Lemonade, le dernier album de Beyoncé a été gravé sur vinyle et commence seulement à être livré à des fans ayant payé pas moins de 300 dollars. Problème : une des faces des disques contient un autre album. Une erreur de gravure qui souligne une industrie plus que jamais désobligeante avec ses produits.

Rééditions à la chaîne, attention portée aux disques proche de zéro ou encore des fichiers MP3 gravés comme s’il s’agissait de matériel propice aux vinyles : l’enthousiasme pour les galettes semble ouvrir la porte à toutes les formes d’escroqueries et de négligences de la part des labels et des manufactures.

Le vinyle perd la face

Dernière manifestation de cette ruée vers l’or peu attentionnée : l’édition vinyle de Lemonade, dernier album en date de Beyoncé, vendue à pas moins de 300 $ aurait été particulièrement mal gravée. Annoncée en mai 2017, l’édition très spéciale de l’album serait en cours de livraison aux fans l’ayant précommandée au printemps.

Toutefois, ces derniers ont eu la désagréable surprise de découvrir que toute une face d’un des 33 tours est en fait une gravure d’un album de punk du groupe canadien Zex. Il s’agit selon Pitchfork de la face A de leur album de 2017 Uphill Battle. Les titres du groupe sont gravés en lieu et place de l’ouverture de Lemonade, soit là où les sillons devraient contenir Hold Up par exemple.

Columbia Records a précisé au média américain qu’il s’agissait d’une erreur à imputer à la manufacture allemande Celebrate Records utilisée par Sony pour graver des vinyles. De fait, tous les vinyles européens de Lemonade contiendraient l’erreur. Aucun des artistes ne serait au courant de la mauvaise manipulation selon la major qui précise en outre que les fans seront remboursés et obtiendront une copie gratuite de remplacement.

Côté fan, Pierre d’Almeida, journaliste pour Buzzfeed, imagine déjà la réaction de la chanteuse : « Quand on sait que Beyoncé aime avoir une maîtrise totale de la façon dont elle présente son art, on ne peut imaginer qu’elle ait pris la nouvelle avec le sourire… » En l’occurrence, il est peu probable qu’elle soit mêlée à l’erreur de gravure, mais l’incident pourrait la vacciner des presseurs peu regardants alors même qu’elle avait lancé le projet de vinyle sans recourir à une major.

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Pierre rappelle une anecdote qui pourrait convaincre les acheteurs que l’erreur sera prise au sérieux : « En 2009, en plein concert à Rotterdam, on l’entend distinctement chanter « Lights! Somebody’s getting fired » [lumières ! Quelqu’un est en train de se faire virer] sur l’air de « Diva », histoire d’expliquer à la personne chargée des lumières qu’elle est en train de faire une connerie, sans pour autant arrêter de chanter. »

Mais l’exigence des artistes ne suffit pas toujours à faire des bons vinyles. L’industrie du pressage et sa saturation par les majors sont pleinement en cause.

L’incident de trop ?

L’incident intervient à peine quelques jours après le scandale, similaire, ayant touché les Queens of the Stone Age et la musicienne Gordi. Cette dernière avait découvert que certaines de ses copies ne contenant pas sa face B, mais celle du dernier album de QOTSA alors même qu’il n’était pas encore sorti.

N’y aurait-il pas là un motif de négligences répétées ? Pour Ed, disquaire passionné proposant la box vinyle du Wax Buyers Club, l’incident n’est pas étonnant. Il explique : « Ce n’est pas un mystère, les majors font ce qui leur rapporte le plus actuellement : presser des rééditions d’albums déjà vendus à des millions d’exemplaires et, de fait, elles saturent les presseurs avec des commandes à très grosse échelle. »

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Imposant des prix bas sur ce type de réédition de fond de catalogue, les grands tirent le marché et surtout les manufactures vers le bas. Le disquaire qui fait graver en exclusivité les vinyles de son Wax Buyers Club connaît le problème : « Pour les petits groupes et les petites quantités, les délais s’allongent, et la qualité ne suit pas, car les gravures sont trop rapides, il faut porter une attention constante à nos disques. Et tout cela coûte et de l’argent, et du temps : des raretés dans l’industrie. »

En outre, l’enthousiasme populaire pour la galette a fait exploser une demande sans que l’offre suive. Ed analyse une période de réajustement du marché qui n’est pas près de se finir et qui, logiquement, aboutit à des mauvais disques et une offre de mauvaise qualité. Il ajoute : « Nous faisons, au Wax Buyers Club, toujours un pressage test par exemple, autrement, on ne sait pas trop ce que va donner la gravure, mais ça encore, c’est du temps et de l’argent… »

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