilisé l'argent d'un artiste pour le dépenser au profit d'un autre ; NON, les artistes ne sont pas particulièrement mal rémunérés sur MyMajorCompany, bien au contraire, ils perçoivent en moyenne près du double de ce que toute autre maison de disque pourrait leur offrir ; NON, MyMajorCompany ne s'attribue pas 100 % des droits des auteurs-compositeurs, c'est même absolument impossible à faire opérationnellement et juridiquement en France ; OUI, MyMajorCompany prend un risque sur chaque projet produit, d'une part en prenant notamment en charge les frais de fonctionnement d'une plateforme digitale et d'un label rassemblant une trentaine de salariés et d'autre part en investissant régulièrement au-delà des jauges ; OUI, c'est le label et l'artiste qui prennent la décision finale sur la façon d'utiliser la jauge, et non les internautes : sans cette règle, l'exercice de notre métier serait tout simplement impossible ; NON, nous n'avons jamais acheté le moindre disque d'un de nos artistes pour créer le buzz, encore moins avec l'argent des internautes. Nos comptes, régulièrement visés par un expert-comptable et audités par un commissaire aux comptes, sont là pour le confirmer.
(…) Il est très rare qu'un artiste et son entourage direct, quand il échoue commercialement après avoir signé dans un label, considère que ça n'est pas essentiellement la faute du label, mais plutôt celle de son travail, surtout quand il est soutenu par des milliers d'internautes. C'est probablement un des dommages collatéraux de notre modèle, nous n'avons aucun mal à le reconnaître.
De son côté, Le Point promettait la publication à venir d'une enquête "plus vaste", notamment sur "la vraie répartition des sommes provenant des ventes de disques". A ce sujet, rappelons que pour l'album de Grégoire, le premier des rares succès populaires générés par My Major Company, Numerama avait révélé qu'au titre des ventes de disques en 2008 les internautes contributeurs avaient touché collectivement 311 000 euros (à se partager entre 347 internautes) contre 700 000 euros pour My Major Company, et 1,4 million d'euros pour le distributeur Warner Music. Grégoire, lui, touchait environ 250 000 euros.
"On ne peut pas tout vendre", mais on vend un album pour le père du co-fondateur
Fâchés de voir que tous les artistes n'auraient pas été traités à la même enseigne, des internautes contributeurs ont créé un site internet pour dénoncer les pratiques réelles ou supposées du label communautaire, et un groupe Facebook qui rassemble plus de 960 membres.
Ce mercredi, France Info revient elle aussi sur cette affaire, et révèle qu'au moins un internaute a déposé une plainte. Il aurait misé 200 euros pour produire un artiste, dont l'album n'est toujours pas sorti quatre ans plus tard, alors qu'il a franchi le seuil nécessaire à la production.
"Pas d'album, pas d'information, on ne sait pas où sont passés les 100 000 euros investis", explique cet internaute. "C'est le flou total. Une partie des internautes contributeurs ont demandé le remboursement. Moi j'ai déposé une plainte auprès du procureur de la république à Paris, et ce sera à lui de voir s'il y a une suite à donner ou pas".
"Il faut laisser les gens parler et les chiens aboyer", répond de son côté My Major Company.
"Malheureusement, on ne peut pas tous les vendre. Quand on a trop d'artistes au catalogue, à un moment il y a de la casse", explique Sevan Barsikian, l'un des co-fondateurs de la société.
Mais on ne pourra alors que s'interroger sur le choix stratégique de produire avec des artistes de renom l'album de reprises Génération Goldman, au plus grand bénéfice de l'auteur-compositeur Jean-Jacques Goldman, père de Michael Goldman… co-fondateur de My Major Company. Etait-ce vraiment la priorité artistique d'un label qui promettait de faire émerger de nouveaux talents ?
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