Disney domine plus que jamais Hollywood, avec le succès d’innombrables licences surpuissantes, entre les productions Marvel, tournant au rythme de trois films par an, et la saga Star Wars, dont on attend l’épisode VIII et un second spin-off, en passant par les remakes de dessins animés cultes, comme La Belle et la Bête.
Parmi les grandes marques du studio, c’est cette fois-ci Pirates des Caraïbes qui fait son grand retour. Inspiré d’une attraction de Disneyland, la saga initiée par le producteur Jerry Bruckheimer débute en 2003, alors que le genre du film de pirates n’est plus du tout porteur. Un risque, que prendra à bras le corps le réalisateur Gore Verbinski pour finalement offrir un premier long-métrage, La Malédiction du Black Pearl, particulièrement rafraîchissant. Un succès colossal qui enclenche deux suites, prolongeant les aventures de Jack Sparow (Johnny Depp), Will Turner (Orlando Bloom) et d’Elizabeth Swann (Keira Knightley) pour les amener à une conclusion loin du happy end classique.
Après un quatrième épisode qui essayait de renouveler l’univers, mais qui a déçu public et investisseurs, les producteurs hésitent à lancer un cinquième opus. Il faudra attendre 2013 pour officialiser le projet Dead Men Tell No Tales (La Vengeance de Salazar en VF), attendu pour ce mercredi 24 mai. Ce nouvel opus revient à une formule proche du premier épisode, se servant de l’intrigue de la première trilogie pour relancer la machine.
Mais avait-on vraiment besoin d’un nouvel épisode ? À l’heure où les pirates ont cédé leur place à d’autres licences — comme les Gardiens de la Galaxie –, quel intérêt de faire revenir Sparow et sa bande ? On se le demande encore.
Non, Jack, rien n’a changé
La Vengeance de Salazar raconte le périple d’Henry Turner (Brenton Thwaites), fils de Will Turner, lancé à la recherche de son père, maudit et condamné à ne jamais pouvoir quitter le Hollandais Volant. Pour le libérer de cette malédiction, le jeune homme va devoir trouver le Trident de Poséidon, un objet magique donnant le pouvoir total sur les océans. Dans sa quête, il va ainsi croiser un Jack Sparaow quelque peu rouillé, toujours aussi cabotineur, et une jeune femme accusée de sorcellerie, Carina Smyth (Kaya Scodelario), elle aussi à la recherche du puissant artefact. Tout ce beau monde va croiser la route du Salazar (Javier Bardem), un ancien capitaine de l’armée espagnole que Jack a laissé entre la vie et la mort dans une grotte maléfique, aujourd’hui rongé par sa soif de vengeance.
Dès les premières minutes du film, l’univers semble des plus familiers. Après une introduction mettant en lumière le lien entre Will Turner et son fils, ainsi qu’un bref rappel de la situation du personnage après la fin de Jusqu’au bout du monde, le long métrage plonge tête la première dans l’action, grâce à une sorte de remake du braquage de Fast & Furious 5... avec des pirates. La scène fait son office assez honnêtement, avec un joli sens du rythme et un enchainement de petites idées de mise en scène assez réjouissantes. Malgré tout, le chassé croisé des différents protagonistes au sein de cette scène parait assez artificiel, et bloque légèrement l’implication du spectateur. Le problème de cette Vengeance de Salazar, c’est que ce sentiment d’artificialité persiste pendant tout le film.
Les morts ne racontent pas d’histoires
Après une trilogie réalisée par Gore Verbinski et un quatrième opus dirigé par Rob Marshall, ce cinquième volet des aventures de Sparow a été confié au duo norvégien Joachim Rønning et Espen Sandberg, connu notamment pour Bandidas. Les réalisateurs livrent un travail propre, assez dynamique et distillant quelques idées de mise en scène assez réussies. D’un plan confondant terre et ciel, en passant par quelques très bons gags — comme la scène de la guillotine –, sans oublier l’utilisation des designs de Salazar et de son équipage, on sent le duo intéressé par certains aspects de leur sujet et appliqué dans leur réalisation. Seulement, bien faire ne suffit pas, et les limites d’un script et d’un projet validé dans l’urgence se font réellement sentir.
Il y a d’abord un net problème de rythme. Alors que le film essaye d’être soutenu d’entrée de jeu en terme de péripéties, il a beaucoup de mal à jouer l’endurance, avec une seconde moitié de film se révélant molle, mal structurée et faisant peser un certain poids sur les paupières tant elle se prend les pieds au niveau de la caractérisation de ses personnages.
Des personnages interprétés avec une énergie communicative, avec deux jeunes nouveaux se révélant des plus intéressants et impliqués, un Javier Bardem au top de sa forme et un casting d’habitués porté par un Johnny Depp qui fait le travail correctement. Mais le jeu ne faisant pas tout, l’écriture trop légère en terme d’enjeux et l’introduction frénétique de ces protagonistes laisse retomber le soufflé, pour arriver à une conclusion cousue de fil blanc, essayant même d’appuyer sur la corde d’une grosse révélation. Là aussi hyper artificielle et prévisible.
Un bateau de retard
Techniquement, ce Pirates des Caraïbes reste d’une bonne qualité en terme d’effets spéciaux, même si le statut de la saga a quelque peu évolué depuis 2003. Alors que les premiers épisodes apportaient des défis de mise en scène ambitieux et servaient de vitrines pour la société d’effets spéciaux ILM, ce cinquième opus a baissé le niveau, malgré un budget de près de 132 millions de dollars. Dès la première scène, un fond vert des plus voyants ne rassure guère sur la suite. Le reste du long métrage sera en dent de scie, avec quelques effets relativement propres, quand la majeure partie s’accompagne de flous et de quelques passages bâclés.
Les effets rajoutés à Salazar et son équipage sont le point fort du film, quand bien même ils ne sont pas irréprochables, tandis que le rajeunissement de Johnny Depp, visible dans la bande-annonce, est moins impressionnant que celui, déjà limite, de Robert Downey Jr. dans Civil War.
Alors que le film s’achève, et que le public attend une scène post-générique qui achève de souligner le manque d’intérêt du long-métrage, une question s’impose : Pourquoi ? Pourquoi ce Pirates des Caraïbes 5, si ce n’est pour répéter une formule établie en espérant qu’elle s’avère rentable ?
Alors qu’un projet d’adaptation de 20 000 lieues sous les mers par David Fincher était prévu, Disney a préféré annuler ce projet pour lancer un nouvel opus de Pirates, afin de s’assurer du succès en salle. Entre Jules Verne par Fincher et le cinquième opus d’une saga inspirée d’un parc d’attraction, le choix (commercial) est vite fait.
Entre Jules Verne par Fincher et le cinquième opus d’une saga inspirée d’un parc d’attraction, le choix (commercial) est vite fait.
Cette suite fait certes un assez bon travail en tant que blockbuster hollywoodien, tout en ramenant sur le devant de la scène des acteurs et des personnages appréciés du public. Le spectacle est honnête et loin d’être raté, mais ne raconte absolument rien. Que ce soit au niveau des thèmes, survolés, du parcours de ses personnages ou même de la place de l’histoire dans la saga, ce Pirates des Caraïbes 5 n’est qu’une production lancée en mode automatique, sans âme ni volonté d’apporter quoi que ce soit d’autre qu’une aventure vide de tout propos, sans rien de nouveau à raconter.
Le verdict
Pirates des Caraïbes 5
On a aimé
- Divertissant au début
- Kaya Scodelario & Brenton Thwaites
- Quelques belles scènes
On a moins aimé
- Agaçant et mou, vers la fin
- Un scénario sans intérêt
- Annuler un Fincher pour ça ?
Dans sa quête de super-licences, Disney essaye de relancer la machine Pirates des Caraïbes en misant sur un retour sur investissement. Résultat, ce cinquième long-métrage de la saga révèle les limites de cette démarche, complètement déconnectée du public, avec une intrigue facile et vide de sens.
Le casting s'en sort plutôt bien, et certaines scènes ou idées ne sont pas à jeter, mais cela reste vraiment trop peu pour une saga qui, comme beaucoup d'autres, n'est devenue qu'un énième prétexte commercial.
Le divertissement proposé reste assez propre et rythmé pour faire son travail de blockbuster du printemps, mais on est en droit de s'attendre à (beaucoup) plus.
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