La jeune chanteuse Ariana Grande est, ces jours-ci, dans la triste lumière des projecteurs à la suite de l’attaque de son concert à Manchester. Celle qui a déjà annoncé mettre en pause sa tournée et témoigné sur les réseaux sociaux sa grande tristesse à l’égard de ses fans anglais, est désormais la cible de l’extrême-droite américaine.
Désinformer les fans
L’influence de ces réseaux a commencé très rapidement avec une photo prise de la star sur un tournage de 2015 — Scream Queens pour la Fox — qui a été largement diffusée par des organes de désinformations américains, puis repris par des fans manifestement inquiets. Sur la photo en question, on voit Ariana Grande ensanglantée et mimant le traumatisme, il s’agit évidemment de maquillage et d’un cliché pris sur tournage. La jeune chanteuse n’a, rappelons-le, pas assisté à l’attaque qui s’est déroulée à la fin de son concert anglais.
Mais la machine à désinformer ne s’arrête pas là, puisque la jeune femme est également victime de détournements de ses propos. Celle qui s’engagea auprès d’Hillary Clinton et qui a participé à la marche pour les femmes se voit reprocher ses valeurs par ceux qui se nomment alt-right. Sur Facebook par exemple, la page pro-Trump Patriots for America a publié un montage de Grande affublée d’une citation qui lui est attribuée : « Je déteste les américains, je déteste l’Amérique. »
La légende du billet précise : « Ariana Grande, pro-réfugiés, sympathisante de l’islam, anti-Trump, anti-Amérique, organisatrice de la marche des femmes et hystérique progressiste, est soudainement en train d’espérer revenir en sécurité dans l’Amérique qu’elle déteste tant ! #AimeLaouQuitteLa »
Insinuer par le faux, un biais cognitif systématiquement complotiste
La citation utilisée par le montage est en réalité une phrase qui date de 2015. Encore peu connue, la jeune femme avait été surprise par la peu respectable chaîne people TMZ qui avait obtenu une vidéo, depuis une caméra de surveillance, d’Ariana Grande en train de faire une sorte de blague malveillante dans un magasin de donuts (elle commence par lécher des pâtisseries sur un étal puis remarquant que la serveuse lui propose les donuts qu’elle a sali, elle se scandalise et s’esclaffe : « Mais putain c’est quoi ce truc ? Je déteste l’Amérique ! Je déteste les Américains ! C’est dégoûtant ! »). La chanteuse s’excuse rapidement, expliquant qu’elle ne nourrit aucun sentiment anti-américain.
https://twitter.com/JackPosobiec/status/866816539194011649
Mais la phrase est restée en mémoire et aujourd’hui, l’épisode est utilisé par l’extrême droite américaine. Le montage précédemment cité est en effet partagé à la fois sur le Reddit The_Donald et sur la fachosphère US de Twitter (les comptes de Jack Posobiec, David Duke ou encore Mike Cernovich).
Se propageant ensuite sur 4chan, la fake news a pris de l’ampleur et de nombreux anonymes relaient le message de l’alt-right, soulignant que sa confrontation avec « l’islam » est une bonne chose qui lui permettra de « grandir » pour se débarasser de « son ignorance progressiste. » On lit également que la chanteuse l’a « bien cherché » puisqu’elle souhaite faire de l’Amérique le « même merdier islamiste que l’on observe en Angleterre ».
La grande popularité chez les adolescents d’Ariana Grande ainsi que son exposition brutale à la suite de l’attaque de Manchester apparaissent comme une opportunité parfaite pour l’extrême droite américaine. Comme une tâche d’huile, dopée à l’actualité, la désinformation continue de s’immiscer, par tous les moyens quitte à caricaturer la presse tabloïd, dans les esprits américains, notamment les plus jeunes. Pour certains, l’attaque de Grande par un terroriste pourrait même « encourager une génération à enfin mettre fin à l’islam » et « mettre en lumière le complot islamique et progressiste ». Sans commentaires.
On lit également que la chanteuse l’a « bien cherché »
Beyoncé avait déjà subi les mêmes affres du complotisme et de la désinformation en faisant parti du lot de star prétendument disparues et remplacées par le gouvernement. Pour Gerald Bronner (La Démocratie des Crédules, 2013) ce nouveau genre de mystifications, qu’elles s’attachent aux stars ou aux dirigeants, participe à augmenter nos biais cognitifs face à l’information.
En somme, peu importe le sujet de la fausse information et de la falsification intellectuelle tant qu’elle nous insuffle l’idée que la vérité est ailleurs. Et avec Grande en motif de fond, de nombreux jeunes esprits deviennent réceptifs…
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