On critique souvent, à tort ou à raison, le manque de jeux exclusifs de poids sur Xbox One (et Windows 10 par extension). Ce serait minimiser le catalogue proposé par le label ID@Xbox, dans le sillage d’Ori and the Blind Forest en 2015. De toute évidence, Cuphead, annoncé de longue date, s’inscrit dans cette trempe. De la fraîcheur, un bel enrobage, de la générosité, des idées pleines. Et nous pouvons bel et bien l’affirmer après s’y être arraché les cheveux : oui, Cuphead est une franche réussite. Sauf si la difficulté n’est pas votre tasse de thé. Sans mauvais jeu de mot bien sûr.
Le Ori de 2017
Avant d’entrer dans le vif de sujet, autant commencer par les apparences, qui plus est quand elles sont aussi mirifiques. Cuphead est d’une beauté absolue. Baignant dans l’atmosphère des dessins animés des années 30, le jeu de Studio MDHR bénéficie d’une patte artistique à nulle autre pareille, nourrie par une tonne d’artifices visuels et gavée de détails qui font mouche (exemple : dans les menus, l’année 1930 apparaît). On pense en premier lieu à la bouille des personnages, à leurs mimiques et leurs tics leur conférant un charme certain qui fait tac. Quitte à rendre les ennemis amicaux alors qu’ils sont loin de l’être.
Alors, oui, c’est parfois un peu le barnum à l’écran, et bien davantage quand les pièges meurtriers s’amoncellent, ce qui peut nuire à la visibilité et provoquer quelques crises de colère quand un projectile est hors champ (on a par ailleurs constaté quelques microralentissements pouvant être fatals). Mais toujours est-il que Cuphead est chatoyant comme jamais, s’accompagnant d’un jazz de velours pour apporter toujours plus d’authenticité et appuyer cette volonté de bercer le joueur dans les années 30. Mais si Cuphead a l’apparence d’un dessin animé, il a la substance d’une véritable épreuve mentale.
Il peut rendre dingo sauf qu’il n’y aura pas Mickey ni Minnie pour vous sauver.
Thé ou café ?
C’est un peu absurde, mais l’histoire de Cuphead s’articule autour de deux frères dont la tête a été remplacée par une tasse — le bien nommé Cuphead — ou un mug — Mugman, tout bêtement. L’un est rouge, l’autre est bleu, mais les deux sont un peu rebelles et osent défier le diable lui-même dans un casino. Après avoir tout perdu, ils vont avoir une chance de rattraper le coup en acceptant de capturer les âmes de viles créatures. En bref, tout ça pour dire qu’il ne faut pas tenter le diable. Une belle leçon de vie pour les enfants, quand bien même ce sont les adultes qui y joueront.
Car cette intrigue n’est qu’un prétexte pour accoucher d’un boss rush, soit une succession de boss dont il faut se débarrasser en se baladant sur une carte truffée de passages. Il y a vraiment beaucoup à boire et un peu moins à manger (il y a carrément des phases en avion) et on pourrait presque dire que c’est parfois tellement fort de café — sans sucre ni lait — que les adversaires, qui désamorcent certaines icônes populaires et puisent un peu partout (coucou le Géant de Fer), n’auront de cesse de vous mettre sur la paille. Avec Cuphead, on a la promesse d’un challenge d’un autre temps, rappelant les Metal Slug pour ne citer que cette franchise.
Un jeu corsé
Pour triompher, et il faut triompher pour voir le bout, il conviendra d’apprendre les motifs des différents boss, divisés en phases misant de temps en temps sur une donnée aléatoire pour tromper toujours plus les joueurs. Du timing, de l’abnégation, de la patience, du courage, de la précision : ces qualités seront vos meilleurs alliés pour voir le générique de fin. On pourrait donc résumer Cuphead ci-après : montrez-le à quelqu’un et il trouvera ça rigolo. Faites-lui jouer et il vous maudira à jamais en invoquant le Diable (alors que, précisément, c’est interdit). C’est ce caractère double qui fait le succès vidéoludique de cette expérience exigeante et remplie de bonnes trouvailles de gameplay.
D’autant que Cuphead ne vous donnera rien, pas même le confort d’être invincible lors du déclenchement d’une super-attaque (à placer au moment idéal du coup). Pas même l’opportunité de le terminer en passant un boss trop rebutant en mode facile (oui, c’est vraiment beaucoup plus facile… en facile). C’est un fait : tout, absolument tout se mérite dans Cuphead. A l’instar des armes et des bonus à acheter en ramassant des pièces dans des niveaux optionnels façon run and gun. Hélas, occire un boss n’offre rien, nonobstant un immense sentiment de fierté après en avoir tant bavé. Priceless.
Duo sans filtre
Et comme vous êtes un ou une ami(e) plutôt sympa, on imagine que vous inviterez volontiers quelqu’un à venir en découdre en duo, ce qu’autorise justementCuphead avec un mode coopératif sur le même canapé (bientôt en ligne ?). A priori, l’idée d’être deux induit un défi supposément moindre. C’est à moitié vrai. Effectivement, votre coéquipier pourra vous ressusciter s’il est assez rapide en rebondissant sur votre fantôme via la touche réservée à la parade. Mais les deux frères se ressemblent tellement qu’il peut y avoir confusion et panique quand il s’agit de s’y retrouver. Traduction : c’est un cadeau empoisonné, convivial, addictif et cruel.
Cuphead est disponible à 19 €.
Le verdict
Cuphead
On a aimé
- Une beauté envoutante
- Du challenge à en revendre
- Un sens du détail inouï
On a moins aimé
- Pas de coop en ligne
- Quelques micro-ralentissements
- Pas pour les fragiles
Cuphead est un bijou prenant la forme d'un bracelet dont les lanières seraient lacérées, du genre à vouloir être porté fièrement mais impossible à enlever tant qu'on l'a pas montré aux copains et aux copines. Capable d'émerveiller, toujours, et d'énerver, parfois, le jeu de Studio MDHR est une leçon constante baignant dans une ambiance bon enfant. Un paradis qui, une fois ses portes ouvertes, se transforme en enfer.
Alors, bien sûr, Cuphead n'est sans doute pas adapté à tout le monde et certains se sentiront floués au regard du challenge ardu qui se profile. Mais il ne faut jamais oublier que la fierté, même mal placée, surtout mal placée, peut conduire tout un chacun à se transcender. Et Dieu sait qu'il en faudra pour achever le jeu. On termine par rappeler que seuls ceux qui osent peuvent réussir. Alors, bravons les interdits : allons tenter le diable.
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