Les plus importants opérateurs téléphoniques français ont annoncé qu’ils ne diffuseront plus de publicité durant l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna et la chaîne C8. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Télévision régressive
Nous avons beau tenter d’éviter les douteuses chaînes de la TNT française — et plus généralement la télévision linéaire dans son ensemble — souvent, celle-ci crève l’écran malgré nous par ses déversements intempestifs de boue. Et c’est en partie de cette vilénie morale, cumulée à l’impunité dont bénéficient les starlettes du PAF qui aujourd’hui brise le mur d’indifférence derrière lequel nous pensions avoir oublié Cyril Hanouna, ses chroniqueurs pratiquant l’agression sexuelle et son homophobie ordinaire et quotidienne.
Après une séquence assez incroyable — dont on se demande comment elle peut se produire en public, en direct et à la télévision — la semaine passée, le talk-show le plus cheap de France subit pour la première fois une sanction financière avec le retrait de nombreux annonceurs importants.
https://twitter.com/Freezze/status/865337360153796609
Lors d’un gag intitulé Radio Baba, l’animateur vedette du prétendu divertissement a piégé divers homosexuels en pratiquant une forme de hameçonnage sur Vivastreet (du groupe W3C, propriétaire de Ziipr). La rédaction de l’émission avait préalablement posté des fausses annonces sur le site de rencontre afin de réunir diverses victimes pour la séquence.
La technique, survenue alors qu’ont lieu en Tchétchénie des persécutions ciblées contre les homosexuels, a permis aux chroniqueurs de l’émission, hilares, de se moquer allègrement des personnes piégées. Mais dès le lendemain, la séquence a provoqué un tollé, de nombreuses voix s’élevant pour dénoncer ce qui s’apparente à une forme très ancienne d’homophobie.
Des habitués de l’immonde au petit écran
La polémique qui aurait pu ne pas survivre au week-end — comme l’espérait sans doute Cyril Hanouna — se prolonge finalement cette semaine. Notamment parce qu’elle est loin d’être la première à toucher cette émission phare de la TNT, l’émission ayant déjà connu son lot d’humiliations quotidiennes et un discours homophobe (notamment à l’encontre d’un chroniqueur lui-même homosexuel, outé en public contre son gré) et sexiste.
L’Association des Journalistes LGBT (AJL) avait notamment remarqué, lors d’une session d’observation de l’émission populaire, qu’en un mois (20 émissions), plus de 28 remarques homophobes avaient été prononcées, et 20 remarques sexistes.
Sous le feu des critiques, l’émission hérisse autant qu’elle fascine un groupe, très identifié et aux comportements grégaires de fanzouzes (comme le montrent les études de M. Manilève sur cette population). Voilà pour la séquence : ce que vous manquez en ne regardant pas la télévision française.
Le mauvais buzz : de la pub en moins ?
Aujourd’hui, alors que le CSA compte pas moins de 20 000 plaintes déposés par des téléspectateurs au sujet de cette séquence — un record –, des annonceurs commencent à retirer leurs spots publicitaires de l’émission.
C’est par exemple le cas de la maison Chanel, de Disneyland Paris, de PSA, de Decathlon ou encore de Bosch, ainsi que l’opérateur français Orange qui indique sur son compte Twitter : « Conformément aux valeurs d’Orange, nous suspendons toutes nos publicités diffusées sur le créneau horaire de l’émission TPMP. » Orange France, par la voix d’un porte-parole confirme à Numerama sa position : « La décision de suspendre toutes nos publicités diffusées sur le créneau horaire de l’émission a été prise. En effet, Orange défend depuis toujours des valeurs de diversité, qui entrent en opposition avec les valeurs véhiculées lors de l’émission « Radio Baba » du jeudi 18 mai. »
Les internautes, sur les réseaux sociaux notamment, dressent régulièrement un état des lieux des annonceurs procédant à un retrait de leur publicité durant les coupures du talk-show.
Comme souligné à 11h30 par un internaute, SFR (désormais Altice) a suivi le pas de son concurrent en retirant également sa réclame. L’information sera confirmée par Libération.
Les annonces qui se suivent pourraient peut-être entraîner une déprogrammation du show sulfureux mais la partie est loin d’être terminée avec la chaîne de Vincent Bolloré.
Alors que ce dernier a résisté à vents et marées pour conserver J. M. Morandini à l’antenne lors de la crise d’iTélé (devenue C News), il apparaît pour beaucoup que M. Hanouna obtiendra le même soutien de la part de sa direction. Son émission capitalise par ailleurs cyniquement sur le buzz développé grâce à la séquence homophobe : depuis l’émission de la semaine passée, pas moins de deux épisodes du show ont été dédié à la polémique afin de « revenir sur les événements » sans toutefois que l’animateur ne s’excuse intelligiblement.
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