Site communautaire, jugement à base de pourcentage, rapport automatisé et importance des résultats au box office : pour Martin Scorsese, l’industrie du cinéma a perdu la boussole de son art. Le cinéaste dénonce dans une tribune le glissement du cinéma vers une industrie de contenus, appuyée par les nouveaux systèmes d’évaluation des films.

« Le réalisateur est réduit à un artisan du contenu, et le spectateur à un conventionnel consommateur », écrit Martin Scorsese dans sa dernière tribune publiée sur le Hollywood Reporter. Piqué par les critiques à l’encontre de Mother! et l’ambiance de lynchage public qui poursuit son réalisateur, Darren Aronofsky, le réalisateur de Taxi Driver veut remettre les points sur les i. Selon lui, Internet et les nouveaux standards de la critique attaquent la visée artistique du cinéma pour en faire un produit de consommation que l’on juge à une note, ou à quelques mots au mieux.

Réalisateurs sérieux contre consommateurs conventionnels

Taclant tour à tour les deux nouveaux standards de l’industrie que sont devenus Rotten Tomatoes et Cinemascore, le pionnier du nouvel Hollywood tente de rappeler un monde médiatique où la critique avait un sens, une méthode et servait de mètre étalon à l’art.

Aujourd’hui, elle ferait et déferait des budgets et des carrières, sans n’être jamais remise en question selon Scorsese. Il écrit en outre que lors de sa carrière, il a pu interroger des auteurs sur des critiques négatives, qui répondaient avec leurs connaissances et leur expertise. Aujourd’hui, les studios et les internautes préféreraient des critiques dites d’expérience dans laquelle le quidam va expliquer s’il a perdu deux heures ou non.

J. Lawrence dans Mother!, D. Aronofsky, 2017

J. Lawrence dans Mother!, D. Aronofsky, 2017

De fait, il y aurait dans ce nouvel environnement pour le cinéma, les clefs d’une défaite artistique, de laquelle Mother! serait une des dernières victimes. Le réalisateur explique avoir été choqué par la réception violente du film d’Aronofsky par le public et les critiques. Il juge en outre que le(plus mauvaise note possible) accordé par Cinemascore au film doit être relativisé : « Une distinction terrible que se partage des films dirigés par Robert Altman, Jane Campion, William Friedkin et Steven Soderbergh ».

Après avoir visionné le film en question, il pense comprendre que ce dernier déroute davantage qu’il déplaît : « Les gens semblaient enragés, simplement car le film ne pouvait pas facilement être défini ou compris avec un résumé de deux mots. »

Pour Scorsese, le nouvel écosystème critique met en avant des avis peu légitimes qui poussent à parler de film en tant qu’expérience circonscrite, plutôt qu’en un véritable art. « [Mother!est il un film que l’on doit expliquer ? Que dire de l’expérience de Mother! ? C’était si sensuel, si magnifiquement mis en scène et joué… » D’autant que les studios, qui ont toujours accordé à la critique une place importante, s’intéressent désormais beaucoup aux agrégateurs de données comme les deux entreprises citées plus haut. Des données qui viennent mettre au pilori des œuvres qui n’ont pas le format attendu par le consommateur mais présentent un intérêt artistique supérieur.

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J. Lawrence dans Mother!, D. Aronofsky, 2017

Au fond, la perte de culture des critiques ainsi que le besoin d’ « aimer instantanément » une œuvre nivelle par le bas Hollywood pour Scorsese.

Enfin, ce nouveau monde semble prêt à tuer des œuvres valeureuses, réalisées par des « cinéastes sérieux » et qui ne demandent pas d’être vues par des consommateurs, mais des humains dotés d’émotions qui échappent au simplisme des agrégateurs. La tribune de Scorsese apparaît comme un pied de nez aux studios que le réalisateur s’apprête à court-circuiter en signant avec Netflix pour son prochain long-métrage.

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