Après la sortie de Spider-Man: Homecoming le 12 juillet dernier sur grands écrans, signant le retour du personnage dans le giron Marvel Studios, la maison des idées arrive enfin à récupérer l’exploitation de l’un de ses plus emblématiques personnages. Ce problème — ne pouvoir utiliser ses licences les plus porteuses car les droits sont possédés par un autre studio — se pose depuis que l’éditeur de comics est devenu studio hollywoodien, et souhaite exploiter seul un maximum de licence. À l’heure où Kevin Feige souhaite les récupérer toutes, un retour sur ces histoires de licences qui ont marqué l’éditeur depuis la fin des années 90 s’impose.
La crise des 90’s
C’est un problème qui se pose depuis que Marvel Comics est rentré dans le monde de la production cinématographique. Vers la fin des années 90, la maison des idées n’est pas dans une situation confortable. Faible en terme de ventes et endettée après des décisions économiques douteuses, l’éditeur finit même sous la tutelle d’un tribunal tout en gardant la main sur son activité. La situation s’arrange uniquement après une profonde restructuration, qui voit la branche Marvel Films, s’occupant naguère de la distribution des droits pour le cinéma, laisser sa place à Marvel Studios, avec pour objectif de distribuer les licences avec un certain contrôle créatif.
Mais à partir de 1993, c’est le producteur Avi Arad qui s’occupe de négocier les droits du catalogue de super-héros de la Maison des Idées. La Twentieth Century Fox décroche ainsi les X-Men, les Quatre Fantastiques, Elektra et Daredevil. Colombia/Sony récupèrent quant à eux Ghost Rider et Spider-Man, laissant Blade à New Line Cinema et le Punisher à l’indépendant Lionsgate.
Les deals sont simples : Marvel commande et valide les scénarios, embauche les réalisateurs et fait le casting, tandis que les société de production s’occupent de produire le film et de le distribuer. Chacun des contrats passés stipule que, si le studio ne travaille pas sur un projet de film au bout d’une période fixée au préalable, les droits reviennent à Marvel. Seulement, il suffit qu’un projet soit lancé à la limite de la date buttoir pour reconduire le contrat en question.
Un fonctionnement qui semblait bien huilé jusqu’en 2005, à l’heure du bilan d’un peu moins de dix ans de production. En effet, la somme des bénéfices des longs métrages sortis depuis atteint presque quatre milliards de dollars. Une coquette somme qui donne des envies de cinéma à Avi Arad, qui arrive à décrocher 526 millions de dollars à Merrill Lynch, une banque d’investissement, en prévision d’un nouveau Marvel Studios, produisant lui-même des films.
L’ère Marvel Studios
Le producteur initiateur de Marvel Studios quitte son poste en 2006 sur des désaccords de budget, tout en ayant planifié une dizaine de projets en cours de développement. David Maisel reprendra dans un premier temps la compagnie, avant de laisser assez vite sa place à Kevin Feige. Le projet de devenir un véritable studio hollywoodien est donc lancé, en partenariat avec Paramount qui s’occupe de la distribution. Iron Man et Incredible Hulk sont alors lancés en production.
Ces deux productions auront un assez joli succès, poussant la maison des idées à piocher dans son catalogue de personnages encore à la maison. Et autant dire qu’il en reste beaucoup, étant donné que la licence Avengers n’a pas bougé et que nombreux personnages cosmiques comme les Guardiens — alors très peu importants au sein de l’univers partagé — ou le Nova Corps peuvent être exploités. Seulement, pour les lecteurs de comics, il y a malgré tout une épine dans le pied à l’entreprise Marvel : sa volonté de vouloir créer un univers partagé semblable aux comics. Forcément, pour les habitués, difficile de voir à l’écran un monde où Captain America peut croiser Iron Man… mais en aucun cas Spidey ou bien Frank Castle.
Il faut attendre 2013 pour que les premières licences cédées reviennent dans le giron de Marvel. Des personnages urbains, comme Punisher, Daredevil et Blade, et d’autres n’ayant pas eu le droit à des films, comme Iron Fist ou Ant-Man, rentrent ainsi à la maison. Évitant la précipitation et ayant bien conscience de la qualité irrégulière des métrages concernés — dont on ne retient finalement que le Blade de Del Toro —, les projets mettent un peu de temps à murir. Finalement, c’est le petit écran qui est choisi pour ramener ces personnages sur le devant de la scène, qu’il s’agisse des networks classiques (Ghost Rider dans Agent of S.H.I.E.L.D.) ou Netflix (avec tous les héros composant les Defenders).
X-Men & Spider-Man : la dernière bataille pour les droits
Malheureusement, certaines licences plus porteuses que celles précédemment citées restent elles bien au chaud chez des producteurs bien conscients de posséder de jolies poules aux œufs d’or — d’autant plus que le succès de Marvel Studios a imposé l’exploitation de licence super-héroique quasi-obligatoire à Hollywood. Ainsi, les X-Men restent chez la 20th Century Fox, multipliant les projets, de Legion à Gifted en passant par le futur New Mutants, afin de les garder. Le deal passé entre les deux compagnies permet malgré tout de garder un certain contrôle créatif, étant donné que Marvel doit valider les projets de la Fox avant qu’ils puissent partir en production.
Autre particularité : les droits de Wolverine et Deadpool sont également à la Fox, tout comme le terme « mutant », englobant de fait tous les personnages concernés. Mais parmi ceux-ci, certains comme la Sorcière Rouge et Quicksilver ont fait partie des X-Men comme des Avengers, dont les droits sont à Marvel. D’où la situation étrange d’avoir les mêmes personnages mais joués par des acteurs différents dans X-Men Days of the Future Past et Avengers Age of Ultron.
Un autre partage a eu lieu pour le film Gardiens de la Galaxie Vol. 2. En possédant les Quatre fantastiques, la Fox peut également utiliser les personnages cosmiques créés par Jack « The King » Kirby, comme le Silver Surfer, Galactus ou encore Ego, la planète vivante. Cette dernière souhaitant être utilisée par James Gunn, Marvel Studio a dû négocier avec la Fox, en échangeant le personnage contre Negasonic Teenage Warhead, qui a fait son apparition dans le film Deadpool.
Les échanges entre Fox et Marvel Studios semblent aujourd’hui cordiaux, certains acteurs des deux côtés de la barrière parlant régulièrement de l’envie de travailler ensemble. Cela n’a pas toujours été le cas, puisqu’on a vu la ligne comics des X-Men être réduite au minimum ces dernières années, quand les Quatre Fantastiques n’ont même plus de série régulière depuis deux ans maintenant.
Côté Sony, détenteur des droits de Spider-Man, la maison vient de coproduire avec Marvel Spider-Man Homecoming, retour annoncé du tisseur dans son univers original. Un partenariat qui n’a pas été évident, Sony ayant toujours joué cavalier seul après la première trilogie de Raimi, en relançant juste à temps un Amazing Spider-Man par Marc Webb pour pouvoir garder les droits. Deux films, semi-échecs financiers, et un leak plus tard, la patronne de la production Amy Pascal et Kevin Feige annoncent un partenariat afin de relancer l’univers du tisseur au cinéma. Toujours du côté de Sony, mais en permettant au personnage d’apparaitre dans Captain America : Civil War. Une apparition symbolique, qui cache surtout un projet : Homecoming — littéralement Retour à la maison en français.
Le long métrage, piloté par Jon Watts, a été géré par Marvel Studios. La branche ciné de l’éditeur a ainsi pu apporter de nombreux éléments classiques des pages du tisseur, laissés de côté par les précédentes versions. On retrouve les yeux dynamiques, les toiles en dessous des bras, une série de personnages lycéens qui devraient avoir une importance inattendue et surtout le premier vilain qui a affronté Spider-Man, dans les pages d’Amazing Spider Man #2 — et dont Sony a longtemps refusé l’utilisation à Sam Raimi pour un quatrième épisode. Tony Stark sera de la partie pour faire le lien entre Civil War et ce film, même si on voit bien Marvel Studios s’essayer à mettre ses personnages en équipe avec d’autres, comme le prochain Thor pourra en témoigner.
L’avenir nous dira si cette relation de travail et de confiance tiendra assez longtemps pour voir ce jeune Spider-Man revenir régulièrement dans l’univers Marvel, notamment dans Infinity War où il est d’ores et déjà attendu. Mais Sony, souhaitant malgré tout garder la main-mise sur la licence, lance actuellement en production des projets un peu parallèles, sur des méchants de l’univers du tisseur. Le prochain projet, un spin-off Venom interprété par Tom Hardy et réalisé par Ruben Fleischer, ainsi que différentes rumeurs internes, laissent à penser à un divorce prématuré de cette collaboration. Il faudra surement attendre l’accueil critique et les résultats au box office de Homecoming pour avoir des réponses plus claires sur cette situation.
Autant dire que le casse-tête des droits Marvel n’est clairement pas encore réglé, et pour que Kevin Feige récupère tout ça, il va falloir de la patience et une bonne stratégie. En attendant, du côté de la concurrence chez DC Comics, le problème ne se pose pas puisque Warner possède l’intégralité des droits d’exploitation du catalogue. Reste à faire des bons films.
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