O tempora, o mores ! Aux États-Unis, une fiction racontant la dérive totalitaire d’un Occident essoufflé qui s’en prend aux femmes, reléguées à un rôle moyenâgeux de reproductrices, fait carton plein sur Hulu, une plateforme méconnue en France.
L’air de l’époque ? Le souffle encore chaud du « Grab them by the pussy » de Donald Trump ? Ou simplement une excellente série ? Handmaid’s Tale cumule peut-être tout cela à la fois. On vous explique tout ça en attendant la sortie de la série en France, prévue le 27 juin sur OCS.
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Inspiré du roman dystopique canadien, éponyme, de Margaret Atwood, le show produit par Hulu dérange, perturbe et angoisse dès ses premières minutes. Son sujet est, par-delà l’exécution de la série, déjà un motif d’angoisses : le roman d’Atwood imaginait en effet en 1985 une société occidentale basculant vers un totalitarisme bigot et misogyne.
Le totalitarisme à la télé
1984 de la femme et de l’égalité des sexes, La Servante écarlate en français, nous plonge dans un régime où les femmes voient leurs rôles assignés par les hommes — le gouvernement — en toutes occasions, où les scientifiques sont murés dans le silence, les plus faibles déportés, et où la Bible est (re)devenue loi tandis que la liberté a disparu sous le poids d’un État tentaculaire.
Les moins malchanceuses des humaines deviennent épouses ou marthas — des assistantes domestiques — mais une part de la population féminine est condamnée à servir d’handmaid, soit de reproductrice pour les couples dont la femme serait stérile. La série raconte justement le quotidien et les souvenirs d’une de ces servantes écarlates, dont le quotidien est ponctué de viols.
Dans l’intenable totalitarisme dépeint par Atwood et mis en scène ici par Bruce Miller, la pollution, les affrontements, les dérives de l’humanité, ont conduit un protestantisme radical à prendre le pouvoir afin de remettre les hommes dans le droit chemin. Tous les ingrédients intellectuels du totalitarisme sont réunis selon les concepts d’Aron.
Et ce monde épouvantable pourrait potentiellement repousser un public en mal de légèreté cherchant au petit écran d’autres nourritures, moins cruelles, à l’aube de l’été. Pourtant, Hulu signe avec ce show son premier franc succès.
La plateforme de SVoD n’en est pourtant pas à son coup d’essai, et ses séries originales ont déjà présenté un intérêt évident, mais jamais encore, Hulu n’avait percé son plafond de verre et nourri des millions de conversations. La secousse produite par Handmaid’s Tale sur ses téléspectateurs est tel que la plateforme de SVoD connaît une vague d’abonnements soudaine, ce qui n’est pas dans ses habitudes.
Le Washington Post souligne ce drôle de kairos vécu par la société en titrant « The Handmaid’s Tale est incroyable. Disponible sur Hulu. Vous n’avez pas Hulu ? Il est temps de prendre une décision, l’ami. »
« Make Margaret Atwood Fiction Again »
Si l’on peut citer les qualités esthétiques et visuelles du show — les scènes de viol convoquent plus d’ingéniosité que celles de Mad Men, une référence, où Elisabeth Moss, actrice principale de Handmaid’s tale, prouvait déjà son talent –, le perfectionnisme glaçant de la production qui a travaillé son sujet dans les moindre détails — couleurs, décors, mixage sonore, rythme et regards — c’est finalement toujours le sujet du show, la vie d’une servante privée de son corps, de sa vie, de sa liberté et de son être qui prend le dessus sur toutes nos observations techniques.
En janvier, durant les marches de femmes qui ont eu lieu un peu partout aux États-Unis, nous pouvions voir des manifestantes brandir des pancartes : The Handmaid’s Tale n’est pas un mode d’emploi ! ou encore un visionnaire : Make Margaret Atwood Fiction Again. Plus récemment, la série inspire des manifestations féministes où les militantes s’habillent en servante écarlate.
Rencontrer son époque avec autant de violence et de fulgurances n’est pas donné à tous les shows, savourons donc The Handmaid’s Tale le cœur bien accroché.
Enfin, souhaitons le meilleur à Hulu qui vient d’annoncer une saison deux pour la série, qui l’aidera à dépasser la barre des 15 millions d’abonnés sur laquelle la plateforme stagne depuis trop longtemps.
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