Cette année 2017 ne déroge pas à la règle : après un été assez calme en terme de sorties, c’est l’avalanche en ce mois de septembre qui s’achève.
La fin d’une des meilleures séries Marvel de ces dernières années, l’intégrale d’un chef d’œuvre français, une petite pépite indépendante ou encore une vision originale de l’adolescence du plus grand héros de la Terre… Voici les cinq titres à ne pas manquer pour la rentrée.
The Grocery
L’éditeur roubaisien Ankama, connu en grande partie pour les séries Dofus et Wakfu, possède un catalogue d’albums de bande dessinées des plus riches, avec notamment les œuvres de Mathieu Bablet ou encore le chef d’œuvre de RUN, Mutafukaz, qui va avoir le droit à une adaptation au cinéma. Parmi les pépites dont regorge l’éditeur français, on peut citer The Grocery, une série en 4 tomes écrite par Aurélien Ducoudray et dessinée par Guillaume Singelin, racontant l’arrivée d’Eliott, un jeune élève timide et studieux, dans un quartier tendu de Baltimore, alors que son père vient de réaliser son rêve en rachetant une petite épicerie.
Présenté comme un mélange déjanté entre The Wire et Meet The Feebles, la série surprend par l’évolution de son ton.
Avec une ambiance proche de l’absurdité des Lascars, l’intrigue va petit à petit plonger ses personnages grandes gueules et hauts en couleurs dans une réalité sociale brute, une violence de rue ultra crue, révélant des parcours tragiques et des intrigues terriblement dramatiques. Aurélien Ducoudray semble fasciné par différentes mythologies américaines, du phénomène des gangs à la condition des soldats ou des populations immigrées chez l’Oncle Sam. Le cocktail est servi par un Guillaume Singelin qui montre toute l’étendue de son talent, aussi libre que précis en terme de découpage, de design de ses personnages — lui permettant des extravagances de mise en scène soulignant la violence — et même des couleurs, avec une texture peinture du plus bel effet.
Ankama a eu la bonne idée de réunir l’intégralité des quatre tomes de la série dans un massif album de plus de 400 pages. Que ce soit pour anticiper le 25 décembre ou pour dévorer dès maintenant, ne passez surtout pas à côté de cette pépite brut qui ne demande qu’à être lue et relue pour mieux en apprécier sa richesse. Le coup de cœur du mois.
Superman American Alien
Les origines de Superman sont peut-être les plus réécrites de tout les personnages de la bande dessinée américaine. Il faut dire que l’histoire de cet enfant extraterrestre, dont la planète natale a disparu et que les parents ont réussi à sauver en l’envoyant sur Terre, résonne tout particulièrement avec l’histoire de l’Amérique du Nord, terre d’accueil de nombreux migrants d’Europe et d’Afrique.
Mais avec American Alien, le scénariste Max Landis (Chronicle) se permet de revenir aux origines de Kal-El, afin cette fois d’explorer une période assez peu riche en récits : son adolescence, du moment où il maîtrise ses pouvoirs, à son arrivée à Metropolis jusqu’à qu’il endosse le costume rouge et bleu.
Cet album, une mini-série complète de sept numéros, se compose ainsi de sept récits différents, contés dans l’ordre chronologique, et revenant sur un aspect bien précis de l’apprentissage du jeune Clark Kent. Cela permet au scénariste d’offrir sa vision du mythe, en passant en revue les valeurs morales du personnage, pour mieux leur rendre hommage. Car c’est ce qui saute finalement au yeux à la lecture : une forme d’admiration de Max Landis pour Superman.
Loin d’un cynisme facile, l’auteur synthétise tout ce qui fait du plus grand héros de la Terre le parfait symbole de l’idéologie américaine, tout en révélant un jeune homme naïf, souhaitant simplement le bien et mettre ses talents à disposition de l’humanité. Ce faisant, le scénariste touche à des thèmes sensibles, inattendus et rafraîchissants parmi les nombreux récits consacrés au Big S. D’autant que plusieurs dessinateurs stars offrent des pages sublimes au jeune héros, comme Francis Manapul, Tommy Lee Edwards, Jae Lee ou encore Jock.
Si vous cherchez une relecture originale du mythe, Superman American Alien s’impose comme un incontournable. À travers un concept qui pouvait sonner quelque peu redondant, Max Landis s’offre une jolie tribune pour communiquer tout son amour pour le personnage, pour l’idéal qu’il véhicule mais aussi pour le parcours de l’homme. Une jolie lettre d’amour, en somme.
Le Beffroi
Contrairement à ce que les apparences peuvent laisser penser, non, la bande dessinée américaine ne se résume pas aux seuls super-héros, loin de là.
La preuve avec Le Beffroi, un récit de fantasy post-apocalyptique qui se déroule sur une Terre radioactive où des tribus d’humains ayant survécu côtoient des êtres mutants possédant différentes caractéristiques, appelés déviants. Différentes tribus peuplent ces terres désolées, mais elles prêtent toutes allégeance au Beffroi, une citée construite sur une cinquantaine d’étages, divisant les différentes classe sociales par ordre d’importance. Une société monarchique qui s’est reconstruite en prônant la tolérance et l’acceptation des différences, avant que la mort de son bien-aimé souverain ne bouleverse la vie de la cité. Dans ce contexte, l’intrigue suit Shå, une déviante chargée de la protection de la ville au sein de la Garde Urbaine, qui va mener une enquête sur des meurtres sanglants, potentiellement liés aux changements politiques du Beffroi.
L’univers de cette BD de Simon Spurrier et Jeff Stokely (Six-Gun Gorilla) peut paraître compliqué de prime abord mais il se révèle tout bonnement fascinant une fois plongé dedans. Mélange d’influences diverses, avec une ambiance qui navigue sans cesse entre polar, fantasy, post-apo et comédie romantique, Le Beffroi propose un imaginaire riche et assez unique, à tel point que l’on regretterait de ne pouvoir y retourner une fois les huit chapitres de l’album achevés.
D’autant plus que Simon Spurrier apporte un soin tout particulier à son héroïne principale, dont les tourments intérieurs se révèlent assez touchants et porteurs d’un joli message sur la société qu’elle doit défendre. Il est assez amusant d’observer le parallèle que peut faire par moment le scénariste entre son univers et la société actuelle. Assez bavard, l’album se dévore malgré tout avec un incroyable plaisir, bien aidé par la fluidité des dessins de Jeff Stokely. Dans un style proche de Moebius, sublimé par des couleurs vives d’André May, son travail se révèle des plus efficaces.
Le Beffroi est une histoire très personnelle, arrivant à passer en revue bon nombre de thèmes — la sexualité, la peur de l’autre, l’organisation en société, le poids de l’héritage —, tout en livrant une aventure dynamique et passionnante, La petite pépite d’or brut qui se cache ce mois-ci chez Akileos.
American Monster
On a parlé du bon côté de l’Amérique. Parlons maintenant de ses démons. American Monster est l’une des dernières créations de Brian Azzarello, un auteur américain qui a déjà largement sondé les bas fonds de sa patrie natale dans 100 Bullets.
Inspiré par la fin de la guerre en Irak et les images et récits de soldats revenus du front, le scénariste narre une histoire où un homme massif et au visage hors du commun va débarquer dans une petite ville de l’Amérique profonde. Si cette figure de « monstre » en quête d’une mystérieuse vengeance est essentielle au récit, c’est bien les habitants de cette ville qui en sont également les protagonistes, d’un groupe de jeunes lycéens perdus en passant par des trafiquants d’armes ou encore par des religieux néo-nazis assoiffés de pouvoir.
American Monster est une très jolie surprise pour de multiples raisons. Déjà, car c’est l’un des premiers titres d’un tout nouvel éditeur, Snorgleux Comics, lancé par une librairie marseillaise et qui a vocation de proposer les meilleures séries US indépendantes, notamment celles d’Aftershock, qui a publié la série outre atlantique.
Ensuite, car ce premier tome signe le retour d’un Brian Azzarello à la fois brut de décoffrage et sans concession sur sa vision de USA, tout en montrant un amour pour ses personnages, aussi torturés, vicieux ou tarés soient-ils. Avec une narration chorale des plus dynamiques, les chapitres se dévorent au rythme d’une intrigue plus riche qu’il n’y paraît. D’autant qu’elle aborde de multiples thèmes, aussi bien d’actualité que dans l’air du temps, avec un style percutant et des dialogues faisant honneur aux passages les plus vulgaires des films de Tarantino.
Le seul fait de voir un scénariste de la trempe de Brian Azzarello revenir sur du thriller ancré aux USA est un petit évènement en soi. Mais, en plus, ce premier tome d’American Monster se révèle excellent, percutant, introduisant à merveille sa galerie de personnages pour nous amener sur des pistes encore assez floues et intrigantes.
Uncanny X-Force
Lors de son passage chez Marvel Comics, le scénariste Rick Remender a pu toucher à de nombreux personnages : Punisher, les Avengers et son penchant Secret, Venom, Captain America et un bon paquet de mutants, parmi lesquels l’équipe de commando Uncanny X-Force, mené par Wolverine.
Réunissant Psylocke, Deadpool, Fantomex et Archangel, cette petite troupe a pour mission d’éliminer les menaces les plus sanglantes avant qu’elles ne fassent de lourds dégâts. Leur première mission était de neutraliser une version enfant d’Apocalypse, ressuscité pour régner sur le monde. Tuer un enfant n’étant pas chose aisée, du moins moralement, cette mission originale va ébranler les limites des membres de l’équipe, avant de les faire affronter toute une série d’autres menaces. La série arrive à son terme avec ce quatrième tome, racontant le dernier baroud d’honneur de l’équipe de Logan, qui va ainsi devoir faire face aux conséquences des actes commis depuis le début du titre.
De toutes les séries qu’il a pu écrire pour la Maison des Idées, Uncanny X-Force est définitivement la meilleure. Récit d’action super-héroïque débridé, aventure riche et inattendue se focalisant en grande partie sur la psychologie de ses personnages pour mieux les torturer et lettre d’amour aux X-Men et à sa mythologie épaisse de près de 50 ans d’histoires : la série de Remender est tout cela à la fois.
Le scénariste de Black Science a un goût prononcé pour les anti-héros et leurs questionnements moraux. Cela lui permet ici de créer un attachement immédiat pour le destin de ses protagonistes, et ainsi de décupler la tension et l’émotion des dangereuses menaces qui pèsent sur les mutants. D’autant que, d’arc narratif en arc narratif, Rick Remender enchaine les collaborations fructueuses avec des dessinateurs de talent comme Jérôme Opeña, Esad Ribic ou Mark Brooks pour le début de sa série, ou bien Phil Noto et Julian Totino Tedesco dans ce quatrième et dernier tome.
Si Rick Remender a préféré prendre la tangente et quitter la Maison des Idées, lassé d’écrire des histoires sur des personnages qui ne lui appartient pas et dont il n’a aucun droit dessus, Uncanny X-Force reste comme l’un de ses meilleurs travaux, tout éditeurs confondus. Une série brutale, sans concession, prenante et passionnante, servi en majeur partie par des dessinateurs user talentueux mais qui n’ont pas encore gagné le statut de superstar de l’industrie. Du tout bon, disponible dans 4 Marvel Deluxe chez Panini Comics, que vous soyez lecteur Marvel ou non.
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