C’est la fin de T411. Indisponible depuis dimanche soir, le célèbre site de liens BitTorrent a été neutralisé lors d’une opération de police franco-suédoise, selon une information rapportée ce mardi 27 juin par le journal scandinave Dagens Nyheter, et qu’un de nos lecteurs a signalé en commentaire. C’est une importante victoire pour les ayants droit, T411 étant le site francophone de référence en matière de P2P.
Le quotidien suédois indique que deux personnes ont été arrêtées par la police ; il s’agirait d’un couple de citoyens ukrainiens qui bénéficiait d’un permis de séjour en Suède et qui est accusé d’administrer T411. Un communiqué du parquet précise par ailleurs que quatre autres personnes ont été interpellées, dont un nombre indéterminé en France, et qu’elles « sont actuellement interrogées par les enquêteurs ».
Il est aussi indiqué que plusieurs serveurs ont été saisis par les forces de l’ordre, ce qui explique pourquoi le site de liens BitTorrent n’a plus donné de ses nouvelles depuis deux jours. Impossible en effet d’afficher la page d’accueil ou la moindre section du portail correctement, chaque tentative se soldant par une erreur 503 (« service temporairement indisponible ou en maintenance »).
Une opération de police franco-suédoise, des serveurs saisis
Les deux personnes ukrainiennes devraient être inculpées pour infraction au droit d’auteur et blanchiment d’argent. D’autres chefs d’accusation sont aussi à prévoir, au regard de l’ampleur que le site a pris au fil des années parmi les internautes et du business que les responsables du site ont pu générer avec l’audience du site.
En France, à la suite d’une plainte de la Sacem et de l’Alpa, le parquet de la juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes a ouvert en septembre 2014 une information judiciaire des chefs de contrefaçon, association de malfaiteurs et blanchiment, détaille le parquet de Rennes.
Il ajoute que le juge d’instruction spécialisé a confié les investigations à un groupe spécialisé de la section des recherches de la ville bretonne. « La section de recherches de Rennes était assistée à cette occasion par des enquêteurs ‘technologies numériques’ des sections de recherches de Angers, Lyon, Montpellier et Strasbourg ainsi que du groupement des Côtes-d’Armor » précise le parquet.
Deux jours d’incertitude
Depuis dimanche, et de manière prévisible au regard d’une indisponibilité du site qui n’en finissait plus, des théories ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter, les uns évoquant une maintenance qui aurait dégénéré, les autres craignant une action des autorités pour obtenir une bonne fois pour toutes la neutralisation de la plateforme, avec à la clé la saisie des serveurs.
La neutralisation survient au moment où le site comptait fêter ses 13 ans d’existence, avec une session libre de téléchargement à partir du 4 juillet (en clair, dans le fonctionnement de T411, cela veut dire que les téléchargements effectués sur cette période ne sont pas décomptés de l’enveloppe de trafic alloué à chaque membre — un système qui a été mis en place pour obliger la communauté à partager et ne pas que se servir sans rien donner en retour, afin de faire vivre le principe du P2P).
La nouvelle va certainement ravir l’industrie du divertissement en France. Rappelons que la société civile des producteurs phonographiques (SCPP) a lancé au mois d’avril 2015 une procédure judiciaire contre le site pour infraction au droit d’auteur. Cela a eu pour effet d’entraîner le blocage par les opérateurs de plusieurs domaines auparavant utilisés par T411.
Mais cela ne concerne que les adresses citées dans le jugement pas les nouvelles. Or, le site a souvent déménagé pour être accessible depuis une autre URL (la dernière fois, c’était au mois de mars). Pour obtenir le blocage d’une nouvelle URL, il faut que la SCPP repasse devant le juge. C’est ce qu’expliquait le tribunal de grande Instance dans son jugement :
« Toute mesure touchant un autre site doit être autorisé par une autorité judiciaire, les FAI n’ayant pas d’obligation de surveillance des contenus et la SCPP ne disposant pas du droit de faire bloquer l’accès à des sites sans le contrôle préalable de l’autorité judiciaire ». Cela dit, même à supposer qu’un blocage ait eu lieu, la section « wiki » du site est encore accessible (par intermittence).
En outre, il existe des techniques très faciles pour esquiver les mesures qu’utilisent en général les opérateurs pour bloquer l’accès à un site. Il suffit par exemple, pour un internaute, de modifier ses réglages DNS. Or, après vérification en passant par ceux de Google et de la fédération FDN, le site reste inaccessible, alors que ni l’un ni l’autre ne sont directement concernés par le jugement.
Un clone tente d’usurper T411
Une chose est sûre, la nature ayant horreur du vide, au moins un site tente de profiter de l’indisponibilité de T411. Accessible avec une adresse utilisant l’extension réservé aux Samoa américaines (.as), le site cherche manifestement à usurper l’identité du vrai site de liens BitTorrent. Or, une rapide observation permet très vite de découvrir la supercherie.
D’abord, le prétendu « nouveau » T411 n’a fait aucune annonce en sens (l’équipe a pourtant l’habitude de communiquer là-dessus). Il n’y a pas non plus de redirection automatique de l’ancienne adresse vers la nouvelle (traditionnellement, c’était le cas pour toutes les vieilles adresses du site). Des portions du site sont vides, comme le forum, et, bizarrement, le changement d’URL n’a pas été appliqué au « wiki » du site.
Enfin, lorsque l’on se rend sur un lien BitTorrent quelconque, les boutons d’action ( « Télécharger », « Dire merci! » et «Signaler ») sont associés à un lien de redirection qui pointe ni sur le site ni sur un lien Magnet permettant de récupérer le fichier torrent en question, mais sur un obscur site de streaming — du moins, le prétend-il, qui annonce que l’on peut streamer nos films et séries TV préférés gratuitement.
On est assez loin de l’esprit de T411.
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