À l’occasion d’une riche programmation sur les plateformes de streaming (YouTube, OCS et Netflix) et de la marche des fiertés parisiennes, Numerama vous propose un parcours entre différentes œuvres pour découvrir, comprendre et se souvenir des luttes LGBTQI+. De l’Ouganda à la Corrèze en passant par Lyon, nous avons choisi des œuvres récentes et politiques qui donnent à penser et à s’émouvoir.
Motivée par la fin de la web-série Les Engagés de Studio4 (France Télé), notre playlist est également l’occasion de revenir avec son créateur et scénariste, Sullivan le Postec sur les obstacles et le sens d’une œuvre engagée à l’heure Internet. Si vous voulez retrouver plus de séries avec des héroïnes homosexuelles, vous pouvez également consulter notre sélection des meilleures séries lesbiennes.
Les Engagés, web-série — YouTube / France Télévision
Le long parcours pour produire une série gay
Nous sommes en 2010 lorsque Sullivan le Postec commence à travailler sur Les Engagés. Le garçon se cherche alors encore, journaliste et critique séries passionné, il regarde du côté du métier de scénariste avec humilité. Déterminé et certain d’avoir un sujet merveilleux, le garçon persévère et écrit un script pour une série sur l’engagement LGBTQI+. Elle restera peut-être dans ses cartons pendant plus de cinq ans, mais sans jamais qu’il l’oublie alors qu’il s’accomplissait en tant que scénariste auprès de TF1 et son Falco.
Lui qui a milité quatre années au cœur d’un centre LGBT lyonnais voit dans ses Engagés, ce monde militant, un « moteur à histoires inépuisable ». Il raconte : « L’engagement en général est générateur de conflits et de personnages, c’est une matière à séries ». Mais ce qui compte beaucoup pour lui, c’est également que l’engagement lui permette de raconter la vie homosexuelle autrement.
En effet, lorsqu’on demande au trentenaire ses inspirations, il parle forcément de Queer as Folk du britannique Russel T. Davies (1999), diffusé à l’époque sur Channel 4. La série qui fut une des premières à plonger sa narration dans la communauté homosexuelle donne à celui qui est encore un jeune sériephile l’envie d’écrire sur les LGBTQI+. Mais à la différence de beaucoup des shows qui sont alors diffusés, le Postec veut trouver un autre angle d’attaque que celui de la sexualité.
L’engagement, un vecteur d’histoires fortes
L’engagement est selon lui la solution pour parler homosexualité et différence sans passer par la case sexe. Lui qui est attaché à un « traitement politique d’une question de société » veut un show qui raconte l’homosexualité dans son quotidien et pas seulement dans son intimité affective. « Lorsque l’on met au centre l’homosexualité, on doit choisir un angle d’attaque, explique le scénariste, le mien fut l’engagement, un parcours personnel certes, mais également un motif pour créer des personnages forts et souligner les étapes qui font la vie d’un LGBT. »
« Tout le monde me disait que les chaînes n’en voudraient pas »
Sullivan recommence, à chaque non reçu, les efforts investis dans ce projet depuis 2010 : refus après refus, le scénariste continue de travailler encore et encore son format, son écriture et son univers. Alors qu’il imaginait au départ un drame au format 30 minutes, il présentera finalement en 2017 une web-série au format 10 mn, parfaite pour YouTube. L’essor de la fiction sur le web lui donne du souffle et de l’espoir pour plancher encore et toujours sur ses Engagés. Enfin, durant l’été 2015, la série naît officiellement lorsque Studio 4 (France TV) cède enfin.
«Tout le monde me disait que les chaînes n’en voudraient pas » se souvient-il. En fin de compte, il n’aura pas eu besoin de ces dernières. Studio 4 lance la machine : deux producteurs sont assignés au projet et les directeurs de casting s’apprêtent à parcourir Paris et Lyon pour débusquer leurs perles rares.
La route a été longue pour le scénariste. Il analyse aujourd’hui les raisons qui ont rendu si difficiles la création de sa série : « Avant 2013 et la Manif Pour Tous, les gens de la télé vivaient dans un milieu parisien très protégé, ils n’avaient pas conscience de l’homophobie du pays. » Mais les millions de Français dans la rue réveillent les dirigeants de chaînes et les créateurs : le scénariste y voit le signe d’un déclic.
Une série politique
Les Engagés s’est terminé après neuf épisodes diffusés sur YouTube il y a déjà une semaine et est actuellement diffusé sur TV5 Monde. Suivant l’itinéraire d’Hicham, joué par le jeune et doué Medhi Meskar, la web-série raconte une tranche de vie propre à la découverte de sa sexualité.
Au travers d’événements politiques, affectifs et communautaires, le jeune homme découvre un monde et des paradoxes qui le font grandir et devenir lui-même. Les téléspectateurs y voient les ressorts d’un microcosme, les obstacles qu’un ado gay traverse mais également la pression d’une société indifférente. Notons en plus que le clivage politique qui sépare le centre LGBT en deux clans est celui qui, depuis des décennies, scinde les LGBTQI+ entre eux.
Voir la saison 1 de Les Engagés sur YouTube:
Pride, comédie dramatique — OCS
Pride est une comédie dramatique un peu mielleuse. Son réalisateur, Matthew Warchus venu de l’opéra nous y raconte l’histoire vraie des militants LGBT qui sont allés au secours des mineurs gallois en 1984.
Dans une Angleterre thatchérienne, Warchus suit le parcours singulier de militants londoniens hauts en couleur qui vont pendant la grève, se lier avec des mineurs pour « faire tomber le gouvernement ». Mark Ashton, héros LGBT à la tête de notre groupe de révolutionnaires, observe un jour qu’il existe peu de différences entre le rejet des LGBT et celui des pauvres, des ouvriers et des mineurs. Jouant sur la convergence des luttes, le jeune homme convainc ses militants de mener un combat contre l’ordre établi et non pas seulement pour les LGBT.
Très théorique sur son sujet, le film reste une comédie dramatique anglo-saxonne, avec ses gags, ses larmes et ses personnages flegmatiques. On reprochera à Pride ses caricatures : les ouvriers mutiques et réactionnaires face aux homos drôles et danseurs ; mais le long-métrage tient suffisamment son spectateur et son sujet pour que l’on en sorte ému et moins inculte. Jonglant avec les dates et les questions qui traversent la communauté LGBT, du sida en passant par le libéralisme, Warchus livre une comédie british efficace et revigorante qui a toute sa place dans cette liste.
La Belle Saison, drame — OCS
La Belle Saison respire les années 1970. La silhouette de Pompidou trône sur la France, Mai 68 prolonge ses dernières luttes et se prépare la révolution féministe. C’est une époque où l’on croise des dizaines d’acronymes qui deviendront historiques : MLF (Mouvement de libération des femmes), MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) ou encore FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire) etc.
En somme, La Belle Saison s’installe à la fin de la révolution sociale pour y trouver, dans la défaite, les prémisses des luttes futures. Et au-delà de son sujet militant, l’émancipation féminine, Catherine Corsini, réalisatrice, tisse une histoire d’amour entre une Delphine et une Carole. Delphine (Izïa Higelin) vit dans la ferme de ses parents en Corrèze. Sa mère (formidable Noémie Lvovsky) n’a qu’un mot à la bouche : mariage. « C’est terrible la solitude » répète la marâtre. Et puis… Voilà Paris.
Delphine a quitté les champs pour le cœur battant de la France Pompidou. Là, c’est la rencontre avec le féminisme qui secoue la capitale. En archiviste, Corsini dévoile des slogans cultes, des chansons qui serrent le cœur du militant — « Levons-nous femmes esclaves et brisons nos entraves » — et puis la soif de liberté qui parcourt Delphine, et bientôt Carole (Cécile de France). Cette dernière est une radieuse et rebelle prof d’espagnol. Les deux ne tarderont pas à partager le genre d’amour qui fait scander, dans Paris, la révolution.
Et c’est là le moment fort du long-métrage de Corsini qui fait jaillir la passion, et son esthétique cinématographique, en même temps que la révolution dans ses personnages. Poursuivant le désir de libération se heurtant à la fois à la famille, à la société et à l’ordre établi, la réalisatrice fascine avec son drame solaire et social
The Pearl of Africa, documentaire — Netflix
Sur Netflix enfin, on découvre The Pearl of Africa, un documentaire passionné et précieux sur l’Afrique de l’Est. D’abord lancé comme une web-série documentaire, puis un long format, le projet du réalisateur suédois Jonny Von Wallström suit Cleopatra Kambugu, transsexuelle ougandaise.
Documentaire humaniste, on n’y apprend pas seulement la dureté de l’Ouganda avec les LGBTQI+ que le pays réprimande : on y voit la vie, dans sa difficulté et sa beauté, de Cleo et son petit ami. Histoire d’une femme qui veut devenir ce qu’elle est et le faire comprendre, The Pearl of Africa est militant et puissant. Mais c’est également un documentaire sur une société africaine qui se cherche, entre modernité et tradition.
Histoire d’amour singulière, chronique de la féminité noire, et fresque africaine, The Pearl of Africa est, en plus, un beau documentaire au ton froid et intime. Le courage de Cleo, lui, vient nous clouer et impose l’humilité. À voir.
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