En seulement 15 ans, le personnage de Spider-Man aura eu le droit à 6 films et 3 acteurs différents sur grand écran grâce aux adaptations de Sony. Cette juteuse licence a rapporté près de 2,5 milliards de recettes au studio rien qu’avec ses trois premiers films — à une époque où les longs-métrages de super-héros n’atteignaient pas systématiquement le milliard de dollars de recettes au box-office mondial.
Ce 12 juillet, le héros arachnide créé par Stan Lee et Steve Ditko dans les pages d’Amazing Fantasy #15 en août 1962 revient sur grand écran avec Spider-Man : Homecoming. Un nouveau reboot… seulement 5 ans après celui déjà initié par The Amazing Spider-Man.
Pourquoi le tisseur repart-il une énième fois de zéro ? Ce reboot sera-t-il le bon pour assurer la longévité de la franchise au cinéma ? Éléments de réponse.
Le point de départ : la mésentente Sam Raimi/Sony
Avant de fonder son propre studio de cinéma,
Après la trilogie réalisée par Sam Raimi au début des années 2000, couronnée d’un immense succès populaire, l’idée d’un quatrième long-métrage toujours dirigé par Raimi a été mise en projet après le presque milliard de Spider-Man 3.
Mais les différends créatifs ayant déjà marqué la production du troisième opus — Sony ayant imposé le personnage de Venom au réalisateur — refont surface. Cette fois-ci, le studio refuse Le Vautour comme méchant principal, sous prétexte que celui-ci ne serait pas assez vendeur de jouets. Sam Raimi, loin de se laisser décourager, fait du forcing auprès du studio. Mais ce dernier préfère finalement faire table rase du passé : il annule le quatrième opus pour partir sur un reboot avec Amazing Spider-Man,
Confié à Marc Webb, réalisateur assez peu connu mais remarqué avec le très joli (500) Jours Ensemble, cette nouvelle version avait pour ambition d’adapter certaines intrigues de la série de comics Ultimate Spider-Man, de Brian Michael Bendis, qui met en scène un Peter Parker jeune, dynamique, devant sans cesse jongler entre problèmes d’ado et affrontements super-héroïques.
Le raté d’Amazing Spider-Man
Dans les faits, The Amazing Spider-Man s’est finalement révélé un mashup entre la sensibilité dramatique de Raimi et des nouveautés assez cosmétiques afin de faire accepter les nouvelles origines d’un personnage que tout le monde connaît déjà.
Loin de l’ambiance adolescente de la série Ultimate, Amazing Spider-Man présentait alors Andrew Garfield dans le rôle de Parker, aux côtés d’Emma Stone en Gwen Stacy — personnage central des comics et relayé au second plan de Spider-Man 3 — et face à un des ennemis emblématiques (et inédit en salle) du tisseur : le Lézard.
Seulement, si le film engrange la modique somme de 757 millions de dollars dans le monde, les critiques du public et des fans sont extrêmement mitigées. La déception d’être confronté à un reboot si peu de temps après une excellente trilogie est forte. Ce premier faux pas va aggraver la crise autour de la gestion de la licence.
L’univers étendu de Spider-Man, un projet mort-né
Quand The Amazing Spider-Man sort à l’été 2012, Marvel Studios continue de gravir les échelons. Après les succès d’Iron Man, de Thor et de Captain America — ainsi qu’un joli rachat par Disney —, la branche ciné de l’éditeur de comics a définitivement posé les bases de son univers partagé au cinéma, concrétisé définitivement par le premier Avengers de Joss Whedon.
Sony est alors en retard, avec une licence forte mais qui permet difficilement de créer un univers tout autour. Pourtant, en enclenchant la production d’un Amazing Spider-Man 2, le studio réfléchit au développement d’un Spider-Man Cinematic Universe, où sont prévus des projets comme un film Sinister Six, un autre Venom ainsi qu’un long-métrage réunissant les personnages féminins de l’univers du tisseur.
La stratégie, poussive, sera totalement abandonnée après la sortie d’Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un Héros en 2014. Le second opus réalisé par Marc Webb déçoit grandement le public — entre le traitement du méchant Électro et son scénario fourre-tout — et rapporte moins que le précédent, avec « seulement » 700 petits millions au box-office mondial, soit le pire score d’un film de la licence.
En parallèle, Marvel Studios et Disney rencontrent un succès colossal et assez inattendu avec les inconnus des Gardiens de la Galaxie. De quoi faire réfléchir les pontes de Sony, Amy Pascal notamment, à l’époque vice-présidente de Sony Pictures et responsable de la licence du tisseur.
En novembre 2014, le piratage de Sony permet au public de découvrir des dizaines de milliers de mails sur la toile. Ils dévoilent de nombreux échanges internes et quelques projets en cours de discussion.
Parmi ceux-ci, on trouve notamment des échanges entre Amy Pascal et Doug Belgrad, président du studio, ce dernier avançant qu’un rapprochement avec Marvel Studios « créerait automatiquement une tonne de profit pour Sony en redynamisant le personnage. » Des révélations qui pousseront Sony, jusqu’à présent en simple négociation avec la partie adverse, à trouver un accord pour lancer, une troisième fois, le tisseur sur grand écran.
Au secours Marvel Studios, vous êtes notre seul espoir
Ces leaks sont un nouveau coup dur pour Sony, qui, en plus d’accuser un retard de plus en plus marqué concernant le développement de super-licences, se retrouve avec de nombreux scandales sur les bras, notamment celui du racisme latent d’Amy Pascal, obligée de démissionner de son poste de vice-présidente pour rester uniquement responsable de la licence Spidey. Elle va ainsi négocier directement avec Disney et Marvel Studios pour cette nouvelle version.
Marvel Studios est alors bien conscient de la volonté des fans de retrouver un héros plus jeune et, surtout, de son envie de délaisser Peter Parker pour mettre en avant un autre alter-ego sous le masque de Spider-Man avec Miles Morales, personnage crée par Brian Michael Bendis dans l’univers Ultimate, qui est hispano-africain.
Le mouvement est soutenu par Donald Glover, qui milite dès 2010 pour incarner un Spider-Man noir au cinéma. Seulement, le conservatisme de Sony et d’Amy Pascal vont calmer les envies de Kevin Feige, producteur et directeur de Marvel Studios. Un compromis est alors trouvé avec l’introduction d’un tout nouveau et très jeune Peter Parker en la personne de Tom Holland, mais laissant la place à des histoires et des personnages secondaires pouvant (peut-être) amener Miles Morales sur grand écran à terme.
Objectif : éviter une énième histoire des origines de Spidey
L’accord conclu inclut une apparition de Spider-Man dans Captain America : Civil War ainsi que deux autres dans les prochains opus d’Avengers et, surtout, la production de deux nouveaux films, entièrement financés par Sony. Dans ce partenariat, la branche ciné de Marvel ne récupère que les droits des jouets.
Après Civil War, Spider-Man : Homecoming est lancé en production, avec le réalisateur Jon Watts à sa tête. Un choix qui peut rappeler Marc Webb en son temps — jeu de mots arachnophile en moins — puisque ce nouveau metteur en scène n’a jamais réalisé de film à gros budget.
La volonté affichée est alors d’adapter une bonne partie de l’ambiance de la série Ultimate Spider-Man avec un héros lycéen plus joyeux et blagueur que les deux précédentes versions. Tom Holland, qui a fait ses débuts remarqués dans Civil War, enfile de nouveau le costume et évite cette fois-ci une intrigue sur les origines du héros, déjà deux fois mise en scène sur grand écran.
Et il semblerait que la formule soit la bonne, puisqu’en quelques jours seulement, le long-métrage a engrangé près de 257 millions de dollars dans le monde — avant même sa sortie dans plusieurs pays d’Europe.
Vers une guerre froide entre Disney et Sony ?
Ce rapprochement entre Disney/Marvel et Sony pourrait bien annoncer un avenir stable à Spider-Man, chaque partie y trouvant son intérêt. Mais un problème reste à régler : à qui appartient vraiment ce Spider-Man ?
Sony, encouragé par les retours critiques très positifs sur Homecoming, a déjà relancé son idée d’un Spider-verse avec l’annonce d’un projet Venom, réalisé par Ruben Fleischer (Bienvenue à Zombiland) avec Tom Hardy en tête d’affiche, tandis que les insistantes rumeurs de films Silver & Black et du maudit projet Sinister Six ont repris de plus belle.
Ces spéculations ont pris de court Kevin Feige, tout en apportant un léger flou sur les conditions du contrat de « partage » des droits de Spider-Man. Si, techniquement, Sony garde les droits, et donc peut faire apparaitre Tom Holland dans n’importe quel projet autour de Spidey, cela peut difficilement se faire en pratique car il faudrait comprendre que Venom et autres personnages font partie du Marvel Cinematic Universe (MCU). Une situation qui ne fait pas partie de l’accord, ni des envies de Feige, puisqu’il n’aura pas du tout la même influence créative sur ce type de projets que pour Homecoming et ses suites.
Vers une renégociation du contrat ?
On imagine sans mal que les deux parties vont ainsi devoir se mettre autour d’une table pour renégocier un prolongement de contrat ou, en tout cas, régler ce petit différend, qui est apparu de manière bien visible en pleine tournée promotionnelle. Seulement, Sony et Amy Pascal étant de nouveau en position de force grâce à cette collaboration, il se pourrait que les deux compagnies tombent en désaccord sur le sujet.
Rien pour l’instant ne semble aller dans ce sens là, mais c’est une éventualité à prendre en compte. D’autant que Marvel Studios s’est montré bien malin en introduisant quelques éléments autours de Miles Morales dans Homecoming, lui permettant le cas échéant de laisser Tom Holland à Sony pour se doter de son propre Spider-Man au sein du MCU.
L’avenir nous en dira un peu plus sur la décision prise par les deux studios. Mais une chose est sûre : Spider-Man semble bel et bien revenu au sommet de sa popularité, et l’on espère que ces conflits de gros sous et de positionnement ne viendront pas gâcher ce retour en force.
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