Il est certainement l’auteur de comics / romancier / magicien le plus influent de sa génération. Offrant une vision inédite des super-héros et de la société américaine dans Watchmen ou inspirant malgré lui le mouvement contestataire Anonymous avec son sublime V pour Vendetta — entre autres chefs d’œuvre tels que Promethea, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires ou encore From Hell —, Alan Moore est un artiste brillant, qui se fait volontairement très rare dans les médias.
Mais, à l’occasion de la sortie française de Jérusalem, son dernier roman de plus de 1200 pages, le natif de Northampton, au Royaume-Uni, a accordé un entretien à Jérôme Schmidt, fondateur des éditions Inculte et documentariste pour Arte.
L’interview prend la forme d’une web série documentaire, Dans la tête d’Alan Moore, accessible sur le site de la chaîne franco-allemande. L’occasion de partager, notamment, son point de vue sur les Anonymous ou encore sur les technologies de l’information.
A pour Anonymous
Concernant la réutilisation du masque de Guy Fawkes — symbole porté par le personnage de V — par le mouvement hacktiviste, Alan Moore prend une certaine distance : « Anonymous et l’adoption en masse du masque de V pour Vendetta ne sont apparus qu’après la sortie d’un film que je n’ai jamais voulu voir, avec lequel je ne veux pas être associé et dont j’ai demandé de retirer mon nom. » Il faut dire que Moore a toujours été opposé aux adaptations de ses œuvres au cinéma, tout le propos de chacune d’entre-elles ayant été, à ses yeux, totalement dénaturées par leurs passages sur grand écran.
Le scénariste anglais ne possède même plus de copie de sa création chez lui, comme un ultime signe d’une distanciation avec ce qu’elle est devenue mais aussi pour ne pas garder de vestiges de ce qu’ils qualifient « d’amitiés brisées » et de « propriété intellectuelle volée », faisant références aux dessinateurs comme David Lloyd ou Dave Gibbons, qui ont donné leur aval pour les adaptations au cinéma, tout comme l’éditeur DC Comics, d’ailleurs.
Sur les actions du mouvement, Alan Moore refuse logiquement de les soutenir intégralement mais se dit malgré tout « content que des mouvements contestataires utilisent une imagerie marquante, car cela donne un certain romantisme et un aspect dramatique à leurs luttes. » Cependant, l’auteur conclut avec une pointe d’ironie en rappelant que « si j’ai toujours refusé le moindre centime des produits dérivés de ce film indigne, tous ces masques officiels de V pour Vendetta rapportent des fortunes à des multinationales. »
Un regard inquiet sur les technologies de l’information
Autre sujet abordé lors d’un des huit épisodes de cette série documentaire : les technologies de l’information et leur perception par les peuples à travers le monde. « Pendant la Renaissance, la quantité totale d’information acquise durant les millénaires précédents a doublé. Puis, elle a doublé a nouveau en quelques centaines d’années. Encore une fois dans les années 60/70. Désormais, l’information double en moins d’un an. Il y aura un moment où l’information doublera chaque seconde. »
Une accélération due selon lui aux nombreuses innovations technologique des décennies écoulées et notamment avec l’essor du web : « Une technologie comme Internet abolit le concept de géographie physique car la distance n’a plus de sens, les frontières nationales ne veulent plus rien dire. Elles ont perdu tout intérêt. »
Une projection effrayante qui, toujours selon l’auteur de Watchmen, peut faire peur à des gens qui en viennent à « désespérément essayer de revenir en arrière, à une époque où ils comprenaient — ou pensaient comprendre — ce qui se passait. » Une peur et un phénomène de repli, aussi bien politique que religieux, qui seraient les racines du renouveau du fondamentalisme et du fascisme : « La nostalgie et le ressentiment sont les deux ingrédients qui mènent le plus directement au populisme et au fascisme qui pullulent dans les esprits de nos société modernes » affirme-t-il, en référence à Trump et au Brexit, notamment.
Dans la tête d’Alan Moore ne se limite pas qu’à ces deux seuls sujets, chaque épisode traitant d’une des passionnantes facettes de l’écrivain anglais. De son point de vue sur la contre-culture en passant par sa passion pour la magie, ses convictions politiques et son attachement à sa ville natale, Northampton, cette série est un petit bijou pour qui veut découvrir cet auteur complexe, passionnant et qui n’a certainement pas fini de nous éclairer de son talent.
L’intégralité de la série est disponible sur le site d’Arte. Si vous voulez un peu de rab de l’auteur, vous pouvez également jeter une oreille à l’heure d’entretien accordé à France Inter. Quant au roman Jérusalem d’Alan Moore, il est disponible en France, traduit par le romancier Claro et publié aux éditions Inculte.
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