Après 5 ans de bons et loyaux services, le projet Greenlight de Steam ferme ses portes. Depuis 2012, Valve proposait en effet à quiconque de poster son projet sur la plateforme. L’idée était de faire connaître son ébauche au public et d’obtenir un certain nombre de votes afin qu’une fois terminé, le jeu puisse être disponible sur Steam, où des millions de joueurs se connectent chaque jour.
Une aubaine pour les petits studios indépendants sans le sou, un projet communautaire fort sur le papier, qui a toutefois eu ses effets pervers une fois appliqué au réel. Pour marquer la fin de Greenlight, nous souhaitions revenir sur ses plus belles heures, tout en jetant un œil sur ce que proposera son successeur : Steam Direct. Pour cela, nous avons demandé l’avis de quelques studios indépendants.
« Je dois tout à Greenlight »
Greenlight, c’était avant tout la possibilité de donner la parole aux joueurs afin de pouvoir intégrer dans son catalogue un panel plus large de jeux, des petites perles indépendantes qui passent bien trop souvent inaperçues. Valve s’est rendu compte, à raison, que son système de sélection des jeux à paraître sur Steam n’était pas viable.
Avec des milliers de jeux sortant par an, la tâche s’est révélée impossible. Greenlight a donc été le tremplin vers une nouvelle mécanique de sélection, qui a vu émerger de très beaux projets.
« Dès son lancement et tout au long de la vie de Greenlight, nous avons en permanence été surpris par le succès de certains jeux. explique Valve dans son communiqué. La première année, des jeux tels que War For The Overworld, Evoland, Rogue Legacy, et Verdun ont gagné en popularité sur Greenlight et ont par la suite rencontré un succès énorme. »
Qui aurait cru que des jeux comme The Forest, 7 Days to Die, et Stardew Valley puissent ainsi se hisser dans les 100 meilleures ventes de Steam ? La plateforme et les joueurs ont indubitablement influencé quelques success story, mais ont aussi aidé des projets plus modestes à voir le jour.
C’est ce que nous raconte Nicolas Gadenne, développeur de Dig or Die. « Personnellement c’est grâce à Greenlight que j’ai pu sortir Dig or Die et vivre du jeu, sans avoir aucune couverture dans la presse ou autre. Sans Steam et Greenlight, le jeu serait clairement resté quasi-inconnu, donc en gros je leur dois tout…». Il était ainsi plus facile pour les développeurs indépendants de trouver leur public, de rassembler une communauté de joueurs qui pouvaient avoir un bon aperçu du jeu très tôt dans la phase de développement.
Toutefois, comme tout système reposant en grande partie sur les usagers, la plateforme a très vite révélé ses failles.
Un vote n’annonce pas un achat
Si la communication autour d’un projet sur Greenlight a été efficace sur bien des exemples, l’intérêt que montraient les joueurs en votant pour un titre ne se transformait que rarement en acte d’achat une fois le jeu sorti. Comme l’explique Nicolas Gardenne, « il y un aspect de Greenlight qui posait problème : la décorrélation entre les votes et un réel souhait d’achat. On pouvait avoir des votes massifs sur certains concepts « marrants » sans avoir pour autant aucune volonté d’achat réel. »
Un coup dur financier pour certains développeurs qui espéraient faire sortir leur jeu du lot parmi les milliers de projets qui prenaient forme. Car le nombre d’entrées du catalogue s’est également révélé très vite incontrôlable. Il n’était pas rare de croiser des jeux-trolls de type « rock simulator » ou « please Valve add this » (« s’il vous plaît Valve, ajoutez ça ») dans le lot, avec le nombre suffisant de votes émanant d’internautes de 4chan, Reddit; 9Gag et consorts. Une pollution qui s’est ajoutée au trop-plein de jeux soumis au choix des joueurs.
C’est là qu’on réalise l’effet pervers. La possibilité de tout un chacun de pouvoir accéder aux connaissances pour créer son jeu, le faire et avoir une chance de le publier a très vite créé une gigantesque vague ingérable de nouveaux projets. Aussi louable soit la démarche, la visibilité pour les joueurs à la recherche de la petite perle devient quasi-nulle. Si bien que l’inquiétante tendance au surplus de jeux indés, amorcée par Steam et d’autres, fut nommée Indiepocalypse.
« La crainte est que les bons jeux, ceux dans lesquels un vrai effort a été apporté, se retrouvent noyés dans la masse et aient beaucoup plus de mal à avoir de la visibilité par les joueurs, précise Nicolas Gardenne. La création d’un jeu est certes simplifiée, mais la création d’un bon jeu ne l’est pas vraiment, ça reste un travail énorme et très difficile. Il n’y aura jamais un flood réel de bons jeux sur le marché. »
Steam Direct sauvera-t-il la mise ?
Avec l’arrivée de Steam Direct, et notamment d’une taxe d’inscription fixée à 100 dollars, Valve espère améliorer l’expérience des développeurs souhaitant voir leur jeu sur Steam, tout en réduisant la possibilité de « bruit blanc » et de soumissions intempestives. Pour certains, la taxe devrait pourtant effectuer en effet un premier barrage, mais ne saurait complètement maintenir le flux toujours plus grand de jeux. « Mettre un seuil à 300 € freinerait l’entrée de jeux nuls qui n’ont clairement aucune chance de les rembourser », avance Nicolas Gardenne.
L’autre crainte qui préoccupe les développeurs, c’est est celle de « l’App-storisation » de Steam avec ce nouveau système de fonctionnement. « Rien n’a émergé de Google Play en 5 années d’existence, et y faire marcher un jeu relève du miracle ou d’un puissant marketing, c’est-à-dire hors de portée de toutes structures qui ne sont pas déjà de taille moyenne. Et cela a coulé beaucoup de petites boîtes », argumente Thomas Altenburger, co-développeur de Neurovoider.
Les développeurs espèrent ainsi qu’une mécanique de curation émerge petit à petit avec l’arrivée de Steam Direct. La mise en place d’un filtre qualitatif, de quelque forme que ce soit, semble être un impératif pour beaucoup mais relèverait d’une forme d’élitisme pour d’autres.
« On ne va quand même pas se plaindre de pouvoir distribuer nos jeux facilement, si ? », estime Tom Avatars, développeur pour Concrete Games. Selon lui, l’erreur de Steam réside aussi dans une mauvaise interface, noyant tous les jeux dans un marasme sans possibilité de s’y retrouver.
Conscient de toutes ces difficultés, Steam semble déterminé à montrer toute sa bonne volonté aux développeurs. Depuis son lancement le 13 juin, la plateforme s’est fendue d’un communiqué pour expliquer davantage sa méthode de sélection. Ainsi, l’équipe de Steam disposera de 2 jours tout au plus pour vérifier qu’un jeu soumis est en adéquation avec ses critères, ce qui permettra de retrouver plus vite son titre sur la plateforme.
Maintenant qu’il a entendu les revendications des développeurs, Steam assure d’ores et déjà travailler sur l’amélioration de la boutique : « D’importantes mises à jour sur le système des curateurs Steam, sur le moteur de recherche et de recommandation, et de manière générale sur certaines sections du magasin (autres que la page d’accueil) sont en cours », précise le communiqué. Il ne reste plus qu’à espérer que l’équilibre se fasse pour les développeurs indépendants.
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