Luc Besson n’a subi aucun regard, aucune exigence de la part d’un studio pour son Valérian et la Cité des mille planètes. Personne n’a prévenu le cinéaste que ses dialogues étaient mal écrits, probablement mal traduits, que son scénario n’avait pas le moindre enjeu et enfin, qu’il n’est pas permis de dérober ses idées à des milliers d’univers ici et là pour faire croire à sa créativité.

Le Hollywood Reporter, particulièrement dur avec Valérian et la Cité des mille planètes dans la critique écrite au chalumeau par Todd McCarthy, n’a pas raté Besson et son dernier fantasme à près de 200 millions d’euros.

Mais quoi qu’en disent les Français, les critiques américaines possèdent le détachement et la désinvolture nécessaire à l’égard du cinéma national pour servir, à sec, leur pugilat. Et si à Paris on trouve de plus en plus de contradicteurs — « mais si, je vous assure c’est un bon film, les Ricains détestent car ils veulent garder leur monopole… » –, le film reste insauvable.

Et pour ceux qui croient y voir un blockbuster « différent », allez faire un tour à Busan ou lisez plutôt la BD originale de Mézières et Christin.

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Cet avertissement passé, j’en ajoute un autre : la projection presse ayant été tenue dans des conditions délicates, j’ai pris mon mercredi soir pour enquiller deux heures du palimpseste le plus bancal de l’année. Comprenez dès lors, que je n’ai aucune envie et encore moins de raisons de ménager Europa — rappelons quand même que le bientôt sexagénaire Besson s’est fait offrir sur un plateau d’argent un crédit d’impôts par l’État français à la mesure de son « génie ».

Besson, dans toute sa touchante humilité, nous prédisait, si nous ne lui offrions pas une réduction sympa sur ses taxes, la mort du cinéma français, sans détour. Aujourd’hui, le cinéma français tient une certitude : le modèle Besson est hasardeux et ne bénéficie, à la fin, qu’à un homme qui assouvit ses fantasmes personnels. Au mieux, quelques seconds rôles seront découverts aux US, au pire, il livre un navet imbitable et enterre l’espoir de voir une SF nationale exister sans complexe d’infériorité.

Un navet sur fond vert

Le THR, justement, a livré, en plus de sa critique, un papier qui semble tout dire de Valerian par le biais technique : « Valerian contient 2 355 effets spéciaux, 600 de plus que Rogue One ». Un titre déjà éloquent qui se complète d’une citation assez savoureuse de Cara Delevingne, qui campe péniblement Laureline dans le nanar : « En gros, nous tournions chaque jour devant un fond bleu. Sur six mois, nous n’avons tourné que deux semaines dans des circonstances normales. »

Photo courtesy of STXfilms and EuropaCorp

Photo courtesy of STXfilms and EuropaCorp

Les acteurs luttent contre leurs propres doutes

Dès lors, il est presque compréhensible de voir le duo DeHaan et Delevingne lutter contre leur propre scepticisme pour jouer des rôles qu’ils ne comprennent pas, et nous non plus. Si l’ancienne mannequin nous honore d’une prestation qui compte au mieux une quinzaine d’émotions, toutefois, elle s’en sort nettement mieux que DeHaan qui a toujours l’air perdu, exténué, et ne regarde jamais au bon endroit. Il se perd lui-même (et son personnage) pour enfin, livrer un Valérian inconsistant et dénué de vie.

La faiblesse de l’exposition assez manifeste du manque d’enjeux du film ne fait qu’annoncer l’ennui à venir. Ainsi, visage poupon et carrure de prépubère, DeHaan nous explique être un « bad boy » qui enchaîne les conquêtes et a peur de s’engager — c’est déjà très inventif… — mais en fait, à l’écran, on observe sans y croire ce petit bout qui s’active sans jamais camper son rôle, dénué d’aspérités et miné par des dialogues d’une débilité ahurissante. Bad boy ce petit blanc-bec incapable de trouver le moindre atome crochu avec sa partenaire ? Il serait temps de réviser son Han Solo

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Palim-palimpseste

Car évidemment, avec Besson, les clins d’œil et citations ne sont jamais loin du réchauffé raté. Ainsi, en deux heures, le bestiaire, les tentatives de personnages, les vaisseaux, les mondes, les courses-poursuites, vous rappelleront trente ans de SF compilés ici, sous le sceau baroque d’un quinqua régressif et qui picore visiblement dans un corpus populaire.

Au moins, dans « Valerian », Mass Effect rencontre Star Wars qui rencontre Metal Hurlant, qui rencontre James Cameron, qui recontre...

Au moins, dans Valérian, Mass Effect rencontre Star Wars qui rencontre Métal Hurlant, qui rencontre James Cameron, qui rencontre…

Un final qui arrive trois quarts d’heure trop tard

Pas moins de deux courses-poursuites avec une grosse bêbête « rythment » le space-navet. Problème : elles sont peu ou prou identiques. L’inventivité et la créativité, malgré l’avalanche de superlatifs dégainés par Europa, ne sont pas au rendez-vous. Enfin, on s’énerve vraiment de voir les effets spéciaux être si peu voués aux gémonies — comprenons-nous, c’est le moins pire dans ce carnage — alors qu’ils sont quand même clairement datés et souvent crado.

L’inventivité visuelle louée ici et là est en réalité un foutoir baroque et suranné, qui passait pour de l’originalité en 1997, mais semble aujourd’hui condamné à être comparé, comme McCarthy le fait, à de l’euro-trash. Ni les Na’vi nacrées et leurs billes de bains, ni les trois pigeons atroces, ni même les décors façon Tatooine à la crème fouettée de la première partie ne répondent à une quelconque nécessité.

Les idées douteuses se multiplient, et l’on sent un Besson qui trépigne de nous les exposer, sans jamais s’arrêter jusqu’à un final qui vient trois quarts d’heure trop tard. À quel moment les créations sont-elles mises à contribution pour servir un scénario ? Je ne sais pas.

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Véritable cirque visuel, le film va jusqu’à s’auto-teaser dans des séquences très gênantes qui ne sont pas des ellipses temporelles mais bien des bandes-annonces à l’intérieur même du long-métrage — l’envie de me foutre en l’air avant la fin du calvaire me traverse, mais j’ai promis de rester jusqu’à la fin. C’est épuisant, on sent s’alourdir sur notre joue l’ego de Besson, on croit la blague prête à s’arrêter mais voilà que ça repart : ex nihilo, une bataille spatiale dans laquelle, enfin, un méchant se dévoile. Mais son accoutrement de SS, remixé par un Courège low-cost, termine de nous convaincre qu’il est trop tard pour sauver quoi que ce soit de Valérian et la Cité des mille planètes.

Piou, piou, pan, pan, « L’amour est plus fort que les armes », pschit, badaboum : voilà, Besson nous a balancé à la gueule 58 années de fantasmes sur une BD qui donne à son fan l’occasion de littéralement vider ce qu’on imagine être des années de mauvaises idées notées dans des calepins.

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Des bonnes idées sacrifiées

Patchwork et délié, Valerian a ce mérite d’être artisanal : on suit l’apprentissage du rôle de Delevigne et DeHaan en même temps qu’eux, on doit tolérer des textures 3D baveuses — on s’en veut de s’être plaint des CGI mal finies des Marvel qui paraissent ici futuristes — et un scénario qui semble attendre une relecture et une traduction convenable. Précision pour M. Besson et son équipe : les blagues en français, une fois traduites mot à mot, ne fonctionnent pas en anglais.

Enfin, parce que je ne compte pas passer ma journée à énumérer les problèmes cinématographiques de Valerian, j’ai eu l’idée de conclure par une liste sommaire, tout à fait subjective : la BO de Desplat est non seulement pas terrible, mais particulièrement mal utilisée. Ajoutons que le film contient également des remix particulièrement lourdinques de Bowie et des Bee Gees. La perspective est malmenée par des CGI qui s’empilent les unes sur les autres sans transitions ni logique d’univers.

Chris Tucker tient le même rôle burlesque et pathétique que dans Le Cinquième élément. Il y a vraiment un problème de finition des effets 3D. Malgré un très bon montage des trente premières minutes qui est la seule qualité du film, le manque de cinématographie, en son sens premier, du long-métrage est le pompon : les teasers étaient pourtant bourrés de bonnes idées, mais celles-ci s’effondrent à l’épreuve d’une réalisation stroboscopique.

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Certes, si vous avez deux heures à perdre et beaucoup de bile à évacuer, Valérian et la Cité des mille planètes est une expérience intéressante. Autrement, si vous avez plus de quinze ans et un peu de respect pour le genre ici insulté, vous pouvez regarder le dernier Star Trek, la prélogie Star Wars — pour retrouver le Coruscant décalqué dans Valérian Avatar et les Gardiens de la Galaxie : les meilleures idées chipées par Luc Besson s’y trouvent dans leur forme originelle.

Le verdict

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2/10

Valérian et la cité des milles planètes

Film crétin et égoïste, Valerian se contrefout de son public. Le long-métrage semble n'avoir qu'un seul objectif : réaliser un rêve à la démesure de la carrière de Luc Besson. Le spectateur y est ignoré, le charme est absent et la vitalité est désincarnée. Comme une bête immonde du bestiaire cradingue du cinéaste, le film déglutit des tonnes de morve dans laquelle on trouve, pêle-mêle, quelques séquences de projets réchappés des cartons d'Europa et beaucoup de « références » peu délicates.

En fait, Valérian c'est cet album de reprises frauduleuses des grands standards du rock par un groupe d'inconnus peu doués, quand vous le passez en mode aléatoire sur des enceintes qui crachotent. 

Ailleurs dans la presse :

  • Le Hollywood Reporter : « Euro-trash is back, while sci-fi will need to lick its wounds for a while. »
  • Libération : «  Le cœur héroïque, l’espèce de fraîcheur pop et baroque que le cinéaste recherche comme en souvenir de l’embrasement imaginaire qui fut le sien à 13 ans, restera, au cours de ces deux heures de péripéties, insaisissable et vide, désincarné. »
  • Le Monde : « Laissant ses personnages à l’état de figures, ses situations à l’état d’esquisses, Besson n’a pas su combler le vide entre les cases de la bande dessinée. Le ­récit, la chair, la vie, font défaut. »
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