Lorsque Carla Fisher, passée par le jeu vidéo et la télévision avant d’arriver chez Netflix, parle de son employeur, elle s’enthousiasme : « Netflix n’est ni tout à fait à Hollywood, ni tout à fait dans la Silicon Valley, explique-t-elle, c’est en réalité un constant mélange de ces deux mondes. Il faut toujours se rappeler que nous sommes autant une entreprise de l’Internet qu’un diffuseur…
À la croisée des mondes
En effet c’est bien souvent ce mélange qui est interprété comme la formule magique de Reed Hastings. Chimère à la croisée des chemins entre l’entertainement et la tech, le géant de la SVoD se trouve en bonne place pour bousculer l’un et l’autre de ces mondes.
Et à sa façon, Carla et son équipe ont voulu faire partie de cette innovation forcenée de Netflix en proposant, à des studios un peu ébahis, de réaliser des shows interactifs avec lesquels les enfants pourront jouer — à quelques pas seulement des jeux vidéo.
Cette idée, nous précise Mme Fisher, a déjà deux ans dans l’entreprise, mais son développement a été particulièrement long et exigeant et a nécessité de nombreux changements avant de devenir une réalité.
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Devenir une réalité : c’est l’étape franchie aujourd’hui par la technologie que l’on retrouve dans la dernière saison du Chat Botté, franchise Dreamworks au succès grandissant sur Netflix. La responsable du projet ne cache pas sa joie ; ce 20 juin marque un tournant pour sa boîte qui est en passe de devenir une entreprise du jeu vidéo autant qu’elle peut déjà être un producteur de télé.
Ainsi, lorsque l’on parle des studios TellTale Games à la spécialiste des programmes, elle opine : « C’est évidemment une référence pour nous. » Du jeu vidéo donc, mais qui croise l’univers des séries télé. Pour Netflix, ça donne donc les branching narratives que nous présente la responsable avec fierté.
Et si l’on met un peu de temps à bien comprendre de quoi il s’agit, une démonstration en direct de la technologie nous fait retomber sur nos pattes : c’est… très simple.
« nous sommes autant une entreprise de l’Internet qu’un diffuseur »
Pour un seul épisode, des centaines d’obstacles
L’épisode interactif est lancé, lorsque d’un coup, un chat rouquin se tourne vers nous, brise le quatrième mur, et nous explique : il va faire des cabrioles et suivre son aventure au gré des choix que l’on assignera à sa série grâce à notre télécommande.
Ductile pour un chat ce petit roux — et attachant de surcroît. Ni une, ni deux, nous l’écoutons et appuyons sur notre gauche… Et voilà que le show est reparti, la bête s’excite à nouveau sur l’écran et commence à prendre le chemin que nous lui avons conseillé.
Les interactions sont certes rudimentaires (toujours un choix à deux entrées) mais l’exécution est vraisemblable et immersive : la série n’est ainsi pas pénalisée par le système. En une petite vingtaine de minutes, l’épisode se termine sans que l’on observe de faux-raccord, de problème de logique ou même des lenteurs. Au contraire, avec ce Chat Potté, il n’est pas question de traîner.
Et si à l’écran, les histoires défilent sans accroc, c’est parce que Dreamworks et Netflix ont travaillé d’arrache-pied sur ce pilote. Mme Fisher énumère les difficultés que ses équipes ont découvert au fil de leur travail : « Un jour, nous avons dû complètement supprimer un personnage à cause de notre système. Nous l’avions introduit dans un seul des deux arcs narratifs. Or, si je choisissais le mauvais, je ne rencontrais pas le personnage une première fois avant de le revoir. C’est une drôle d’erreur mais ce sont celles qui ont fait notre quotidien lors de la production. »
Mais aucun des obstacles rencontrés ne semblent venir à bout de l’équipe patiente de Carla Fisher, qui depuis deux ans se motive en répétant, méthode Coué : « Ne serait-ce pas génial si on pouvait… ? » La cheffe d’équipe l’assure, c’est son mantra pour changer la télé.
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Quand on creuse un peu, Carla Fisher commence à détailler les changements lourds qui ont été nécessaires pour ces formats narratifs : « Déjà, il y a la question de l’encodage, qui est toujours central pour Netflix, qui a dû être abordée pour que l’on puisse diffuser ces épisodes au contenu différent. Ensuite, c’est l’ensemble des interactions classiques sur Netflix que nous avons du revoir : vous ne pouvez pas avancer ou revenir dans un épisode interactif, vous ne pouvez pas non plus le reprendre du début sans conséquence et enfin, vous devez garder avec vous votre télécommande. »
Côté matériel, il y a également un enjeu pour Netflix qui doit supporter des dizaines d’OS et appareils différents. Pour le moment, seuls Android, les appareils de type Chromecast et le web manquent à l’appel, toutes les autres plateformes (iOS, TV connectées, consoles etc.) répondent présentes pour les nouveaux formats. « Le reste viendra en fonction des premiers retours » précise Mme. Fisher.
Les enfants, cible test avant… les grands ?
Enfin, une fois que la directrice nous a permis de faire le tour de la conception de ces épisodes qui-n’en-sont-pas, on finit par lui poser la question qui nous brûle les lèvres : pour les grands, c’est quand ?
Malicieuse, l’experte nous renvoie aux studios : « Nous présentons aujourd’hui une solution qui fonctionne. Si nos créateurs sont intéressés, ils sont évidemment les bienvenus. » Comprenez, pour le moment, Netflix teste assidûment.
Pourquoi les enfants dès lors ? On nous explique que la croissance portée par les familles avec enfants est la plus importante pour la société. De plus, la moitié des abonnés Netflix regarde des contenus pour enfants.
Mais ce n’est bien sûr pas tout : Mme. Fisher qui a travaillé sur les programmes enfants du réseau PBS connaît sa cible : « Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, rigole-t-elle, mais les enfants sont intuitivement en interaction avec leurs personnages préférés. Ils leur parlent même s’ils sont dans un téléviseur, leur interaction est naturelle et volontaire. Nous avons souhaité travailler là-dessus en premier. »
Aux enfants désormais, d’être les héros d’une innovation qui pourrait bien rapprocher Hollywood et le jeu vidéo, une bonne fois pour toutes.
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